Roland-Garros 2025 : 12% de courts en terre battue en France contre 60% chez les voisins... Et si les maux du tennis français venaient de là ?
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Yannick Noah, dernier vainqueur français de Roland-Garros en 1983 chez les hommes, et Mary Pierce, lauréate en 2000 chez les femmes, attendent toujours leurs successeurs.
Née en France, mais désormais en voie de disparition dans l’Hexagone. La terre battue, créée sur l'idée ingénieuse de joueurs de tennis anglais en villégiature sur la Côte d’Azur en 1880, ne recouvre désormais plus que 12% des courts français, contre 98% en 1950. Et cela alors que la France et Paris accueillent le seul tournoi du Grand Chelem sur cette surface. Le fait que les joueurs tricolores y soient à la peine depuis des années n’est pas anodin.
"Je suis persuadé que notre souci de ne pas avoir suffisamment de bons joueurs à Roland est lié à notre problème de manque de courts en terre battue. C’est la meilleure des surfaces pour apprendre", tranche Patrice Hagelauer, coach de Yannick Noah lors de son sacre à Roland-Garros en 1983, et ancien Directeur technique national (DTN) de la Fédération française de tennis.
"Il y avait des courts en terre battue dans mon club, mais comme il ne faisait jamais beau, on jouait tout le temps dedans sur de la moquette, confiait Ugo Humbert en 2023 à Radio France. Je sais que la terre battue ne sera jamais ma meilleure surface", concédait-il. Comme le Mosellan, les joueurs français se forment de moins en moins sur l’ocre. "On a deux problèmes principaux aujourd’hui, identifie Nicolas Maignan, responsable des équipements à la Fédération française de tennis (FFT). Premièrement, on n’a pas assez de courts en terre, et deuxièmement, quand on en a, nos enseignants ne jouent pas dessus. Il va falloir retrouver cette culture de la terre". A titre de comparaison, chez nos voisins, sondés par la FFT, la terre battue représente 60 à 80% des courts, même en Belgique et aux Pays-Bas, où le climat n’est pas vraiment plus doux.
"La meilleure surface pour apprendre"
Selon Patrice Hagelauer, la terre battue permet un apprentissage beaucoup plus fin et complet, "parce qu’elle ralentit le jeu, on arrive plus facilement à retourner le service, et derrière, il faut construire le point, donc apprendre à utiliser les effets. On est obligé de réfléchir, de travailler l’adversaire en variant, et les échanges sont plus longs. A partir de là, le physique doit être adapté et il faut être résistant", décrit-il.
Au-delà de ces variations de jeu et de l’aspect physique, la glisse sur terre battue n’est pas innée et s’apprend. "Il ne faut pas avoir le corps qui part vers l’avant, bien équilibrer la glissade avec le buste bien placé pour repartir dans une autre direction rapidement. C’est essentiel d’apprendre tôt, sinon vous n’êtes pas à l’aise et vous perdez du temps dans le replacement", ajoute Patrice Hagelauer, qui avait emmené Yannick Noah en stage intensif sur terre battue avant son sacre. "Yannick a toujours eu cette base avec le tennis-étude de Nice où il a été formé sur terre. Mais dès qu’on en avait la possibilité, dès qu’on avait terminé la tournée américaine, on était sur terre battue", rappelle-t-il.
Aujourd’hui, l’ancien entraîneur constate un manque de terrains et de compétitions sur cette surface pour les jeunes. "En France, on est organisé en ligues et comités départementaux. Chaque ligue et chaque comité ont un centre, mais dans ces centres-là, il y en a toujours qui n’ont pas de courts en terre battue, alors que c’est là que viennent les meilleurs de la région pour s’entraîner. Et surtout, les championnats de France jeunes se font sur dur", explique-t-il.
Un plan de construction de courts en béton dans les années 1970
Mais alors comment la terre battue, qui "est notre ADN" selon les mots du président de la FFT Gilles Moretton dans La Provence le 22 septembre 2024, a-t-elle disparu du paysage ? "La chute du nombre de courts en terre a eu lieu à la fin du siècle précédent, regrette Bruno Renoult, fondateur de l’Association pour le développement de la terre battue. Le président de la FFT de l’époque, Philippe Chatrier, a dit qu’il fallait faire du tennis pour tous. Il avait un copain, Jean Becker, très bon joueur de tennis, qui faisait du béton et des routes. Ils ont passé un accord pour faire des courts de tennis dans tous les villages de France".
Bruno Renoult pointe également la gestion municipale de la majorité des courts de tennis. "La terre battue crève en France du fait que le tennis soit public", simplifie-t-il, arguant que les villes "ont un budget de fonctionnement très peu important par rapport au budget d’investissement". Selon lui, "les maires, pour des raisons électorales, investissent dans un court, mais se fichent de l’entretien. La mairie préfère se tourner vers un marché qu’elle connaît bien, avec un maçon ou un cimentier, alors que la terre battue se rapproche plutôt d’un travail de jardinier. Et ensuite, le maire ne veut pas augmenter les cotisations, pour qu’on vote pour lui, alors que les cotisations en France ne sont pas assez élevées. 90 euros en moyenne, alors que pour avoir des courts de qualité en terre, elles devraient être comprises entre 500 et 1 000 euros par an".
"Il y a une question d’entretien, et je suis bien placé pour le savoir, souligne Arnaud Clément, consultant franceinfo: sport et directeur du tournoi Challenger d’Aix-en-Provence. Même nous à Aix, quand il gèle tous les ans, ça remonte, ça fait exploser les lignes, il faut refaire les courts".
Près de Nice, le club de la Colle-sur-Loup a été contraint de remplacer son court en terre battue par un court en dur, pour des raisons économiques et climatiques. Pas à cause du gel, comme à Aix, mais plutôt à cause de la sécheresse et des restrictions d’eau qui s’en sont suivies dans la région. "On a respecté les mesures d’arrosage, d’autant que la mairie était assez stricte là-dessus. Mais la terre battue, il faut l’arroser avant de jouer, après avoir joué, toutes les heures. Donc une terre qui n’était plus arrosée, parce qu’on a eu deux années de sécheresse et de restrictions, c’était devenu impraticable", explique Céline Lebon, la présidente du club.
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Des clubs des alentours, qui ne disposent que de courts en terre battue, ou presque, ont quant à eux continué à arroser pour ne pas mettre la clé sous la porte. "Si j’avais eu à gérer un club avec quatre courts en terre battue, je me serais battue différemment, reconnaît Céline Lebon, dont le club est équipé de trois courts en dur qui ne coûtent rien à l’entretien. Alors que la terre, tous les ans, il faut en remettre parce que ça s’envole, il faut quelqu’un pour l’entretenir… On devait avoir une ou deux fois 3 000-4 000 euros de terre battue à régler par an, ce n’était plus viable économiquement".
Un plan "Jouons sur terre" à la FFT
Tous s’accordent à dire que la FFT s’applique à inverser cette tendance afin de faire croître le nombre de courts en terre battue. "Depuis un an, on a lancé le plan "Jouons sur terre", pour déjà sauvegarder les courts que l’on a, et en avoir de plus en plus, détaille Nicolas Maignan. On a déplafonné les aides financières. On aide au moins à 30 %, et si on veut aider à 80 %, on peut le faire. Si un court en terre battue coûte environ 60 000 euros à construire, on donne minimum 18 000 euros. Et pour la rénovation, qui coûte 35 000 euros, on donne 11 000 euros minimum. Il y a aussi une aide à la remise en état de la terre battue, car ça coûte environ 3 000 euros tous les ans au nord de la Loire puisqu’il gèle l’hiver. Et pour l’entretien, depuis des années on aidait à hauteur de 200 euros par court, cette année on est monté à 500 euros, et l’année prochaine l’idée c’est de passer à 800 euros".
Selon le responsable équipement de la FFT, la Fédération finance également la mise en place de compteurs d’eau et des systèmes de récupération pour la réutiliser pour l’arrosage. "On essaye de faire beaucoup de recherche et de développement pour tester la terre artificielle. C’est une sorte de tapis de trois centimètres, de résine, de polyuréthane, de caoutchouc, sur lequel on met de la brique pilée avec une solution hydrofuge qui permet de ne jamais arroser", décrit Nicolas Maignan.
Le serpent de mer du centre d'entraînement sur terre dans le Sud
Sur les bureaux de la FFT, reste l'épineux dossier d’un centre d’entraînement national, sur terre battue, dans le Sud, qui est un véritable serpent de mer. Il existe sur la Côte d’Azur des académies privées comme l’Elite Tennis Center à Cannes ou la Mouratoglou Academy à Biot, qui ont accueilli de grands joueurs comme Daniil Medvedev, Mirra Andreeva, Holger Rune ou Coco Gauff, et comptent de nombreux courts en terre battue pour former des belles promesses du tennis. Mais la Fédération peine depuis des années à y installer une annexe de son Centre national d'entraînement (CNE) de Paris, qui ne compte que des courts en dur.
"Dans ma bagarre avec les élus de la fédération pendant des années, on a essayé d’avoir un tel centre dans le sud, ça a été mon cheval de bataille, mais c’était un bras de fer, se souvient Patrice Hagelauer, lors de ses années en tant qu’entraîneur de l’équipe de France de Coupe Davis entre 1978 et 1999, et en tant que DTN entre 2009 et 2013. J’ai toujours plaidé pour cela, à chaque fois on m’a dit oui, mais ça a traîné". Le sujet s’est ré-invité au moment de la dernière campagne présidentielle de la FFT, avec deux candidats qui se sont affirmés en faveur de ce CNE dans le Sud. "C’est dans mon mandat, avec la finalisation d’un projet d’une base d’enseignements sur terre battue dans le Sud de la France", assurait Gilles Moretton, président de la FFT depuis 2021, dans les colonnes de La Provence en septembre 2024.
Reste que malgré le déficit de courts en terre battue, en comparaison avec le dur, "on n’est pas moins bons sur terre que sur les autres surfaces. On n’a pas gagné Roland-Garros depuis 1983 chez les hommes, mais on n’a pas non plus gagné en dur en Grand Chelem", fait remarquer Arnaud Clément, finaliste à l'Open d'Australie en 2001.
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