Joann Sfar et Costa-Gavras : le dialogue essentiel et nécessaire

Dans son livre au titre frontal voire provocateur, Joann Sfar pose néanmoins une question essentielle : "Que faire des Juifs ?", qui fait écho à l’actualité qui a suivi l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, entre la guerre déclenchée par Israël, et la montée des actes antisémites en France. Une question qui a en réalité davantage vocation à créer un dialogue "là où parfois nos dirigeants politiques n’y parviennent pas, confie l’auteur. En librairie, lors de rencontres, même dans des établissements qui sont en grève, on parvient à discuter et à dialoguer. Je sors d'un an de rencontres dans tout le pays et ça s'est plutôt bien passé, donc j'ai beaucoup d'espoir sur cet espace de dialogue."

"Mon combat, c'est qu'une présence et une voix juive subsiste en Europe."

Joann Sfar

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Pour Joann Sfar, son ouvrage est en quelque sorte "le livre d’une mission impossible". "On a compris qu’on ne va pas arrêter la haine, mais ce n’est ni une raison pour se taire, ni pour cesser de discuter." Et en effet, il explique que l’enjeu de sa nouvelle bande dessinée était de rendre hommage aux auteurs de la seconde moitié du XX^e siècle tels qu’Albert Londres, Joseph Kessel, Romain Gary ou encore Franz Kafka, et à leurs combats. "Je crois que nos aînés, après la Deuxième Guerre mondiale, nous ont laissé une mission impossible. Ils nous ont dit : votre mission, c'est que ça ne revienne pas, le nazisme et l'antisémitisme d'un côté, les horreurs du colonialisme de l'autre.’" Un héritage conséquent qui se répercute dans les débats actuels, observe l’auteur. "On voit bien que dans la passion pour le Proche-Orient se télescopent nos angoisses liées au nazisme d'un côté, et liées au colonialisme de l'autre."

Que faire des Juifs ? (Les Arènes) de Joann Sfar, disponible dès maintenant en librairie.

D'un dialogue à un autre

La montée de ces problématiques, le réalisateur Costa-Gavras l’observe aussi, et juge cela "surprenant" pour quelqu’un de "[sa] génération [qui] a commencé à avoir l'espoir que les choses allaient changer grâce à l'Europe, et grâce à cette espèce d'unité au monde qui commençait à apparaître", mais qui ne semble pas avoir duré, regrette-t-il. Pour lui, une "résistance très forte" est nécessaire pour revenir à ce que ce travail d’unité avait initié, et de le continuer par la suite. Pour le cinéaste de 92 ans, la résistance se passe du côté des soins palliatifs et sur la question de la fin de vie. Dans son nouveau film Le Dernier souffle, Costa-Gavras cherche en effet à "dédramatiser" et à aborder ces questions essentielles et universelles "dignement et dans une certaine paix".

"Le film est surtout sur la vie, sur ceux qui restent."

Costa-Gavras

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Le film est avant tout une ode à la vie et aux métiers du soin palliatif, et non à la mort, qui traverse pourtant tout le récit. Et en effet, parmi ceux qui restent, il y a notamment les médecins, les infirmiers et infirmières, qui jouent d’ailleurs leur propre rôle dans le long métrage. Un endroit "absolument étonnant" et "formidable", témoigne Costa-Gavras, où "tout se passe d’une manière humaine et de la meilleure des façons", mais qui subit toutefois "une pénurie extraordinaire" en termes de lits disponibles, déplore-t-il.

Le Dernier souffle de Costa-Gavras, au cinéma dès le mercredi 12 février 2025.

Une émission avec la participation de Thierry Fiorile, journaliste au service culture de franceinfo.