Rôle des pères dans la société : "la révolution va très vite", estime le sociologue Jean Viard

À l'occasion de la fête des pères, dimanche, le sociologue Jean Viard interroge la place que prennent les hommes aujourd'hui dans les familles.

Article rédigé par Benjamin Fontaine
Radio France
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Temps de lecture : 3min
Quand le bébé a deux mois, les pères ne participent qu'à 30% des tâches parentales, selon une étude récente de la fondation pour les sciences sociales. (THANASIS ZOVOILIS / DIGITAL VISION)
Quand le bébé a deux mois, les pères ne participent qu'à 30% des tâches parentales, selon une étude récente de la fondation pour les sciences sociales. (THANASIS ZOVOILIS / DIGITAL VISION)

Dimanche 15 juin, c'est la fête des pères ! Des pères dont la place a évolué dans la société. Depuis les années 70, ils consacrent deux fois plus de temps à leurs enfants, mais restent moins investis que les mères. 

franceinfo : Quels freins existent-t-ils à une répartition plus égalitaire des tâches ?

Jean Viard : Personnellement, je trouve que cela va relativement vite. La culture patriarcale définissait un rôle aux hommes et un rôle aux femmes depuis des centaines d'années, et cette culture est en train d'exploser. Le mouvement "Metoo" a fait bouger la poutre, mais il y a un vrai mouvement de fond. Nous sommes aussi dans une bataille idéologique avec ceux qui veulent revenir à un patriarcat plus prononcé. Cette bataille change nos sociétés. L'auteur Boris Cyrulnik en parle très bien. Ce mouvement de fond a fait évoluer le rôle du père et celui de la mère. Il faut aussi parler de l'autorité. Il y a quelques décennies, c'était la mère qui s'occupait des enfants et qui menaçait d'appeler le père si l'enfant ne respectait pas les règles. Aujourd'hui, on propose des temps calmes aux enfants. 

franceinfo : Est-ce qu'on peut aussi parler de la pression sociale qui a existé et qui existe encore parfois, pour que le père incarne l'autorité plutôt que la tendresse ou le soin ?

Jean Viard :  N'essayons pas d'avoir les mêmes rôles sociaux. La bataille, c'est de sortir du modèle patriarcal. Mais après, il faut qu'on réinvente des rôles pour le père et pour la mère. On a un chemin à faire et on est en train de le faire. Il faut continuer à pousser. On dit toujours que ça ne va pas assez vite, mais ce qui se passe est historique. Il faut en prendre conscience. 

franceinfo :  Est-ce que le congé paternité tel qu'il est actuellement proposé en France (25 jours calendraires) permet réellement aux pères de s'impliquer dans dans les premiers mois de la vie de l'enfant ?

Jean Viard : Pour l'instant, il est court. Je connais des entreprises qui donnent systématiquement trois mois de congé aux pères à la naissance de l'enfant. Cela me semble être une bonne chose pour construire du lien avec le salarié et cela peut aussi favoriser la natalité.

franceinfo : En réalité, il y a encore des réticences dans certaines entreprises. Il y a encore beaucoup de pères qui ont le droit à des réflexions quand ils partent chercher leur enfant à la sortie de l'école ou qu'ils doivent rester chez eux pour garder un enfant malade...

Jean Viard : Le problème quand on vit une révolution anthropologique aussi forte, c'est qu'il faut plusieurs générations pour la digérer. Il y a des pays fascinants, comme l'Espagne par exemple, qui est très en avance sur le sujet des violences faites aux femmes. Les pays scandinaves sont plus égalitaires depuis longtemps. La France, comme toujours, est assez traditionnelle. Il y a encore beaucoup de choses à faire, mais nous insistons toujours sur ce qui s'est déjà passé. Il faut rappeler qu'il y a presque 15% des femmes qui ne travaillent pas et qu'il y a deux millions de mamans qui sont seules pour élever leurs enfants. Il y aura toujours plus de femmes que d'hommes devant les écoles. Mais est-ce que les horaires des écoles correspondent aux horaires des gens qui travaillent ? Est-ce que l'école n'a pas aussi un travail à faire sur ce sujet ? Tout le monde doit faire un pas.

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