Pèlerinage des Saintes-Marie-de-la-Mer, une fête synonyme d'intégration, selon le sociologue Jean Viard

Des milliers de gitans se retrouvent ce week-end des 24 et 25 mai pour le grand pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer. Le sociologue Jean Viard en profite pour analyser.

Article rédigé par Benjamin Fontaine - Jean Viard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Chaque année, fin mai, des milliers de gitans venus de France et d'Europe convergent vers les Saintes-Marie-de-la-Mer. (NORBERT SCANELLA / ONLY FRANCE)
Chaque année, fin mai, des milliers de gitans venus de France et d'Europe convergent vers les Saintes-Marie-de-la-Mer. (NORBERT SCANELLA / ONLY FRANCE)

Entre processions, messes et bénédiction, les Saintes-Maries-de-la-Mer sont envahies par une véritable ferveur religieuse ce week-end des 24 et 25 mai 2025. Comme chaque année, des milliers de gitans de toute l'Europe se retrouvent en Camargue pour le plus grand pèlerinage de l'année. L'occasion de s'intéresser à la communauté des gens du voyage et à leur place dans la société.

franceinfo : De qui parle-t-on quand on parle des gens du voyage ?

Jean Viard : "Gens du voyage" c'est un mot bureaucratique. C'est l'administration qui a inventé cette dénomination. On parle souvent de gitans parce que ce mot vient de l'espagnol et du mot egipcianos parce qu'à l'origine on a pensé que ces peuples venaient d'Egypte, en raison de leur couleur de peau. En réalité, ce sont des gens qui viennent d'Inde et qui sont arrivés en Europe il y a à peu près 1000 ans. Ce sont des sociétés nomades qui sont parties pour des raisons qu'on connaît mal. On dénombre un peu plus de 750 000 gens du voyage en Europe, 300 000 en France. Leur particularité c'est bien sûr qu'ils sont mobiles. Nous sommes plutôt sédentaires et il y a une forme d'incompréhension, voire de crainte, dans les deux sens. Il faut d'ailleurs faire attention, car plus de 80 % d'entre eux sont en fait sédentaires. Ça ne veut pas dire qu'ils ne vont pas habiter dans une caravane.

Il y a un héritage, une idée, que ces gitans, ces Tsiganes, ces Manouches seraient à part, inassimilables. Dans quelle mesure cela a influencé les politiques publiques ?

Normalement, toute commune de plus de 5 000 habitants devrait avoir un endroit pour les accueillir correctement. Ça date des années 1990 et pourtant ce n'est toujours pas le cas partout. Pourquoi ? Parce que personne n'a envie d'être voisin d'un camp de gitans. C'est exactement comme pour les prisons. Il y a plein de gens qui veulent construire des prisons, mais surtout pas à côté des chez eux. Voilà pourquoi il faut valoriser leur culture. Il faut d'ailleurs rappeler qu'ils sont citoyens français.

Est-ce qu'un événement comme le pèlerinage des Saintes-Marie contribue à leur intégration ?

Ce pèlerinage a été créé sous sa forme actuelle en 1935 par le marquis Folco de Baroncelli. À l’époque, il faut bien voir que toute cette région de Provence est devenue le grenier de Paris. Quand le train s'est développé se sont devenues des grandes régions agricoles qui ont eu besoin de main-d’œuvre pour ramasser les fraises, les tomates, etc. Les gitans sont venus prêter main-forte. Cette fête de la mer est devenue une fête des gitans. C'était aussi une façon de les faire venir dans cette région au moment des récoltes, de leur donner une fonction sociale et de les intégrer. D'ailleurs, en ce moment, c'est la récolte des fraises et il y a de la main-d’œuvre dans les champs !

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