Mémoire de l'esclavage et de la traite : "On rame pour se rendre compte qu'on a une lourde responsabilité", estime le sociologue Jean Viard
La France a été le premier pays à reconnaître la traite et l'esclavage comme un crime contre l'humanité en 2001. Pourtant, cette histoire reste mal connue et il faut en faire plus pour la mettre en avant selon le sociologue Jean Viard.
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La France célèbre le samedi 10 mai la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition, plus de 20 ans après avoir reconnu l'esclavage comme un crime contre l'humanité. Une mémoire à l'histoire mouvementée, rappelle le sociologue Jean Viard.
franceinfo : Alors qu'on commémore les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale, la mémoire et l'histoire de l'esclavage semblent bien moins connues, moins enseignées ?
Jean Viard : Alors d'une part, ce sont deux événements de taille différente, mais l'esclavage, c'est quelque chose de monstrueux aussi, et qui a profondément transformé l'Afrique. Au fond, l'esclavage, c'est quoi ? C'est le fait que, à partir du XVIIIᵉ siècle, les puissances européennes ont dealé avec des populations côtières en Afrique pour qu'elles aillent chercher des esclaves à l'intérieur du continent. Et cela a complètement déstructuré la société africaine. Concernant la société française, la France a acheté 1 600 000 esclaves, alors que les Américains, par exemple, en ont acheté 600 000. C'est pour dire que la France a eu beaucoup plus d'esclaves que les Etats-Unis, mais nous avons minoré le phénomène.
Pourquoi ? Les esclaves ne sont pas venus en France continentale, ils sont venus dans des territoires comme la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane, qui ont été des territoires de la première conquête de la monarchie française. La monarchie avait une culture de bateau, elle avait une culture de la mer et on a développé ces territoires, d'abord très peu peuplées, par des populations qu'on a amenées par l'esclavage.
L'abolition de l'esclavage remonte à 1848, il y a eu 150 ans pendant lesquels il a été difficile de faire vivre cette histoire ?
Jean Viard : Tant qu'on a été en monarchie, on a eu des colonies maritimes. La Révolution française va inverser le mouvement puisque après, on va avoir des colonies terrestres. La Révolution française a aboli l'esclavage et ça n'a pas duré longtemps, donc à ce moment-là, on se dit que c'étaient les temps d'avant. On l'a mis dans un passé comme si on n'était pas responsable de ce qui se passait à l'époque monarchiste. Et c'est une des raisons, avec le fait que ce n'était pas dans l'Hexagone pour lesquels on se sent moins concernés, alors qu'en réalité, on l'est beaucoup plus que les Américains.
Aujourd'hui, où en est-on de cette mémoire, notamment dans les villes qui ont beaucoup participé à la traite ?
Jean Viard : Alors, il y a Nantes notamment, qui en a le plus profité. À Nantes, Jean-Marc Ayrault, l'ancien maire, préside l'Institut sur l'esclavage, donc il y a un travail. Mais honnêtement, il faut forcer le phénomène. Je voudrais rajouter que quand on a interdit l'esclavage en 1848, il y avait 236 000 esclaves qui ont été libérés : 74 000 en Martinique, 87 000 en Guadeloupe, 13 000 en Guyane et 62 000 à La Réunion. Cétaient des populations considérables, d'autant plus que la France, à l'époque, n'avait que 30 millions d'habitants. La question qu'on s'est posée, c'est comment indemniser les propriétaires, mais personne ne s'est posé la question de l'indemnité des esclaves et de ce qu'ils allaient devenir. Ils ont été dans des conditions épouvantables et ils n'ont pas été payés quand ils travaillaient.
Donc la question de la dette vis-à-vis des descendants d'esclaves n'est jamais posée, et je pense que c'est un vrai sujet. On rame pour se rendre compte qu'on a une lourde responsabilité et il faut qu'on en fasse un sujet important.
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