Condamnation de Marine Le Pen : la défiance vis-à-vis de la justice "est plus forte qu'elle n'a été", estime Jean Viard

La condamnation de Marine Le Pen est l'un des principaux sujets d'actualité de la semaine et ce n'est pas fini puisque des manifestations et des contre-manifestations sont prévues dimanche 6 avril à Paris. La défiance vis-à-vis de la justice "est plus forte qu'elle n'a été, elle est planétaire", estime Jean Viard

Article rédigé par Augustin Arrivé - Jean Viard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen, le 1 avril 2025. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)
La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen, le 1 avril 2025. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

La condamnation de Marine Le Pen pour détournement de fonds publics fait beaucoup réagir, non pas sur la probité en politique, mais sur la possibilité de contester une décision de justice. Le Rassemblement national a eu des mots extrêmement durs envers les magistrats et cette application de la loi. Emmanuel Macron a rappelé en Conseil des ministres mercredi 2 avril 2025 que l'autorité judiciaire est indépendante.

franceinfo : Une telle défiance vis-à-vis de la justice est-elle nouvelle ?

Jean Viard : Elle est plus forte qu'elle n'a été et elle est planétaire. Le problème, c'est l'écho que ça prend. Au fond, il y a un mouvement illibéral sur l'ensemble de la planète qui effectivement vise à renforcer le rôle du politique et souvent d'un homme fort ou d'une femme forte et puis effectivement d'écraser la justice. Donc c'est pour ça que ça prend aussi beaucoup d'importance. Après, quand on regarde la réaction de l'hôpital publique à cette décision. En gros, les gens qui voulaient voter pour madame Le Pen sont très fâchés et les autres trouvent ça assez normal. C'est à peu près ça la répartition.

Donc ça ne change pas grand-chose ?

Pour l'instant, non. Sauf que d'une part ça cristallise l'électorat d'extrême droite et on verra dimanche ce qui se passe. Après, il faut se dire qu'il y a eu beaucoup de gens qui ont été condamnés. Rappelez-vous Alain Juppé. Jacques Chirac a été condamné et je vous rappelle que le président Sarkozy est aussi condamné. Donc il y a des délits de certains politiques qui sont en train de casser l'image de la politique et je pense qu'il faut tenir ferme sur les positions, que le droit doit rester le droit. Après, il y a des juges de droite, il y a des juges de gauche. Pourquoi dire le contraire ? On peut toujours penser qu'on est passé devant des magistrats qui n'ont pas la bonne couleur politique, mais dans la plupart des cas, ils jugent purement en droit. Mais c'est pour ça qu'on a droit à l'appel.

L'idée avancée toute la semaine est que les personnes condamnées sont aujourd'hui victimes d'un système. Il y a une part de complotisme là-dedans ?

Oui, mais c'était le discours historique de l'extrême droite. L'extrême droite a toujours l'idée qu'il y a un système caché. Donc, on voit bien ce discours-là qui est extrêmement dangereux. La modernité de nos sociétés, c'est d'être bâtie sur un équilibre entre le droit et la politique. Au fond, il y a le droit, il y a la politique, il y a les grandes entreprises. Il y a trois forces. C'est ça au fond la modernité qui nous protège, mais c'est vrai qu'on a basculé dans un monde illibéral et du coup, on est dans une nouvelle période. J'ai toujours été frappé par cette idée que les sociétés capitalistes qu'on connaissait, au fond, c'était un couple socialisme capitalisme. Et en ce moment, on assiste, après l'effondrement du socialisme qui a mené souvent à des régimes libéraux, à l'effondrement de la partie capitaliste qui doit complètement se réorganiser culturellement.

Vous parliez d'un équilibre. Comment est-ce qu'on rééquilibre cela dans notre société ?

Il faut essayer au maximum de caler la montée du mouvement illibéral. Je pense que Donald Trump va casser aussi cette espérance illibérale qui l'incarne de plus en plus. Mais de l'autre côté, le problème, c'est comment le monde libéral est capable d'avoir un autre projet, c'est-à-dire qu'il rassemble, des gaullistes, des démocrates chrétiens, des écolos, des socialistes. Il n'y a pas de secret. Soit effectivement face à une pensée libérale, il y a la construction d'un projet qui en tire les gens vers la grande guerre climatique, vers le monde de demain qui reste bâti sur ses valeurs, soit, ce sont les illibéraux qui vont gagner.

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