Ascenseur social, réussite républicaine : "L'idée qu'on est tous uniquement le produit de la reproduction sociale, c'est très largement faux"
La réussite républicaine avec les notions d'ascenseur social, de méritocratie. Sont-elles encore un modèle auquel on peut croire ? C'est la question de société posée aujourd'hui au sociologue Jean Viard quelques jours après la nomination d'Elisabeth Borne au poste de Première ministre.
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La France a un nouveau gouvernement et une femme Première ministre à sa tête. Elisabeth Borne. 31 ans qu'une femme n'avait pas occupé ce poste depuis Edith Cresson. Une nomination largement commentée cette semaine, mais dans Question de société aujourd'hui, on s'intéresse au parcours singulier de la Première ministre, avec le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS.
Lors de sa passation de pouvoir avec Jean Castex, lundi 16 mai, Elisabeth Borne a prononcé cette phrase : "Je voudrais dédier cette nomination à toutes les petites filles en leur disant : allez au bout de vos rêves.
franceinfo : Jean Viard, pour vous, le parcours d'Elisabeth Borne, pupille de la Nation, est représentatif de ce qu'on appelle la réussite républicaine. Pourquoi ?
Jean Viard : C'est presque cela qui m'intéresse le plus. Une dame, c'est bien, mais c'est un trajet exemplaire. C'est une fille de réfugiés hollandais juifs, une famille qui a été dans les camps de la mort. Son père a été à Auschwitz, son grand-père et son oncle ont été à Sobibor. Ils ne sont pas revenus. Mais c'est vraiment ces juifs qui sont arrivés en France avant la guerre, qui ont été effectivement résistants, plus ou moins actifs, et qui ont fini dans les camps de la mort. Certains ont survécu, son père a nécessairement survécu, puis est mort assez vite.
Donc, Elisabeth Borne se retrouve pupille de la nation. Elle va monter les échelons et aller à Polytechnique, juste après qu'on y accepte les filles parce qu'avant, il n'y avait pas de filles à Polytechnique. Elle est dans les premières générations à pouvoir faire la grande école. C'est quasiment un modèle, on pourrait dire de la chance donnée à des gens qui partent relativement de bas dans la société, pour aller en haut, en remarquant une chose : quand on regarde les profils des jeunes qui sortent de leur milieu, le fait d'être enfants d'immigrés, c'est un des critères de dynamisme. Le fait d'avoir déménagé, c'est aussi un des critères de dynamisme.
Au fond, quand on regarde bien les enfants en général, si on élargit le film dont la Première ministre est une des actrices, évidemment, particulièrement pour les femmes - les études scientifiques pour les femmes à l'époque, c'était quasiment inexistant et encore aujourd'hui, Dieu sait si on a des problèmes - et là, on voit donc ce trajet qui est passionnant. Il ne faut pas oublier la souffrance, faut pas oublier la mémoire d'Auschwitz. Pensons effectivement à Simone Veil. Là, il y a ce traumatisme aussi, cette résilience, comme dirait Boris Cyrulnik. Donc il y a toutes ces forces derrière.
Mais après, si on regarde les jeunes Français d'aujourd'hui, on dit toujours : il n'y a plus d'ascenseur républicain. Dans la réalité, si vous prenez les 10% de familles les plus modestes, il y a effectivement 69% de leurs enfants qui vivent mieux qu'eux, à 28 ans - on prend la mesure à 28 ans - qui gagnent plus qu'eux. C'est-à-dire que l'idée qu'on est tous uniquement de la reproduction sociale, je m'excuse, c'est très largement faux. Et quels sont les critères ? Les critères, c'est soit des parents qui ont fait des études supérieures, même si après économiquement ils sont très défavorisés ou marginaux, etc. C'est des enfants d'immigrés, c'est des familles en mobilité territoriale. Donc ils se sont arrachés de leur cadre, et puis le quatrième critère qui lui est profondément inégalitaire, c'est qu'à 18 ans, ils habitaient en Île de France.
Donc il y a des critères qui sont liés au trajet familial, et aux combats de ces familles pour vivre, il y a un trajet qui est assez scandaleux, c'est qu'en gros les enfants d'Île de France sont privilégiés par rapport aux provinciaux. Là, il y a un vrai sujet. Et puis, n'oublions pas une chose, c'est qu'il y a évidemment la volonté, le travail de ceux qui ont réussi. Ils ne sont pas montés tout seuls, ils ont travaillé comme des fous. Quelque part, ça leur donne une certaine idée du travail, et je pense que Madame la Première ministre est un peu dans cette vision du travail très fort avec toutes les réformes qu'elle a faites. Ça aussi, évidemment, ça compte.
Sur les politiques qui ont été menées aussi, on a le sentiment aujourd'hui que réaliser le parcours d'Elisabeth Borne, c'est un peu plus facile. Il y a eu des dispositifs qui ont été mis en place dans les écoles, notamment dans les grandes écoles aussi ?
C'est en un sens plus facile, mais ça se discute, parce qu'en même temps, regardez dans les classements internationaux etc, on n'est pas toujours les meilleurs, donc on n'a pas forcément progressé, notamment en mathématiques. Regardez l'erreur qui avait été faite de supprimer les mathématiques dans les classes de lycée. Donc on a la question de la formation scientifique des jeunes français, de leur passion pour les sciences, que ça soit les mathématiques, mais les sciences en général.
Les sciences, et les sciences de la nature sont un enjeu majeur de la révolution climatique dans laquelle on est engagé. Donc on a beaucoup à faire de ce côté-là. Mais vous savez, il est important de dire qu'actuellement la machine marche assez bien, mais qu'il faut l'améliorer. Mais pas qu'elle ne marche pas, parce que c'est faux.
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