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Vacances d'été : le passage à six semaines toujours à l'ordre du jour

L'Education nationale vient de confirmer que des discussions allaient s'ouvrir pour modifier le calendrier scolaire. Les enjeux sont complexes.

Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
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Le sujet revient dans
l'actualité suite à la diffusion par lexpresss.fr des documents
communiqués par le ministère aux syndicats
. Ils vont jusqu'en 2017, fin de la
mandature. Et ils prévoient toujours une année de 36 semaines. Vincent Peillon
avait un temps envisagé des changements importants, avec diminution de la durée
des vacances d'été "six semaines, c'est suffisant ", avait-il dit en
février. Des discussions s'ouvriront
bien en 2015 indique l'Education nationale, quant à une évolution possible des
rythmes scolaires annuels.

Discussion sensible...

Oui.

Il y a peu de casus belli au fond entre les syndicats et le ministre mais la question de l'organisation du temps de
travail en fait partie.

Aujourd'hui, elle s'exprime en temps passé devant les élèves –
de 15 à 26 heures hebdomadaires selon les niveaux et le grade de l'enseignant,
sur 36 semaines.

Le reste de leur temps de travail – la préparation des cours,
les corrections, certaines réunions aussi, les sorties, les classes découverte

  • tout cela est laissé à leur liberté d'organisation.

Certains préconisent de changer ce mode de calcul.

Oui. Et d'annualiser ce temps de travail. Cela permettrait
plus de souplesse, on pourrait intégrer plus de temps de présence obligatoire
dans les établissements pour faire autre chose que de l'enseignement au sens
strict, dans la classe. Mais ça, c'est un casus belli, en tout cas avec le
syndicat majoritaire dans les collèges et les lycées.

Il faut aussi rappeler qu'on a parfois donné des vacances pour
compenser une absence d'augmentation de salaire – ce fut le cas sous le Front
populaire. Donc un allongement de l'année, même sans un allongement du volume
horaire total, serait vécu comme le retrait d'un acquis.

Ça, ce sont les enjeux côté enseignants. Il y en a bien d'autres
quand on parle du calendrier scolaire...

Oui. Et quand on regarde l'histoire de ce calendrier, on voit
bien qu'il est le fruit de rapports de forces extrêmement complexes.

C'est ce que rappellent notamment les historiens Antoine Prost
et Claude Lelièvre

Au XIXe siècle, le rythme est dicté par les contraintes de l'agriculture mais
aussi, on le dit moins, par celui de la chasse – et là on parle de l'aristocratie
et de la bourgeoisie, qui ne veulent pas renoncer à ce temps important de la
vie sociale.

Début du XXe siècle, le bloc des gauches d'abord puis le Front
populaire ajoutent des vacances. Cette fois l'intention est en direction des
classes populaires. Les vacances dites de février – les vacances d'hiver –
apparaissent elles après les Jeux d'hiver de Grenoble, avec le développement
des sports de neige.

C'est aussi à cette époque qu'on instaure le zonage...

Oui, pour favoriser les industries touristiques et aussi éviter l'engorgement des
transports. Les routes mais aussi les avions ou les trains – vous avez toujours
un représentant de la SNCF dans les commissions qui décident du calendrier
scolaire.

Un autre expert des rythmes, Georges Fotinos, découpe l'histoire
en quatre grandes périodes

La période "sociopolitique" - de 1882 à 1922 et
couvre l'implantation de l'école laïque gratuite et obligatoire

La période - "socio-économique" - de 1922 à 1961 :
les vacances d'été sont rallongées pour les besoins du monde rural et les
congés payés des ouvriers

La troisième période est "économique" - de 1961
à 1980 : des zones sont créées pour les vacances d'hiver, de printemps et
d'été. On veut favoriser le tourisme

La quatrième commence en 1980 pour arriver au statut quo
actuel.

Avec à l'arrivée, ces 16 semaines de vacances annuelles, un
record...

Oui. Je précise que le record porte sur cette durée totale.
Pour ce qui est des vacances d'été, beaucoup de pays ont plus que nous. Mais ce
record est assorti d'un autre record, collatéral : celui des journées les plus
chargées...

... et là on parle enfin des enfants, qui sont un peu la
dernière roue du carrosse dans le débat.

Oui. C'et d'ailleurs cette logique avec laquelle Vincent Peillon voudrait
rompre. Il a souvent répété que la question des rythmes devait s'envisager selon
trois temps : la journée, la semaine et l'année. Je cite Claude Lelièvre,
l'historien : "Toutes les modifications du calendrier scolaire,
hormis une brève expérience en 1986, ont jusqu'ici été faites dans l'intérêt de
l'État, puis de l'industrie du tourisme, mais jamais dans celui des enfants
".
Ceci dit, ce n'est pas le seul dossier qui appelle ce jugement en matière d'éducation.

Cf la Gazette des communes :la directrice de
l'association Espace Jeunesse, qui organise les accueils périscolaires et la
réforme pour la mairie du Séquestre (1570 hab., Tarn). "On assiste à une
surenchère d'activités. C'est bien une réforme des rythmes scolaires, qui
permet de répartir les 26 heures différemment, mais ce n'est pas une réforme
des temps de l'enfant. Elle nie le besoin des enfants de se construire en
jouant
".

Vincent Peillon va de toutes façons avancer avec prudence -
c'est le résultat de la difficulté à mettre en œuvre la réforme des rythmes
hebdomadaires ?

Selon toute probabilité. Et puis nous sommes dans une année
électorale. Pas question pour le PS de braquer l'électorat enseignant, que
François Hollande avait ramené au bercail en 2012 après dix ans d'infidélités
vers le centre, les écologistes, la gauche de la gauche et les républicains de
gauche comme de droite. Le PS sait qu'il a besoin de cette force de frappe dans
les urnes. C'était la fonction de la création des 60.000 postes supplémentaires
pendant la campagne, qui avait même surpris Vincent Peillon à l'époque. Reste à
savoir si cela suffira.

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