Cet article date de plus de douze ans.

Petite note, grands effets

On revient aujourd'hui sur la disparition annoncée de la note de vie scolaire au collège. Autour de ce livre qui paraît aux Presses universitaires de France, il montre que derrière cette petite note se cachent de grands enjeux...

Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Franceinfo (Franceinfo)
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Titre de ce livre : La discipline au collège. Une analyse
sociologique de la note de vie scolaire
. Il est signé Rachel Gasparini – elle
enseigne à l'université Lyon 1.

On avait parlé à la rentrée de cette note de vie scolaire – rappel
rapide du principe...

Une note originale à plus d'un titre. D'abord elle n'est pas délivrée
par les enseignants mais par les CPE. Et c'est une note à double
tranchant : elle est à la fois censée récompenser l'implication des élèves
dans la vie de l'établissement, et sanctionner leurs mauvais comportements.
Elle concerne en effet quatre domaines : assiduité, respect du règlement,
participation à la vie de l'établissement, obtention de l'attestation de
sécurité routière et de formation aux premiers secours). Elle avait été
instaurée par la loi Fillon de 2005 et une partie de son caractère
révolutionnaire vient aussi du fait qu'elle évalue des compétences et pas ce
que les notes évaluent en général, à savoir des connaissances.

Note " révolutionnaire "
dites-vous. Elle s'est transformée en révélateur des tensions qui existent au
collège...

C'est ce que montre la recherche. Premier champ de tension, les
relations entre les enseignants et ce qu'on appelle de manière assez cocasse la
vie scolaire, comme si l'enseignement n'était ni vivant ni scolaire,
bref  c'est le terme qu'on emploie pour
désigner tout ce qui se passe hors de la classe. Avec la note de vie scolaire,
plus question de se contenter de son pré carré : il fallait se mettre
d'accord pour attribuer une note collectivement. Cela veut dire aussi
reconnaître aux autres professionnels de l'éducation la légitimité de noter. Ça
n'allait pas de soi. En plus, le livre montre que les enseignants ne se
sentaient pas formés pour noter quelque chose qui relève de l'attitude, de la
compétence sociale voire, au-delà, qu'ils ne se sentaient pas assez préparés à
noter en général.

La réticence est donc surtout venue des
enseignants...

Oui. Mais pas pour les raisons qu'on peut  imaginer. Rachel Gasparini le redit
clairement dans un entretien publié par le Café pédagogique : ils n'ont
pas été critiques "  parce qu'ils seraient rétifs au changement, ni parce
qu'ils ne veulent pas travailler en équipe mais parce que la note de vie
scolaire n'était pas efficace par rapport à ce qui constitue le cœur du métier
enseignant ". En gros, elle ne les aidait pas à résoudre les problèmes
qu'ils rencontrent au collège : pour eux, une note ne permet pas
d'améliorer la discipline dans la classe et surtout, car c'est le but du jeu et
le cœur du métier, d'améliorer les apprentissages.

Mais il y a aussi des contre exemples,
des endroits où cela s'est bien passé.

Oui. Et là c'est moins étonnant, les choses se sont mieux passées dans
les collèges où il existe déjà une relation de confiance entre les professeurs,
la vie scolaire et le chef d'établissement. Dit autrement : dès lors que
les enseignants se sentent reconnus, entendus, épaulés, dans leurs difficultés
quotidiennes, eh bien cette note a pu apparaître comme un nouvel outil
intéressant, par exemple pour valoriser l'attitude d'un élève même si ses
résultats à proprement parler étaient médiocres.

Et justement, du côté des élèves ?

Eh bien cette dimension d'individualisation a été appréciée. En outre,
dans 80% des cas, la note était de 15 ou plus, ce qui n'est jamais désagréable.
En revanche, ils n'ont pas adhéré à l'idée d'une note qui valoriserait leur
façon de gérer leurs relations sociales, la façon dont ils se comportent avec
leurs camarades. En somme eux aussi ont leur pré carré à eux, la cour de
récréation pour le dire vite, et ils ne veulent pas que l'institution s'en
mêle.

Sauf pour régler les questions de
discipline ou de violence, tout de même...

Oui. Sauf que sur ce terrain là c'est l'échec. Je cite de nouveau Rachel
Gasparini : " la note de vie scolaire n'apparaît que marginalement
efficace sur le plan de la discipline. Elle n'est pas apparue comme un
dispositif en lien avec la lutte contre les problèmes de discipline et de
violence, ni du côté des professionnels, ni du côté des collégiens ". Elle
a également échoué à valoriser les engagements tout simplement car c'est apparu
très injuste. Pourquoi valoriser un élève qui a un engagement dans le collège
et pas un élève qui s'engage de la même façon mais au dehors ? Pourquoi
donner des points à un élève qui a été élu délégué, alors que tout le monde,
par définition, ne peut pas être élu même en en ayant la volonté.

Résultat, personne ne déplorera la
suppression annoncée de cette note.

Non. Mais Rachel Gasparini prévient : ce n'est pas en cassant le
thermomètre qu'on fait tomber la fièvre. Les tensions et contradictions
révélées par la note de vie scolaire demeurent et au cœur de ces tensions, les
questions de savoir si le collège n'est qu'un lieu d'instruction ou aussi un
lieu d'éducation, si les enseignants doivent s'impliquer dans la dimension éducative
ou s'en tenir à l'enseignement de leur discipline, si on ne peut pas avoir au
collège d'autres façons d'évaluer les élèves et de faire ainsi un peu baisser
la pression purement scolaire, qui peut être très destructive. " On ne
cesse de charger le collège de nouvelles éducations que la société peine à
organiser dans des lieux non scolaires : éducation à la sécurité routière, aux
stéréotypes de genre, à la santé, à l'alimentation, à l'environnement...
rappelle-t-elle sur le Café pédagogique. Mais l'institution scolaire semble en
difficulté au niveau d'un projet éducatif plus global, qui soit à la fois de
l'ordre de l'instruction et de l'éducation en général. " Et cela restera
vrai, note de vie scolaire ou pas.

 

 

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