"Si leurs textes ont traversé les siècles, c'est qu'ils ont quelque chose à dire" : les stratèges de l'Histoire rassemblés dans un ouvrage, pour mieux comprendre les conflits d'aujourd'hui

Face à une recrudescence de guerres un peu partout dans le monde, le général Benoit Durieux et Olivier Wieviorka se sont penchés sur les grands stratèges de l’Histoire et les ont réunis dans un ouvrage, "Les maîtres de la stratégie : de Sun Zi à Warden".

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Temps de lecture : 5min
"Le Partage de l'Europe selon les traités de Paris, juin 1919", (vers 1920). Photo d'illustration. (PRINT COLLECTOR / HULTON ARCHIVE / GETTY)
"Le Partage de l'Europe selon les traités de Paris, juin 1919", (vers 1920). Photo d'illustration. (PRINT COLLECTOR / HULTON ARCHIVE / GETTY)

Le général Benoît Durieux, avec Olivier Wieviorka, a décidé de balayer l'histoire des stratèges, parce qu'aujourd'hui, nous sommes au cœur "d'une recrudescence du phénomène guerrier", que ce soit en Europe, au Moyen-Orient, ou en Afrique avec les Houthis.

Benoît Durieux : On observe à la fois une recrudescence du phénomène guerrier, mais aussi des changements importants dans ce phénomène, qu'on peut voir un peu partout en Ukraine, à Gaza, en Afrique et ailleurs. On s'est dit que pour analyser cela, c'était le moment de se plonger dans des auteurs qui ont écrit il y a parfois très longtemps, mais qui ont probablement su atteindre quelque chose de très essentiel dans le phénomène de la guerre. Si leurs textes ont traversé les siècles, c'est justement que les générations qui nous ont précédés ont compris qu'ils avaient quelque chose à dire. Donc on a essayé de rassembler dans cet ouvrage des monographies sur 22 auteurs, stratèges ou stratégistes qui ont écrit sur la guerre à leur époque.

franceinfo : Commençons par le stratège de légende, Sun Zi (ou Sun Tzu), général chinois au VIᵉ siècle av. J.C. Ses grandes théories concernant la stratégie sont toujours d'actualité.

Exactement et elles sont toujours extrêmement étudiées, extrêmement utiles. Il a une pensée qui, aujourd'hui encore, nous frappe par son originalité.

Vous parlez également de Carl von Clausewitz, dont vous êtes un spécialiste.

J'ai eu la chance, dans ma carrière militaire, de beaucoup me pencher sur Clausewitz, qui est probablement le plus grand philosophe qui existe sur la guerre. Ce général, qui a eu une vie de soldat depuis l'âge de 12 ans, s'est battu dans l'armée prussienne contre les armées napoléoniennes. Il a beaucoup réfléchi, beaucoup écrit avec sa femme Marie Von Brühl. Ils nous ont laissé une œuvre qui continue aussi de nous inspirer.

Ce n'était pas un militaire, mais vous parlez quand même de Machiavel. Pourquoi ?

Ce n'était pas un militaire, mais il était le conseiller d'un prince, et il s'est beaucoup intéressé à ce qu'on appellerait aujourd'hui les affaires politico-militaires. C'est à la fois un penseur de la politique et un penseur de la guerre et cela nous a semblé aussi extrêmement intéressant.

Un autre stratège méconnu, André Beaufre.

C'est un général français qui a eu une carrière, qui a traversé tout le XXᵉ siècle, depuis la guerre du Rif [au nord du Maroc] jusqu'à l'expédition de Suez, a été un des grands penseurs de la dissuasion nucléaire en France. Il a, lui aussi, beaucoup de choses à dire et on a la chance d'avoir un spécialiste de cet auteur qui s'appelle le général Hervé Pierre qui a proposé un chapitre complet sur cet officier général.

Il y a ensuite un officier du tsar, Alexandre Svetchine.

Alexandre Svétchine est quelqu'un de tout à fait intéressant. C'était un officier du tsar qui est devenu un officier soviétique dans l'entre-deux-guerres et qui a été victime des purges staliniennes dans les années 30. Mais il a rédigé une œuvre tout à fait imposante sur ce qu'on appelle l'art opératif. En deux mots, l'art opératif, c'est comment on fait pour que la tactique, les combats servent effectivement les objectifs politiques. C'est un problème qui reste toujours d'actualité.

Concernant la stratégie fondamentale, il s'agit de guerre sur la terre, dans les airs ou en mer. On ne peut pas passer à côté de l'amiral Raoul Castex, à qui on doit le Collège des hautes études militaires, qui est devenu l'IHEDN, l'Institut des hautes études de Défense nationale.

Exactement, on lui doit la création de l'IHEDN. Lui aussi a eu une œuvre tout à fait imposante de stratégie navale, mais pas seulement. Son œuvre va bien au-delà. D'ailleurs, il était un apôtre de ce qu'il appelait la coopération des armes.

Mao Zedong a-t-il été un stratège ? Il se trouve aussi dans votre ouvrage.

Mao Zedong n'a pas été seulement un grand dirigeant politique et militaire. Il a rédigé des petits ouvrages sur la guerre révolutionnaire, qui ont eu une très forte influence dans les années qui ont suivi et qui continuent aujourd'hui d'être intéressants pour comprendre non seulement ce qui s'est passé, mais aussi ce qui pourrait se passer.

Les Maîtres de la Stratégie, de Sun ZI à Warden, sous la direction du Général Benoît Durieux et d'Olivier Wieviorka, est édité au Seuil.

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