En participant au projet de mobilité militaire, la Suisse remet en question son principe de neutralité
Le Conseil fédéral a décidé que la Suisse participerait, au même titre que d'autres pays non-membres de l'Union européenne, au projet de mobilité militaire visant à réduire les formalités administratives lors de la mobilisation des armées à travers ou entre les États membres de l'UE. Loin d'être anecdotique pour un pays qui se définit comme neutre.
La Suisse a décidé d’adhérer au projet de mobilité militaire financé par l’UE, auquel participent des pays non-membres de l’Union européenne comme le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada et la Norvège. L'initiative de l'Union européenne vise à faciliter la mobilisation de forces et d'équipements militaires des pays qui y participent. La neutralité de la confédération helvétique est donc un peu remise en cause. Beaucoup de Suisses ne sont d'ailleurs pas du tout d'accord avec cette participation du commandant de corps Thomas Süssli, chef de l’Armée, à la rencontre des chefs d'armée de l'Otan, qui a eu lieu mercredi 15 et jeudi 16 janvier, à Bruxelles. L'analyse de Richard Werly, le correspondant de Blick, quotidien suisse alémanique.
franceinfo : avec cet accord, les demandes de franchissement des frontières suisses par des forces armées étrangères pourront être ainsi traitées et approuvées en quelques jours. La neutralité est remise en cause ?
Richard Werly : Tout à fait, il y a deux sujets à traiter. D'abord, il y a la coopération concrète entre l'armée suisse, on pourrait même dire l'appareil de défense helvétique et ses voisins, et notamment l'Otan. Ça, c'est très important puisqu'il faut croire que l'armée suisse a besoin aujourd'hui, si elle devait résister à une quelconque agression, agression qui d'ailleurs passerait par le ciel des pays de l'Otan, l'armée suisse devrait coopérer. L'initiative que vous évoquez, c'est la coopération concrète entre l'armée suisse et ses voisins. Je rappelle que la Suisse a également acheté des F35 américains dont elle attend la livraison d'ici 2027.
Des Suisses très préoccupés par le nombre croissant de projets d'armement en grande difficulté…
Tout à fait, et j'allais y venir. Si vous entretenez une armée, en l'occurrence une armée de conscription, comme c'est le cas en Suisse et que vous êtes neutre, vous devez vous défendre puisque la neutralité n'exclut absolument pas de se défendre. Pour se défendre, il faut des armes. Or, l'industrie suisse de l'armement, c'est là où je voulais en venir, n'est viable que si elle a des partenariats internationaux et européens. Produire pour la seule armée suisse, ce n'est pas rentable, ce n'est pas tenable. Donc on a vraiment, je dirais, une équation compliquée sur le plan des armements, de la logistique, de l'armée, ce qui explique cette participation à géométrie variable de l'armée, à des initiatives européennes ou à l'Otan. Et vous avez à côté de cela un débat fondamental qui est sur "qu'est-ce que la neutralité ?"
"Aujourd'hui, il y a une initiative, pouvant conduire à un référendum, qui circule pour réaffirmer la neutralité suisse. Pour l'inscrire de facto dans la Constitution, de manière très claire."
Richard Werly, correspondant de Blickà franceinfo
Tout le débat est de savoir est-ce qu'être neutre, c'est appliquer le droit international ? C'est ne jamais agresser son voisin ou quiconque, et s'en tenir aux règles internationales édictées par les Nations unies, y compris les sanctions. Et vous avez une autre conception, beaucoup plus étroite, qui consiste à dire la Suisse est neutre, elle ne participe à rien du tout, elle ne fait qu'assurer sa défense. Sauf que là, vous butez sur des impératifs économiques parce que défendre un pays comme la Suisse aujourd'hui, ça suppose des armes, un équipement sur tous les théâtres aérien et terrestre, le maritimes n'a pas lieu d'être en Suisse. Il faut beaucoup, beaucoup d'argent, et même la Suisse n'en a pas les moyens.
Bonne nouvelle quand même pour la Suisse, le Secrétaire général du Conseil de l'Europe est suisse.
Absolument. Alain Berset a été conseiller fédéral pendant une dizaine d'années. Il a même été président de la Confédération. Au lendemain de l'épidémie de Covid, il a participé au défilé du 14 juillet au côté d'Emmanuel Macron puisque la Suisse avait accueilli des malades du Covid. Alain Berset, élu au secrétariat général du Conseil de l'Europe, c'est une belle victoire politique, belle victoire diplomatique. C'est une personnalité qui s'est toujours passionnée pour les questions internationales mais qui au fond, n'a qu'une mission : trouver les moyens, une fois que la question des négociations en Ukraine sera abordée, de retisser les liens avec la Russie. La Russie, comme vous le savez, est membre de droit du Conseil de l'Europe, même si pour l'heure, elle en est suspendue.
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