"Antisémitisme", de Mark Mazower, aux éditions La Découverte

Cette semaine, un historien britannique s’interroge sur l’évolution du mot et de la notion d'antisémitisme.

Article rédigé par Rémi Bostsarron
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Mark Mazower retrace l’histoire du mot "antisémitisme" depuis son apparition au 19e siècle jusqu'à nos jours. (LA DÉCOUVERTE)
Mark Mazower retrace l’histoire du mot "antisémitisme" depuis son apparition au 19e siècle jusqu'à nos jours. (LA DÉCOUVERTE)

Que signifie véritablement aujourd’hui le mot "antisémitisme" ? C’est la question que pose Mark Mazower, professeur d’histoire à l’université Columbia de New York et lui-même descendant d’une famille juive de Russie exilée en Angleterre.

Une confusion s’est installée

S’il pose la question aujourd’hui, c’est parce qu’il observe que, dans les débats actuels, l’accusation d’antisémitisme peut tout aussi bien viser des suprémacistes blancs que le secrétaire général des Nations unies.

Sont-ils vraiment accusés de la même chose, des mêmes pensées ? Non, répond l'auteur, il y a une confusion qui s’est installée ces cinquante dernières années, et qui s’est renforcée ces derniers mois.

Retour sur les motivations des fondateurs d’Israël

Évidemment, l’antisémitisme tel qui sévissait dans les années 1930 existe toujours, même s’il ne s’exprime pratiquement plus dans le discours politique. C’est un fléau qui perdure à l’extrême droite et dans une partie de l’extrême gauche, un antisémitisme fondé sur les préjugés raciaux, les théories du complot et le négationnisme.

Mark Mazower montre aussi que cette définition de l’antisémitisme se retrouve aujourd’hui mêlée à une conception beaucoup plus large : une critique de la politique de l’État d’Israël peut être traduite comme une hostilité envers le peuple juif dans son ensemble.

Or ce parallèle n’a rien d’évident, selon l'auteur, si l’on se place dans une perspective historique.

Dans les années 1950, une partie importante de la diaspora s’opposait à l’idée d’un Israël qui représenterait tout le peuple juif. Quant aux fondateurs du pays eux-mêmes, très attachés à la laïcité, ils souhaitaient pour beaucoup voir naître "un nouveau peuple, israélien, qui n’aurait plus grand-chose à voir avec la diaspora".

Le réveil du spectre de la Shoah

Le moment de bascule, selon Mark Mazower, fut la guerre des Six jours, en 1967, une guerre qui a réveillé le spectre de la Shoah y compris dans la diaspora.

A commencé à s’imposer alors, dans les puissantes organisations juives américaines comme dans une large partie de la classe politique israélienne, l’idée d’un "lien simple et univoque entre l’État d’Israël, le judaïsme et l’ensemble des Juifs passés, présents et futurs", selon la formulation de l’historien.

Une idée confortée par la montée en puissance démographique des colons à partir des années 1970 et scellée par la loi fondamentale votée en 2018 qui fait de l’État d’Israël "le foyer national du peuple juif".

Tout cela conforte cette nouvelle définition de l’antisémitisme, dont Mark Mazower se demande aujourd’hui si elle permet de protéger les Juifs ou si elle ne les rendrait pas, au contraire, plus vulnérables.

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