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Les infox de l'Histoire : "24 Août 1572, les mystères d'un crime d'état, le massacre de la Saint Barthélémy"

L'historien Jérémie Foa, auteur du livre "Tous ceux qui tombent" (La Découverte, 2021), revient sur le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572. De l'espoir d'un mariage royal au carnage généralisé, l'épisode explore les conflits religieux, les complots et l'énigme d'un crime d'État ayant fait 10 000 morts.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Scène de la Saint Barthelemy de l'artiste peintre Joseph-Nicolas Robert-Fleury, en 1833. (ACTIVE MUSEU / MAXPPP)
Scène de la Saint Barthelemy de l'artiste peintre Joseph-Nicolas Robert-Fleury, en 1833. (ACTIVE MUSEU / MAXPPP)

Le 24 août 1572, la France bascule dans l'un des épisodes les plus sanglants de son histoire : le massacre de la Saint-Barthélemy. Ce carnage, qui débuta à Paris au son du tocsin de Saint-Germain l'Auxerrois et s'étendit ensuite aux provinces, faisant près de 10 000 morts dans toute la France, représente le paroxysme des guerres de religion. L'événement est d'autant plus énigmatique qu'il survient six jours seulement après le mariage somptueux entre la princesse catholique Marguerite de Valois et le chef protestant Henri de Navarre, une union censée sceller la réconciliation et apporter la paix au royaume. 

Pour Jérémie Foa, historien et spécialiste des guerres de religion, il est essentiel de commencer par ce mariage pour saisir l'"élément de surprise" du massacre. En 1572, Catherine de Médicis, régente du royaume et "femme de paix" selon l'historien, cherchait désespérément à "réconcilier les catholiques et les protestants qui s'entretuent dans le royaume de France depuis au moins 10 ans", privilégiant la "douceur, la parole et le mariage". Cependant, l'espoir est brisé le 22 août, lorsque l'amiral de Coligny, chef militaire protestant venu assister aux noces, échappe à un attentat, n'étant que blessé. Si la thèse d'un complot de Catherine de Médicis est "en grande partie abandonnée par les historiens", les soupçons se portent plutôt sur les Guise. Pour eux, cet acte était à la fois une vengeance familiale pour l'assassinat de leur père et une volonté de déclencher une nouvelle guerre de religion, le rapprochement avec un "hérétique" comme Coligny étant "épouvantable"

Massacre de proximité

L'échec de l'attentat contre Coligny, qui laisse les barons protestants "furieux" et désireux de "reprendre les armes", plonge la Cour dans la peur d'un "coup de force protestant". C'est dans ce climat de tension et de crainte, exacerbé par des prédications cléricales appelant "à la mise à mort des hérétiques", que Catherine de Médicis et son fils, le roi Charles IX, prennent la "décision terrible" d'éliminer les chefs protestants. Initialement, il s'agissait d'une "tuerie sélective" pour "éviter une nouvelle guerre". Pourtant, l'horreur dégénère en un "massacre généralisé", où des civils, femmes et enfants, sont tués. Jérémie Foa décrit une violence inouïe, comme la mort de Coligny, "défenestré, éculé et aussi décapité". Ces violences, loin d'être anarchiques, suivent une "grammaire religieuse" où les bourreaux "anticipent sur le corps de leurs victimes les châtiments qui selon eux les attendent en enfer". L'historien souligne qu'il s'agit d'un "massacre de proximité", où les voisins, qui connaissaient les habitudes religieuses de chacun, se sont jetés sur leurs proches, souvent pour des motivations de "haine religieuse" mais aussi des "motivations parallèles" comme des règlements de comptes économiques ou personnels. Le mystère de qui a pris la décision finale (Catherine de Médicis ou Charles IX) reste entier pour Jérémie Foa qui affirme : "On ne sait pas"

Après le carnage, les guerres de religion ne s'éteindront qu'en 1598, avec l'Édit de Nantes promulgué par Henri IV. Ce tragique épisode a creusé un fossé profond entre les communautés, nécessitant des siècles pour être surmonté. Jérémie Foa explique que la notion de tolérance, "un concept voltérien", était étrangère au XVIe siècle, où l'acceptation de vivre avec un protestant était perçue comme un péril pour le salut de l'âme catholique. Ce n'est que bien plus tard, le 24 août 1997, que l'Église catholique, par la voix de Jean-Paul II, a reconnu sa responsabilité, évoquant le "douloureux massacre" et ses "motifs bien obscurs dans l'histoire politique et religieuse de la France". La Saint-Barthélemy demeure un rappel sombre de la violence que la haine religieuse et l'instrumentalisation politique peuvent engendrer, et de la longue marche vers la reconnaissance et la tolérance. 


Avec "Les infox de l'Histoire", la quatrième saison du podcast de la Fondation Descartes en partenariat avec franceinfo, voyagez à travers les époques au cœur des grands épisodes de désinformation. Patrice Gélinet et ses invités exposent et analysent les infox qui ont défrayé la chronique de l'antiquité à nos jours. Complotisme, désinformation, rumeurs, calomnies, emballements médiatiques… Une quatrième saison de huit épisodes pour décrypter les mensonges de l'Histoire.


Journaliste : Patrice Gélinet | Réalisation : Somany Na | Prise de song et mixage : Guillaume Le Du | Attachée de production et documentaliste : Juliette Marcaillou | Documentaliste INA : Emilie Lacot | Une production de Radio France Studios

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