"Lire Lolita à Téhéran" : un chœur de femmes contre l'obscurantisme

Dans Les Experts Cinéma cette semaine, Thierry Fiorile et Matteu Maestracci évoquent les films "Lire Lolita à Téhéran" d'Eran Riklis et "Le Garçon" de Zabou Breitman et Florent Vassault.

Article rédigé par Thierry Fiorile, Matteu Maestracci
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Golshifteh Farahani dans "Lire Lolita à Téhéran" d'Eran Riklis. (METROPOLITAN FILMEXPORT)
Golshifteh Farahani dans "Lire Lolita à Téhéran" d'Eran Riklis. (METROPOLITAN FILMEXPORT)

Lire Lolita à Téhéran c'est l'adaptation du livre d'Azar Nafisi qui raconte sa propre histoire, celle d'une enseignante dans la capitale iranienne qui débute en 1979. Quand la révolution menée par l’ayatollah Khomeinei renverse le régime du Shah, des expatriés rentrent au pays, pleins d’espoir, de naïveté aussi, persuadés que ce mouvement, certes religieux, ne peut pas être pire que celui qui tombe.

"Lire Lolita à Téhéran" d'Eran Riklis

C’est le cas d’Azar Nafisi et de son mari. Ils étaient installés aux Etats-Unis et reviennent, elle sera enseignante de littérature à l’université. C’est Golshifteh Farahani qui incarne cette femme. Très vite elle est confrontée à la répression féroce du régime des mollahs, qui imposent le voile aux femmes et surtout voient dans cet enseignement une déviance morale. Avec ses élèves, malgré la violence du pouvoir, elles continuent d’étudier la littérature occidentale, comme Lolita de Nabokov. Une résistance dans la sphère intime, qui évoque, évidemment, le mouvement "Femme, vie, liberté" qui depuis 2022 secoue le régime islamiste.

Le film est classique dans sa forme, mais cette communauté de femmes et d’actrices, toutes exilées, citons notamment Zar Amir, qui vit désormais en France, est bouleversante. Elles portent à l’écran le combat des femmes qui ont l’âge de leurs mères, tout en étant l’espoir de l’Iran... Ce qui a changé depuis les années 80, c’est que les hommes ont rejoint les femmes dans cette résistance, mais ce qui n’a pas changé malheureusement, c’est la violence de ce régime.

"Le Garçon" de Zabou Breitman et Florent Vassault

Un titre mystérieux pour un film original et bouleversant. Nos deux réalisateurs trouvent un lot de photos dans une brocante qui traversent plusieurs décennies et générations. Des photos de famille dans lesquelles un personnage revient régulièrement, de l'enfance à la quarantaine. Et c'est pour découvrir sa vie et son identité que le duo Breitman/Vassault démarrent recherches et enquête. Lui en filmera un documentaire, et elle une partie fictionnelle sur cette famille, avec des comédiens comme Isabelle Nanty ou François Berléand... et devinez quoi ? On se prend au jeu, nous spectateurs, dès le départ et on veut, comme eux, savoir qui est ce monsieur et s'il est encore vivant. Idée géniale, film astucieux sous forme d'investigation et de jeu de pistes.

Avec beaucoup de pudeur, d'honnêteté, mais aussi pas mal d'humour, Zabou Breitman et Florent Vassault composent une œuvre atypique, qui fonctionne très bien. Ne comptez évidemment pas sur nous pour dévoiler le résultat de leur enquête. La partie fiction est un peu moins réussie que son pendant documentaire qui finit de toute façon par s'imposer au film. Mais on est vraiment sous le charme de leur travail et de ce Garçon.

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