"Indomptables", le polar sociétal au Cameroun de Thomas Ngijol

Dans "Les Experts cinéma" cette semaine, Thierry Fiorile et Matteu Maestracci ont retenu les films "Indomptables" de et avec Thomas Ngijol et "Les mots qu'elles eurent un jour" de Raphaël Pillosio.

Radio France
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Thomas Ngijol dans le film "Indomptables" (WHY NOT PRODUCTIONS)
Thomas Ngijol dans le film "Indomptables" (WHY NOT PRODUCTIONS)

Changement de ton pour Thomas Ngijol qu'on connaissait jusqu'à présent pour ses comédies : il s'agit cette fois d'un polar qui se passe au Cameroun. Thomas Ngijol tourne dans le pays de ses parents un polar, oui, mais aussi un film sociétal et familial. Il incarne lui-même le commissaire Billong, fonctionnaire intègre, autoritaire, parfois brutal, surtout avec les suspects, il enquête sur le meurtre d'un policier.

Brutal aussi dans la sphère privée, cet homme rigide, patriarche élégant qui porte beau le costard cravate malgré la chaleur de Yaoundé, a du mal avec ses proches, sa femme, son ex, sa fille, son fils, qui le voient comme un mâle ancienne école, incapable de voir que les choses changent, même au Cameroun. Le film s'inspire d'un formidable documentaire, tourné en 1997 en Côte d'Ivoire, Un crime à Abidjan de Mosco Lévi Boucault et Thomas Ngijol a vu dans le personnage de ce commissaire, des traits de caractère qui lui ont rappelé son propre père.

La force du film, c'est le côté "cash", sans filtre, des personnages, avec un casting camerounais étonnant. Indomptables comme l'équipe nationale de football, les "Lions indomptables" du Cameroun, Thomas Ngijol voulait que ça sonne juste, loin de la carte postale et c'est réussi, c'est aussi un instantané de la vie au Cameroun, un bon mélange de genre, polar réaliste, à l'humour grinçant.

Les mots qu'elles eurent un jour de Raphaël Pillosio

Très beau film articulé autour d'une magnifique idée : retrouver des militantes pour l'indépendance algérienne plus de soixante ans après leur sortie de prison en France en 1962, au moment des accords d'Evian et de la fin de la guerre. Une vingtaine de femmes réunies alors dans un appartement et s'exprimant devant la caméra du réalisateur Yann Le Masson, mort en 2012. Et qui répondent par exemple à cette question : "quelle place pour les femmes dans la future Algérie indépendante ?"

Mais il y a un souci technique de taille : si ces images en noir et blanc retrouvées par Raphaël Pillosio existent bel et bien, le son des conversations - lui - a disparu. S'inscrivant dans la continuité du travail de son aîné, il lance deux démarches en parallèle, demander à des spécialistes de la lecture sur les lèvres de tenter de retrouver ces mots qu'on ne peut plus entendre, mais surtout Raphaël Pillosio passe des coups de téléphone, envoie des e-mails, et se déplace à Alger pour retrouver les survivantes et/ou celles qui acceptent de lui parler, ce qui sera le cas pour une demi-douzaine d'entre elles.

Malgré de petits défauts de rythme ou de fluidité, on reste captivés par ce documentaire, les allers-retours entre les époques, le regard de ces femmes désormais âgées sur leur combat et leurs convictions d'alors, et ce que tout ça est devenu avec le temps, et plus largement sur le sort des femmes dans la société algérienne après les années 60.

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