: Vrai ou faux

Donald Trump peut-il vraiment recevoir le Nobel de la Paix ?

Donald Trump a donné "trois ou quatre jours" au Hamas pour répondre à sa proposition de plan pour la paix à Gaza, mardi 30 septembre. Le président américain en a profité pour rappeler qu'il pense mériter de recevoir le prix Nobel de la Paix. Une obsession de longue date, au point de s'arranger avec la réalité en affirmant qu'il avait "réglé six guerres en six mois" après son investiture.

Tout en en parlant très régulièrement, l'élu républicain pense aussi qu'il ne l'aura pas et que ce sera injuste. "Est-ce qu'on aura le prix Nobel ? Absolument pas, a-t-il déclaré mardi 30 septembre. Ils le donneront à quelqu'un qui n'a rien fait. (…) On verra bien, mais ce serait une grande insulte pour notre pays." Sur les réseaux sociaux, des internautes affirment d'ailleurs que le président américain a été disqualifié par le comité Nobel. Le Vrai ou Faux fait le point.

Donald Trump remplit les critères, a priori…

Il est impossible de prédire l'avenir ni de savoir ce que le comité Nobel décidera, mais il est tout de même possible de donner quelques éléments de réponse. En théorie, il est possible que Donald Trump reçoive le prix Nobel de la Paix. Il remplit les critères établis à la création du prix, mais la réalité est plus complexe.

D'abord, il faut savoir qu'on ne candidate pas au Nobel. On est nominé par quelqu'un d'autre, un chef d'État, un ministre, un député ou même un ancien lauréat. En l'occurrence, Donald Trump semble cocher ce critère. Plusieurs personnalités qui ont le pouvoir de nominer des candidats au Nobel de la Paix ont affirmé avoir inscrit le nom du président américain sur la liste, dont le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. Sa nomination est aussi soutenue par le Pakistan, le Cambodge et l'Azerbaïdjan. Le comité Nobel ne l'a cependant pas confirmé, la liste des nominations restant secrète.

Le deuxième critère pour obtenir le Nobel de la Paix est plus complexe et soumis à l'interprétation du comité Nobel. Dans son testament, qui permis la création du prix en 1901, Alfred Nobel a écrit qu'il devait récompenser "la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion ou à la propagation des progrès pour la paix".

Partant de cette définition, pendant des décennies, le Nobel de la Paix a récompensé des personnes pour une seule action en faveur de la paix, même si ces personnes avaient fait la guerre auparavant ou étaient controversées. Par exemple, en 1906, le président américain Théodore Roosevelt a reçu la récompense pour son rôle dans l'arrêt des hostilités entre la Russie et le Japon, alors même qu'il avait auparavant participé à la guerre contre l'Espagne à Cuba. L'ancien leader de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat l'a également reçu en 1994, aux côtés de Yitzhak Rabin et Shimon Peres, pour avoir conclu les accords d'Oslo censés amener la paix entre Israël et les territoires palestiniens, bien que Yasser Arafat eût présidé l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui menait des actions violentes contre Israël.

De ce point de vue-là, Donald Trump pourrait tout à fait obtenir le Nobel de la paix pour son plan pour Gaza, s'il aboutissait, puisqu'il s'agit d'une action en faveur de la paix.

… mais il n'est pas forcément celui qui a "le mieux" œuvré pour la paix dans sa vie

Rien n'est néanmoins certain, et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'en 2005, le comité Nobel a décidé de resserrer le deuxième critère. Au lieu de récompenser une seule action, il préfère à présent saluer une personnalité ou une institution qui a mis son existence entière au service de la promotion de la paix, des droits de l'homme ou de la démocratie. Ce qui ne correspond pas au profil de Donald Trump, richissime magnat de l'immobilier, ancien animateur de télévision, qui est extrêmement controversé dans son pays et qui vient d'exhorter les généraux américains à combattre "l'ennemi de l'intérieur" que sont, selon le président américain, les immigrés sans papiers, la presse et ses opposants politiques.

Cependant, les soutiens de Donald Trump pourraient répondre que Barack Obama a reçu la récompense seulement quelques jours après avoir été élu président des États-Unis, avant d'avoir eu le temps d'avoir un bilan à son poste. Certaines nominations ont donc une consonance très politique et paraissent davantage comme un soutien envers une personnalité.

Par ailleurs, le comité Nobel a reçu 338 nominations pour le Nobel de la Paix de 2025. Une liste qui sera maintenue secrète pendant 50 ans, donc on ne sait pas qui sont les autres nominés. Impossible de savoir si Donald Trump est celui qui, dans cette liste, a "le plus ou le mieux" contribué à la paix.

La dernière nuance à apporter tient au calendrier. Les nominations pour le Nobel de 2025 sont closes depuis le 31 janvier 2025, seulement une dizaine de jours après le début du deuxième mandat de Donald Trump. On ne sait pas si le président américain a été nominé avant cette date ou non. Benyamin Nétanyahou a annoncé l'avoir fait des mois plus tard. Il est donc possible que, si Donald Trump devait recevoir le prix Nobel de la Paix, ce serait plutôt en octobre 2026 qu'en octobre 2025 (le prochain Nobel de la Paix étant remis le 10 octobre).

Le comité rappelle son indépendance

Donald Trump a déjà été nominé dans le passé pour les accords d'Abraham signés en 2020 entre Israël, les Émirats arabes unis et le Bahreïn, mais son nom n'avait pas été retenu. 

Plusieurs internautes affirment même que le président américain a été disqualifié par le comité. Ils partagent une capture d'écran d'une dépêche de l'Associated Press (AP) selon laquelle le comité Nobel aurait estimé que Donald Trump ne pouvait pas recevoir la récompense parce qu'il avait décidé de rebaptiser son ministère de la Défense en ministère de la Guerre au début du mois de septembre. Mais il s'agit d'un faux. Le comité n'a jamais publié de communiqué en ce sens.

En revanche, le comité Nobel a bien rappelé récemment que ses cinq membres, nommés par le Parlement norvégien, décidaient en toute indépendance. "Nous voyons bien qu'il y a beaucoup d'attention médiatique autour de certains candidats, mais cela n'influe en rien sur les discussions en cours au sein du comité", a expliqué le secrétaire du comité Nobel, Kristian Berg Harpviken, à l'AFP selon BFMTV.