Rapidité, sécurité, erreurs : on a vérifié plusieurs affirmations sur la reconnaissance faciale
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin estime que la reconnaissance faciale permettrait d'améliorer la sécurité en France, ainsi que de fluidifier les transports en commun. Mais la Défenseure des droits alerte sur les risques d'erreurs et le respect de la vie privée.
C'est une déclaration qui a fait grand bruit, lundi 5 mai. Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a suggéré, dans une interview sur la chaîne YouTube Legend, de recourir à la reconnaissance faciale pour lutter contre l'insécurité. Cela permettrait aussi, selon le ministre, de faciliter l'embarquement dans les aéroports. Plus sécuritaire, plus rapide ou source d'erreurs ? Le Vrai ou Faux a vérifié plusieurs affirmations sur la reconnaissance faciale.
La reconnaissance faciale dans les aéroports et les gares
"Les gens disent qu'à Roissy on met 1h30 pour passer, à Dubaï on met 10 minutes. Oui, mais à Dubaï, il y a la reconnaissance faciale", a assuré Gérald Darmanin. Propos soutenus par le ministre des Transports le lendemain. "Ça peut nous aider en matière de transport à fluidifier, à contrôler", a-t-il déclaré le mardi 6 mai sur franceinfo, rappelant que c'était déjà utilisé dans plusieurs pays européens.
En premier lieu, il convient de préciser que, contrairement à ce que les deux ministres sous-entendent, la reconnaissance faciale est déjà utilisée en France. Elle est en cours d'expérimentation depuis plusieurs années dans les aéroports parisiens, l'a été aussi à Lyon, et a même été mise en place via des portiques à la Gare du Nord pour l'embarquement dans les trains Eurostar à destination de l'Angleterre. Les résultats de ces expérimentations n'ont pas été divulgués.
Mais, aux États-Unis, certains aéroports se targuent d'avoir réduit de 75% la durée du contrôle d'identité des voyageurs, selon un article de Future Travel Expérience. Un pourcentage impressionnant mais ce qu'il recouvre mérite d'être relativisé car cela ne représente pas un énorme gain de temps, à l'échelle individuelle : le contrôle est passée d'une durée de deux minutes à trente secondes.
Néanmoins, il est vrai que dans un terminal de l'aéroport de Dubaï, il est possible de marcher tout droit, sans s'arrêter, pendant que nos visages sont scannés par des caméras de vidéosurveillance et que nos identités sont vérifiées. Très logiquement, ne pas s'arrêter est plus rapide qu'attendre à un guichet. Un système similaire a été installé dans une gare de Tokyo, au Japon. Les voyageurs se préenregistrent sur un site, puis peuvent monter dans le train sans que leur billet ne soit contrôlé.
Surveillance de la population
Cet argument de la rapidité est de plus en plus utilisé pour promouvoir la reconnaissance faciale, supplantant parfois, dans le discours, l'ambition sécuritaire. Il séduit même certains magasins en Chine et au Japon, dans lesquels il est possible de payer ses courses en montrant simplement son visage.
"Les sociétés qui exploitent les aéroports ou conçoivent ces technologies ont bien compris que le consentement et l’acceptabilité sociale d’un système comme la reconnaissance faciale s’obtiennent sous couvert de praticité : c’est pratique d’ouvrir son smartphone ou une application avec son visage, comme ça l’est pour couper une file d’attente dans un aéroport", analyse Caroline Lequesne, maîtresse de conférences en droit public à l’université Nice-Côte-d’Azur, dans un article de Médiapart.
"Lorsqu’il s’agit de quelque chose d’aussi sensible que les modèles de nos visages, qui peuvent nous identifier pour toujours, les gens ne devraient pas être poussés à échanger ces informations contre la promesse d’une file d’attente plus courte", renchérissait Ella Jakubowska, de l’ONG EDRi, dans le même article.
D'autant que la reconnaissance faciale est, en réalité, principalement utilisée dans le monde pour des raisons sécuritaires. En Chine, cela permet de contrôler et de noter les citoyens dans la rue en permanence. En Iran, cela permet d'identifier les femmes qui ne portent pas le voile. C'est d'ailleurs l'argument sécuritaire qui a conduit à ce que la reconnaissance faciale soit déjà utilisée dans 11 des 27 pays de l'Union européenne, selon une étude datant de 2021, menée par des universitaires et commandée par le groupe des Verts au Parlement européen. Selon elle, sept autres pays avaient des projets pour s'en doter à l'époque.
La reconnaissance faciale fait-elle des erreurs ?
Réagissant aux déclarations de Gérald Darmanin et de Philippe Tabarot, la Défenseure des droits Claire Hédon s'est dite contre "la banalisation" de la reconnaissance faciale, dans le 8h30 de franceinfo, mardi 5 mai. "Je souhaite une société qui respecte les droits fondamentaux des personnes et les libertés. Il y a des risques avec ces reconnaissances faciales à deux titres (...) Il y a un risque d'atteinte aux libertés, mais il y a aussi un risque d'erreurs", a-t-elle souligné.
Mais en réalité, la technologie progresse vite et les erreurs sont de plus en plus rares, qu'il s'agisse de la reconnaissance faciale par authentification (comparer une personne à une photo) qui fonctionne le mieux ou de la reconnaissance faciale par identification (reconnaître quelqu'un à partir d'une vaste banque d'images).
Si en 2018, l'étude "Gender Shades" montrait que l'acuité de la reconnaissance faciale variait de presque 30% entre un homme blanc et une femme noire, présentant ainsi des biais liés à la couleur, au genre et même à l'âge, les choses ont évolué depuis. L'Institut national des normes et de la technologie américain estimait en 2014 que le meilleur outil de reconnaissance faciale avait un taux d'erreur de plus de 4%. En 2020, le taux d'erreurs global était descendu sous la barre des 0,1%, selon le Centre d'études stratégiques et internationales américains.
À Londres, la police s'est équipée de caméras de vidéosurveillance avec reconnaissance faciale et procède à des contrôles régulièrement. Selon les données de la police, ces caméras ont scanné près d'un million de personnes depuis le début de l'année. Elles ont signalé 710 personnes et ont fait moins de 1% d'erreurs, ces quatre derniers mois.
Par conséquent, les véritables enjeux de la reconnaissance faciale ne sont pas forcément ses erreurs, mais plutôt les atteintes à la vie privée et la protection des données personnelles. Comme le disent des experts de l'intelligence artificielle, cités par le journaliste spécialiste du numérique Hubert Guillaud sur son site Dans les algorithmes, "le plus grand danger de la reconnaissance faciale vient du fait qu'elle fonctionne plutôt très bien".
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