Non, le général De Gaulle n'a jamais prononcé une phrase antisémite citée par une élue écologiste

La phrase, prononcée par Lila Djellali, élue écologiste du 20e arrondissement de Paris et partagée massivement sur les réseaux sociaux, est une réécriture déformée et inexacte d’un propos tenu en 1967.

Article rédigé par Antoine Deiana
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Lilla Djellali, le 26 mai 2025, lors d'un conseil municipal du 20e arrondissement de Paris. (CAPTURE ECRAN MAIRE DU 20E ARRONDISSEMENT DE PARIS - RADIO FRANCE)
Lilla Djellali, le 26 mai 2025, lors d'un conseil municipal du 20e arrondissement de Paris. (CAPTURE ECRAN MAIRE DU 20E ARRONDISSEMENT DE PARIS - RADIO FRANCE)

Lundi soir, lors du conseil municipal du 20e arrondissement de Paris, Lila Djellali, élue écologiste, intervient sur la situation à Gaza. Au cours de son intervention, elle tient des propos antisémites. Une phrase devenue virale sur les réseaux sociaux : "Il y a une phrase d’un de nos présidents, qui disait : 'le jour où on rassemblera au même endroit les juifs, nous avons peur aujourd’hui qu’ils puissent devenir des dominateurs, qu’ils puissent faire l’impensable'. C’était Charles de Gaulle", déclare-t-elle. 

Non, Charles de Gaulle n'a jamais prononcé cette phrase. Lila Djellali en déforme une autre, bien réelle, prononcée par De Gaulle, alors président de la République, lors d'une conférence de presse donnée le 27 novembre 1967, quelques mois après la guerre des Six Jours.

Une citation fausse, réécrite et déformée

Ce jour-là, Charles de Gaulle critique la stratégie militaire d'Israël, qu'il juge expansionniste, tout en appelant à la reconnaissance mutuelle des États au Proche-Orient. Il évoque aussi l'histoire du peuple juif, ses persécutions et son soutien en Europe. C'est dans ce cadre qu'il déclare ceci : "Certains même redoutaient que les Juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps – un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur – n’en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles."

Cette phrase a provoqué une très forte polémique à l'époque, en France comme à l'étranger. Elle a été immédiatement critiquée pour son ton jugé essentialiste et stigmatisant. À l'époque, le philosophe Raymond Aron ou l'ancien Premier ministre Pierre Mendès France ont exprimé leur indignation. Le Congrès juif mondial dénonce même une sortie "antisémite". Mais contrairement à ce que laisse entendre Lila Djellali, De Gaulle ne parle jamais de "l'impensable" que pourrait commettre les Juifs, ni d'un danger supposé lié à leur rassemblement.

Des propos condamnés par les Écologistes

Les propos de Lila Djellali ont été immédiatement condamnés. Le maire du 20e arrondissement, Éric Pliez, a dénoncé une phrase antisémite, affirmant qu’elle ne peut pas être tenue dans une enceinte républicaine.

Le parti Les Écologistes a déclenché une procédure disciplinaire. Dans un communiqué, il indique avoir saisi le conseil disciplinaire en urgence et condamne les propos de son élue. Lila Djellali a présenté ses excuses sur les réseaux sociaux, affirmant qu'elle n'aurait pas "dû reprendre cette citation qui revêt tous les poncifs de l’antisémitisme, essentialisant les Juifs." L'élue écologiste s'est "engagée à se former pour ne plus commettre cette erreur". Elle a également annoncé se mettre en retrait de ses fonctions municipales.

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