Fausse information sur Brigitte Macron : non, la justice n'a pas validé les rumeurs disant que la Première dame est une femme trans

La cour d'appel de Paris a relaxé deux femmes à l'origine d'une fausse information extrêmement virale sur Brigitte Macron. Depuis, les partisans de cette infox exultent car ils pensent que la justice a validé leurs théories.

Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
La Première dame Brigitte Macron, le 9 juillet 2025. (LUDOVIC MARIN / POOL / AFP)
La Première dame Brigitte Macron, le 9 juillet 2025. (LUDOVIC MARIN / POOL / AFP)

"It's a dude !" C'est avec ces mots que l'influenceuse complotiste américaine Candace Owens crie sa victoire. "On a gagné ! On a gagné !" se félicite-t-elle dans une vidéo diffusée jeudi 10 juillet, dans laquelle elle réagit à une décision de la justice française. La cour d'appel de Paris venait de relaxer Natacha Rey et la voyante qui se fait appeler Amandine Roy, qui étaient poursuivies pour diffamation par Brigitte Macron et son frère Jean-Michel Trogneux. 

Natacha Rey est à l'origine de la fausse information selon laquelle, Brigitte Macron serait une femme transgenre, née sous l'identité de son frère. Elle avait développé sa théorie dans une longue interview sur la chaîne YouTube de la voyante en 2021, ce qui avait largement contribué à la faire connaître. Depuis l'infox fait florès dans les milieux complotistes français mais aussi outre-Atlantique depuis que Candace Owens a décidé d'en faire l'un de ses combats.

La décision de la cour d'appel de Paris est donc perçue par certains comme une preuve que Natacha Rey avait raison. Son avocat, Me François Danglehant, a d'ailleurs déclaré dans une vidéo sur X  : "La cour d'appel de Paris a donc validé les travaux, les recherches, les analyses réalisées seules par Natacha Rey." Vrai ou Faux ?

Un procès en diffamation n'est pas voué à chercher la vérité

En vérité, dire que la cour d'appel de Paris a validé la théorie selon laquelle Brigitte Macron était une femme trans est complètement faux. C'est surinterpréter les choses. Un procès en diffamation n'a pas pour but de dire si les propos qui ont été tenus sur une personne sont vrais ou pas. La question au cœur du procès est : ces propos ont-ils atteint à son honneur ?

Ainsi, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse estime que "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés".

En l'occurrence, la cour d'appel de Paris devait dire si elle estimait qu'accuser Brigitte Macron d'être une femme trans, d'avoir inventé son premier mariage ou encore d'avoir menti sur son état civil atteignaient à son honneur ou pas.

Dire qu'une personne est trans n'atteint pas à son honneur, selon la cour d'appel de Paris

La cour d'appel de Paris a examiné la trentaine de propos extraits de l'interview de Natacha Rey par la medium, qui étaient reprochés aux deux femmes. Elle a estimé que la plupart d'entre eux ne correspondaient pas à la définition légale de la diffamation, pour différentes raisons. Dans son arrêt que le Vrai ou Faux a pu consulter, la cour dit que certains propos sont "trop imprécis" ou "incohérents" pour "qu'il soit possible de déterminer une imputation suffisamment précise suceptible de donner lieu à une offre de preuve et à un débat contradictoire", et donc entrer dans la définition légale de la diffamation.

Mais surtout, elle estime que dire d'une personne qu'elle est trans ne peut être considéré comme de la diffamation, que cela soit vrai ou faux. "L'imputation d'avoir effectué une transition de genre et de ne pas avoir voulu la rendre publique ne saurait caractériser une atteinte à l'honneur ou à la considération de la partie civile", écrit-elle. Cependant, à aucun moment elle ne valide la théorie des deux femmes. Au contraire, en examinant la liste des documents légaux fournis par les parties civiles, comme les actes de naissance de Jean-Michel Trogneux et de Brigitte Macron, ou encore l'extrait de l'acte du premier mariage de Brigitte Macron, ou la copie du jugement de divorce, la cour d'appel de Paris estiment qu'ils "mettent en évidence les incohérences et faiblesses de l'argumentation" de Natacha Rey.

La cour rappelle que, pour entrer dans le cadre légal de ce qu'est la diffamation, des propos doivent faire "l'imputation d'un fait illicite, d'un fait contraire à la morale ou d'un comportement contraire à la probité", mais "il ne saurait être reproché à une personne transgenre de vouloir protéger sa vie privée et conserver le secret sur sa transition de genre". En résumé : un propos diffamatoire est un propos qui accuse quelqu'un d'avoir commis un fait illicite ou contraire à la morale, or être transgenre n'est ni illicite ni contraire à la morale, donc dire que quelqu'un est transgenre ne peut pas être un propos diffamatoire, selon la cour d'appel de Paris.

Un propos diffamant, mais relaxées pour bonne foi

La justice a, en revanche, estimé que les deux femmes avaient bel et bien diffamé la Brigitte Macron en l'accusant de détournement de mineur, en référence à l'âge qu'avait Emmanuel Macron quand ils se sont rencontrés la première fois alors qu'elle était enseignante et lui lycéen.

Mais la cour d'appel a aussi estimé qu'elles étaient de bonne foi, notamment car elles s'appuyaient sur des articles de presse qui mentionnaient l'âge du futur président lors de cette rencontre et qui romançaient une "transgression" ou que les parents d'Emmanuel Macron "auraient pu porter plainte pour détournement de mineurs". C'est en vertu de cette bonne foi que Natacha Rey et Amandine Roy ont été relaxées. Encore une fois, la cour d'appel n'a jamais dit qu'elles avaient raison. Cette décision ne valide rien.

Pour ne pas être condamnée, une personne poursuivie pour diffamation a trois solutions : ou bien les poursuites n'ont pas lieu d'être parce que les propos n'entrent pas dans le cadre légal de la diffamation (parce que les accusations sont dérisoires ou parce qu'il s'agit plutôt d'injures, par exemple) et la justice se prononcera en ce sens, ou bien la personne poursuivie peut invoquer l'excuse de vérité en prouvant que les propos qu'elle a tenus sont vrais, ou encore, troisième solution, elle peut invoquer sa bonne foi, c'est-à-dire démontrer qu'elle n'avait pas d'animosité personnelle, qu'elle ne cherchait pas à nuire, qu'elle l'a fait dans l'intérêt général et qu'elle avait ce qu'elle pensait être des preuves suffisantes pour dire ce qu'elle a dit. Dans cette affaire, l'excuse de vérité n'a pas été invoquée par Natacha Rey, ni par Amandine Roy.

Brigitte Macron s'est pourvue en cassation pour contester la relaxe, a appris franceinfo auprès de son avocat Jean Ennochi, lundi 14 juillet. Auprès de franceinfo, l'avocat de Brigitte Macron affirme que le parquet a également formé un pourvoi en cassation.

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