"On va dire que tu es hautaine, agressive" : la misogynoire décryptée par le vrai ou faux junior

La candidate de la Star Academy, Ebony, Aya Nakamura ou Miss France 2025 ont été victimes d'insultes sexistes et racistes. C'est ce que l'on appelle la misogynoire, un terme inventé aux États-Unis et devenu populaire sur les réseaux sociaux.

Article rédigé par Valentine Joubin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une pancarte dénonçant la misogynoire brandie par une manifestante, lors de la journée internationale pour la défense des droits des femmes, à Nantes, le 8 mars 2021. (KAROLL PETIT / HANS LUCAS)
Une pancarte dénonçant la misogynoire brandie par une manifestante, lors de la journée internationale pour la défense des droits des femmes, à Nantes, le 8 mars 2021. (KAROLL PETIT / HANS LUCAS)

"Si t'es pas là à faire le paon, le fou du roi, à aller faire des blagues à absolument tout le monde, on va dire que tu es hautaine. Si tu parles des discriminations que tu subis, on va dire que tu es agressive", témoigne la tiktokeuse Oddsyre, sur son compte Mamachiavélique, avec le hashtag #misogynoire, dans une vidéo vue 20 000 fois. Le vrai ou faux junior répond aux questions des élèves du collège Jean Perrin à Nanterre à propos de ce terme devenu viral sur les réseaux sociaux.

Un terme qui vient des États-Unis

Salim : "J'ai entendu dire qu'il y a eu plusieurs actes misogynoires en France. Qu'est-ce que cela signifie ?"

Le terme misogynoire désigne la misogynie et le racisme dirigés spécifiquement contre les femmes noires. Il a été inventé dans les années 2010 par l'universitaire féministe afro-américaine Moya Bailey. Dans un essai, qui a eu beaucoup d'influence (et titré "Ils ne parlent pas de moi"), elle démontre comment le cinéma, les médias ou les réseaux sociaux véhiculent des images très négatives des femmes noires. Elles sont souvent présentées comme masculines, agressives, leur tenue ou leur attitude sont très facilement qualifiées de sexuelles ou provocatrices.

Comme l'explique à franceinfo la chercheuse Hélène Breda, spécialisée dans les normes de genre dans la culture populaire, grâce à Moya Bailey, les femmes qui sont victimes de ces clichés ont désormais un mot pour le dénoncer. Le hashtag #Mysoginoire est devenu viral sur les réseaux sociaux, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, comme en France.

Le cliché des douleurs exagérées

Les préjugés misogynoires se manifestent dans les médias, mais aussi dans la "vraie vie" et en particulier dans le domaine de la santé. C'est ce que dénonce depuis plusieurs années Sandrine NGatchou, présidente de l'Utasa (Association de lutte contre l'infertilité des afro-descendants), une association qui accompagne les femmes noires ayant des problèmes de fertilité. Des patientes d'origine nord-africaine qui sont, par exemple, souvent accusées d'exagérer leurs symptômes ou leurs douleurs. 

C'est son propre parcours de PMA (procréation médicalement assistée), qui a poussé Sandrine NGatchou à accompagner d'autres femmes et à dénoncer publiquement la misogynoire. Notamment à travers sa chaîne Youtube OvocyteMoi.

Ebony, Aya Nakamura et Miss France 

Wanis : "Est-il vrai qu'Ebony a reçu des insultes misogynoires après la Star Academy ?"

Ebony Cham, finaliste de la dernière édition de la Star Academy a été éliminée le 25 janvier 2025. Durant l'émission et après son élimination, la chanteuse a été victime d'une campagne de cyberharcèlement particulièrement violente. Des internautes l'ont comparée à un singe, elle a été hypersexualisée. À tel point que son duo sur scène avec son père, le chanteur guadeloupéen Thierry Cham, a été qualifié d'incestueux.

Endemol, l'entreprise qui produit la Star Academy a d'ailleurs porté plainte pour injures racistes, tout comme "SOS Racisme" et l'association "La Maison des potes". Les auteurs de cyberharcèlement, en fonction de leur âge, risquent jusqu'à trois ans de prison et 30 000 euros d'amende.

Avant Ebony, la chanteuse Aya Nakamura ou Miss France 2025, Angélique Angarni Filopon, avaient elles aussi été victimes de misogynoire.

Un collectif pour dénoncer et sensibiliser

Nafissatou : "Comment faire pour que la souffrance des femmes noires soit moins minimisée ?"

Perle Vita, cofondatrice du collectif "Lutte-HSM" (qui milite contre le harcèlement sexuel misogynoire) et directement concernée par ce type de discours haineux, décrit à franceinfo deux modes d'action. Le premier : dénoncer les campagnes de cyberharcèlement là où elles ont lieu. C’est-à-dire sur les réseaux sociaux. L'été dernier le collectif de PerleVita a lancé le hashtag #antiHSM pour pousser les victimes de misogynoire à témoigner. D'après Perle Vita, ça a permis, pour un temps, de réduire les cyberviolences qui visent les femmes noires.

Le deuxième mode d'action : sensibiliser les plus jeunes à ce type de discrimination. Perle Vita et le collectif HSM interviennent dans les collèges, à la demande des enseignants, pour parler de la misogynoire. Elles organisent aussi des conférences à l'étranger, notamment en Belgique.

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