Le traitement éditorial des faits-divers sur franceinfo
Selon quels critères la rédaction de franceinfo décide-t-elle qu'un fait-divers ou un fait de violence mérite un traitement journalistique ? Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction répond aux questions des auditeurs avec la médiatrice des antennes de Radio France.
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Comment la rédaction de franceinfo décide de couvrir ou pas un fait-divers. Quels sont les critères déterminants ? Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction répond aux questions des auditeurs avec Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France.
Emmanuelle Daviet : Quelles sont les règles, les critères que la rédaction retient pour suivre ou non un fait-divers ?
Florent Guyotat : Alors il y a une règle simple, c’est qu’on parle d’un fait-divers quand on estime qu’il correspond à une évolution de notre société, et à un phénomène plus large, au sein de notre société. Je vais vous donner un exemple, celui qui s’est déroulé dans le Pas-de-Calais cette semaine. Vous avez peut-être entendu, il y a quatre mineurs qui ont été mis en examen après le suicide d’une adolescente de 13 ans. On a décidé de parler de ce fait-divers parce qu’il correspond à un phénomène plus large, celui du harcèlement scolaire, harcèlement scolaire qui fait partie des préoccupations de notre société.
Vous avez entendu également sur notre antenne qu’il y a de nombreuses campagnes de prévention qui sont mises en place, et qu’on a estimées que ce fait-divers devait être traité pour ces raisons-là. Cette semaine, vous avez également entendu ce qui s’est passé à Reims, la mort d’une infirmière, les graves blessures infligées à une aide-soignante par une personne déséquilibrée. Là aussi, on a jugé qu’il était important de l’évoquer à l’antenne, parce que cela a provoqué une émotion chez les soignants, dont Djillali Annane, un médecin-réanimateur qui a témoigné sur notre antenne.
Djillali Annane : "De la colère parce que ce n'est pas un fait nouveau, ce n'est pas quelque chose malheureusement d’inattendu. On voit, on voit dans notre quotidien. Moi, ça va faire plus de 35 ans maintenant que tous les matins, je me rends à l’hôpital. Eh bien, on voit depuis à peu près une dizaine d’années une augmentation considérable des violences, à l’égard des soignants et des professionnels de santé en général". Le réanimateur, Djillali Annane, interrogé mercredi 24 mai sur franceInfo.
Florent Guyotat : Vous avez enfin un autre fait-divers dont on a beaucoup parlé cette semaine sur franceinfo et sur d’autres antennes. C’est la mort de ces trois policiers du commissariat de Roubaix. Le week-end passé, ils ont été tués alors qu’ils sont entrés en collision avec une voiture qui était conduite par un homme qui était sous l’emprise du cannabis et de l’alcool. Ça a provoqué d’abord une émotion très forte au sein de la police, et puis au sein de la population. Donc, nous avons décidé également de parler de ce fait-divers.
Emmanuelle Daviet : Aborder les phénomènes de violence, c’est forcément aborder un sujet très politique. D’ailleurs, lors du Conseil des ministres mercredi, Emmanuel Macron est revenu sur les violences au sein de la société, en employant le terme "décivilisation" qui n’est pas neutre. On sait que les médias jouent un rôle déterminant dans cette perception de la violence par le grand public. Alors comment franceinfo s’est emparée du sujet ? Est-ce que cela suscite des débats lors des conférences de rédaction ?
Bien sûr qu’il y a des débats au sein de notre rédaction, et on essaye d’être le plus juste possible, le plus mesuré possible. Tout ça pose la question de la violence au sein de notre société. Et la question fondamentale, me semble-t-il, c’est : est-ce que la société est plus violente qu’avant ? C’est une question à laquelle on essaye de répondre régulièrement lorsque se produisent ce type de faits-divers. On donne la parole aussi à des gens qui ont du recul, et qui ont une expertise chiffrée. On a posé la question notamment cette semaine à Renée Zauberman. Elle est sociologue et directrice de recherche émérite au CNRS.
Renée Zauberman : "À l’échelle nationale, la violence physique demeure à un niveau globalement bas, avec cependant des zones qui échappent à ce diagnostic d’ensemble. Qu’est-ce que ça veut dire un niveau globalement bas ? Ça veut dire que les homicides sont stables. Ils sont à un niveau extrêmement faible, qui est le niveau européen, autour de 1 à 2 sur 100.000 habitants. C’est le critère standard. A titre de comparaison, au plan international, on observe par exemple en Amérique centrale ou en Afrique du Sud, des taux qui sont de l'ordre de 50 pour 100.000 habitants.
Ce qu’on observe en palier haut, en revanche, ce sont des violences qu’on a appelées sans contact. Tout ce qui est regards de travers, injures, insultes, menaces, rugosité de la vie, de la vie quotidienne, agressions verbales notamment. Et là, on se trouve à un niveau qui est bien plus élevé puisqu’on est sur deux ans, entre 14 et 16% de la population qui, quand on l’interroge, dit avoir été victime de ce genre de violence."
Emmanuelle Daviet : Florent Guyotat, donner la parole à des universitaires, à des experts qui sont dans un temps long de la recherche, est-ce que c’est un moyen pour vous d’éviter le sensationnalisme, de faire du buzz, ou tout simplement de banaliser les faits-divers ?
Florent Guyotat : C’est exactement ça. On est soucieux d’éviter une vision qui serait déformée ou exagérée de la situation de notre pays, pour parler clairement. On ne veut pas donner une vision d’une France qui serait à feu et à sang, ce qui évidemment serait exagéré, et c’est pour ça qu’on a besoin de ces experts, de les entendre, pour qu’ils puissent nous donner une vision avec du recul, qui permette à chacun de nos auditeurs de, lui aussi, prendre du recul et de se faire une opinion.
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