Le "féminicide" doit-il vraiment être reconnu par le droit français ?
A l'occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, Le Plus de France Info évoque le "féminicide", une notion que voudrait faire entrer dans le droit français, le père de Cassandre Bouvier, l’une des deux jeunes filles assassinées en juillet dernier en Argentine.
Assis dans le canapé rouge de son appartement parisien, Jean-Michel Bouvier, barbe grisonnante, lunettes rectangulaires et costume sombre, explique que c’est devenu le combat de sa vie : faire reconnaître, dans le droit pénal français, le "féminicide".
"La mort de ma fille, pour moi, c'était un crime contre l'humanité"
Sur l’une de ses bibliothèques, est encadrée une photo de Cassandre, sa fille de 29 ans, violée et assassinée, en juillet dernier, sur les hauteurs de Salta, en Argentine, avec l’une de ses camarades, Houria Moumni, 21 ans. Le massacre dont elles ont été victimes doit être considéré comme un crime spécifique de femmes, et non comme un homicide ordinaire, estime le père, inconsolable : "Lorsque j’ai vu le corps de ma fille, à Salta, ma douleur de père s’est exprimée. Elle avait été massacrée. Pour moi, c’était un crime contre l’humanité. Le féminicide, je dirais, c’est tout ce que l’on peut faire de pire à une femme, la battre, la violer, la tuer, et donc au final, la nier ."
Ce "féminicide" entre officiellement aujourd’hui dans le droit péruvien. L’été dernier, c’était dans le code pénal de l’Etat de Mexico- le Mexique a été le premier pays à évoquer cette catégorie de crime, après les multiples assassinats et disparitions de femmes, à Ciudad Juarez, près de la frontière américaine. Le Chili, la Colombie, le Salvador, le Costa Rica ont aussi créé ce crime. L’Argentine y pense. La République Démocratique du Congo espère également faire reculer les nombreuses violences faites aux femmes, surtout victimes de viols de guerre, en brandissant cette menace du féminicide.
En France, 146 femmes sont mortes l’an dernier sous les coups de leur compagnon, soit deux fois plus qu’au Pérou. Faut-il donc songer à inscrire le féminicide dans notre code pénal ? Aux yeux du juriste Antoine Garapon, magistrat et responsable de l’institut des Hautes Etudes sur la Justice, ce n’est pas souhaitable. La notion est encore floue, anticonstitutionnelle, car elle distingue les hommes et les femmes qui sont pourtant sur un pied d’égalité en droit français.
"Le crime contre l'humanité doit garder sa spécificité"
Il est surtout impossible qu’un meurtre de femme, aussi sauvage soit-il, ne devienne un crime contre l’humanité, insiste Antoine Garapon : "Le crime contre l’humanité est commis par un pouvoir politique, au terme d’une politique déterminée, consistant à persécuter, à massacrer une catégorie de population. Il doit garder sa spécificité. Tous les crimes sont graves, le crime contre l’humanité n’est pas le crime des crimes ".
Du côté des politiques, que Jean-Michel Bouvier a interpellés, le chef de l’Etat n’a toujours pas répondu aux deux courriers que le père de Cassandre lui a envoyés. La députée UMP Marie-Jo Zimmermann, qui est également présidente de la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale, elle, n’est pas opposée à ce débat sur le féminicide, mais elle est partagée. Mais elle comprend le combat de M.Bouvier, soutenu également par l’association Paroles de Femmes. Sa porte-parole, Olivia Cattan propose aussi d’énoncer à haute voix, la liste de toutes les femmes tombées sous les coups de leur compagnon ou d’un inconnu. Le père de Cassandre Bouvier lui, suggère une stèle pour chaque victime. Cassandre, Houria, Agnès, Océane et toutes les autres. Pour ne pas oublier, en attendant de créer peut-être un jour dans le droit français, ce crime de féminicide.
Sophie Parmentier
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