Raul Paz et sa relation avec la musique : "Je suis persuadé que c'est une des raisons pour lesquelles on est là"

Raul Paz, artiste cubain à la voix chaloupée, colorée, chaleureuse, est l'invité exceptionnel du Monde d'Élodie sur franceinfo. Son dernier album Guajiro Chic est sorti le 28 février 2025. Lorsque l'on se rend à Cuba, on a le sentiment que le temps s'est figé. Dans de nombreux magasins, il y a des étagères presque vides avec très peu d'aliments, d'objets ou même de vêtements. La crise des missiles de 1962 a figé l'île avec un embargo américain très douloureux.

franceinfo : La musique ne permet-elle pas à tous les Cubains de rester en vie et de continuer à y croire ?

Raul Paz : Je suis persuadé que, la musique est une des raisons pour lesquelles on est là. Souvent, on pense que ça nous fait danser, mais ça nous fait réfléchir et ça nous fait penser. La musique, elle est présente tout le temps à Cuba et c'est quelque chose, dont je suis fier. Je crois que le problème aujourd'hui, partout dans le monde, c'est la dégradation de la pensée humaine et de l'être humain. On peut vivre avec moins de choses, à Cuba, on le sait bien, on vit avec très peu de choses depuis très longtemps. Mais ce qu'on ne peut pas, c'est dégrader l'humain. Quand on rentre dans ces phases, soit intellectuellement comme ce qui se passe un peu dans les pays développés, soit au niveau physique et au niveau moral comme il peut arriver à Cuba, je crois que là, il y a un problème. Heureusement, il y a la musique et on peut communiquer entre nous, on peut communiquer avec les autres, pour passer un peu le message. Pour moi, ça a été le grand cadeau de ma vie de pouvoir le faire.

Effectivement, à travers la musique, il y a une forme d'ivresse pour toute la population, il y a à la fois de la vie et en même temps il y a cette tristesse de regarder le large et l'envie de monter dans un bateau. Dans vos chansons, vous arrivez à balayer ça d'un revers de main avec de l'espoir.

On est obligé, il faut aller toujours en avant, c'est ça qui nous reste. Nous comme artistes, on a accès à la parole, on a accès aux autres et je suis très content d'être à Cuba aujourd'hui dans cette situation qui est très compliquée pour pouvoir partager avec les gens et les sortir de Cuba. 

"J'ai la possibilité d'expliquer un peu ce qui se passe et dire qu'on est toujours là, on fait de la musique et il y a une nouvelle génération de Cubains qui arrivent."

Raul Paz

à franceinfo

En même temps, cette privation de liberté vous a sans doute permis d'être l'artiste cubain actuel le plus libre.

Ça, c'est grâce à la France. Cette idée qu'on doit être libre et ce besoin de liberté, pour moi, c'était un cadeau. La liberté telle que je la connaissais, c'était : "Tu fais tout ce qu'on te dit". Et cette idée que vous avez, de ne jamais faire ce qu'on vous dit, parfois ça va un peu loin, mais ça m'a fasciné.

Je voudrais qu'on parle de la chanson En Casa qui est très importante pour vous et qui parle de votre retour.

C'est mon retour à travers les yeux de mon père qui n'était plus là. Je suis rentré une fois que mon père est décédé. Je n'ai pas pu le voir avant parce que je ne pouvais pas rentrer. C'était un moment de désolation énorme parce que mon pays me disait : "Tu ne peux pas revoir ton père". C'est dur à comprendre, et je lui devais cette chanson. L'album marque le début du retour à la campagne, je l'ai écrit avant de revenir.

"C'était un hommage à mon père. 'En casa' est une chanson qui, à chaque fois, m'émeut beaucoup."

Raul Paz

à franceinfo

 Maintenant, je l'utilise en sens inverse quand je la chante en France, parce qu'on se retrouve, on peut avoir plein de maisons, plein de foyers, plein de gens qui vous aiment.