Patrice Leconte et la bascule vers le drame : "J'entrais dans une espèce de petite habitude charmante de faire une comédie tous les ans"

Patrice Leconte est l'invité exceptionnel du Monde d'Élodie à l'occasion de la sortie de son dernier roman "La tentation du lac", aux éditions Arthaud. Dans ce deuxième épisode, il évoque son passage de la comédie au drame, à travers le film "Monsieur Hire", avec le regretté Michel Blanc.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Patrice Leconte sur les pentes du Mont Ventoux en juillet 2022. (CHRISTOPHE AGOSTINIS / MAXPPP)
Patrice Leconte sur les pentes du Mont Ventoux en juillet 2022. (CHRISTOPHE AGOSTINIS / MAXPPP)

Patrice Leconte est l'invité exceptionnel du Monde d'Élodie sur franceinfo pour revivre ensemble la naissance et le tournage de ses films, scénarios et réalisation devenus cultes et incontournables. Il a également écrit un roman, publié le 7 avril 2025, La tentation du lac, chez Artaud, ou l'histoire d'un scénariste qui tente de redonner un sens à son existence.

franceinfo : En 1977, votre adaptation de la pièce de théâtre Amours, Coquillages et Crustacés devenus Les Bronzés a été un éclairage phénoménal sur cette troupe du Splendid. Que retenez-vous de ces débuts où effectivement, vous êtes en train de créer quelque chose de nouveau ?

Patrice Leconte : Ce que je retiens, c'est qu'on ne se rendait pas compte de ce vent nouveau qui commençait à souffler. Après, je me suis rendu compte qu'on avait inventé sans le faire exprès les films inusables qui sont passés, repassés, été diffusés, et rediffusés. Le souvenir que j'ai de ces tournages-là, c'était une absolue insouciance. À l'intérieur de moi-même, j'étais noué comme ce n'est pas permis, parce que mon premier film avait été un bide. Extérieurement, je voulais être à l'unisson de mes amis du Splendid et être dans une espèce d'insouciance et de légèreté.

"L'insouciance, ce n'est pas mal parce que ça permet de prendre des risques."

Patrice Leconte

à franceinfo

Si on est soucieux, on passe son temps à hésiter, à avoir des doutes... Au moins si vous faites des conneries, vous les avez faites avec insouciance.

Avec Les vécés étaient fermés de l'intérieur, vous avez eu envie d'arrêter et avec Les Bronzés, vous avez eu finalement et définitivement envie de continuer.

Quand vous sortez d'un échec, et j'en ai connu d'autres après ça, ça fout un vrai coup au moral et ça décourage beaucoup. J'ai toujours cru aux films que j'ai faits, je me suis toujours investi et je n'ai jamais fait un film par-dessous la jambe. Quand, après plus d'un an de travail, le film sort et que les entrées sont navrantes, le moral en prend un coup. Donc il y a plusieurs jours, allongé sur un canapé à regarder le plafond, à se demander s'il ne faudrait pas arrêter tout compte fait et puis non.

Vous avez longtemps décidé de poursuivre avec des comédies à succès, avec des acteurs incontournables comme Coluche, Bernard Giraudeau ou encore Gérard Lanvin. Mais vous avez toujours pensé, petit à petit, à vous tourner vers un registre dramatique. Vous ne vous êtes pas conforté dans un registre particulier que vous maîtrisiez.

J'entrais dans une espèce de petite habitude charmante de faire une comédie tous les ans. Mais un jour, un producteur, qui était très important dans mon travail, Christian Fechner, m'a dit : "Est-ce que vous voulez faire des comédies toute votre vie Patrice ?" Je ne m'étais jamais posé la question et c'est là qu'il m'a proposé de faire Les spécialistes qui était un film d'action, d'aventure avec Bernard Giraudeau et Gérard Lanvin. C'est vraiment à partir de là que j'ai changé et que je me suis dit, je ne suis pas obligé de faire des comédies tout le temps. Je pense que si j'avais continué à faire des comédies, tout le temps, on ne serait pas là à discuter de ma vie et de mes films parce que je serais devenu sec comme une vieille éponge oubliée au coin d'un évier.

En 1989, vous avez décidé de vous tourner vers une autre adaptation, Monsieur Hire de Georges Simenon. Encore une fois, il y a une surprise de taille, vous avez demandé à Michel Blanc d'être à contre-emploi. Vous avez ce besoin de raconter des histoires qui vous touchent, mais il y a aussi ce besoin d'emmener avec vous et de repousser dans leurs derniers retranchements des acteurs qui font partie de vous.

Ce n'est pas faux, mais on n'est pas monochrome, donc il y a des tas de choses qui me plaisent, qui m'attirent, que j'ai envie d'exprimer et qui ne sont pas que du registre de la comédie. C'est vrai que quand j'ai lu ce roman de Simenon qui s'appelle Les Fiançailles de Monsieur Hire, on a écrit l'adaptation sans penser à des acteurs précis et Michel Blanc s'est imposé tout doucement.

"Je me souviendrai toujours de Michel qui avait lu le scénario et qui m'avait dit, 'Mais tu sais Patrice, j'ai un peu la trouille parce que je n'ai quand même jamais fait ça'. Et je lui ai dit, 'T'inquiète pas, moi non plus'."

Patrice Leconte

à franceinfo

Il nous a quittés le 3 octobre dernier, ce film a changé son regard sur la vie et ses capacités à endosser d'autres rôles. Qu'est-ce que vous gardez quoi de lui ?

On a fait sept films ensemble et Michel est resté jusqu'au bout un homme très secret. On se voyait quand on tournait des films ensemble, bien sûr, mais, par exemple, on ne s'est presque jamais passé des coups de fil en disant : "Qu'est-ce que tu fais demain soir ? Viens dîner". Il y avait une confiance, une connivence, bien sûr, mais on était très secret. Je me souviens, il était marrant parce qu'il me racontait que le soir après le tournage, il rentrait chez lui, un petit bol de soupe et puis il allait se coucher. Il était devenu un peu Monsieur Hire lui-même.

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