"On apprend à développer la tolérance" : Marie Tabarly raconte son tour du monde avec un équipage sur un bateau de 9m2
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 17 avril 2025 : la navigatrice Marie Tabarly. Elle publie le livre "Cavalcade océane" aux éditions Arthaud.
/2024/03/04/elodie-suigo-65e601f164f3b583466473.png)
/2025/04/16/marie-tabarly-67ffb01824905693531186.jpg)
Lorsqu'on prononce le nom de famille de Marie Tabarly, son ascendance apparaît immédiatement et renvoie à cet homme indissociable de l'histoire de la navigation française, son père, Éric Tabarly. Comme lui, elle est navigatrice, mais elle est aussi comportementaliste équin. La mer, la nature, l'environnement sont au centre de sa vie. En 2021, soit 50 ans après son père, elle a redonné vie et réarmé Pen Duick VI pour participer à l'Ocean Globe Race en 2023. Une course autour du monde en équipage et avec escales qui se déroule sans GPS, sans satellites et sans moyens de communication modernes. Le 11 avril 2024, l'arrivée du bateau en tant que grand vainqueur dans la nuit, entre l'île de Wight et la côte sud de l'Angleterre, s'est faite comme un papillon de nuit. C'est ce qu'elle raconte dans son livre Cavalcade océane, chez Arthaud éditions.
franceinfo : À quoi avez-vous pensé quand vous avez remporté cette course incroyable ?
Marie Tabarly : Pas à grand-chose parce qu'on savait depuis une semaine, sauf gros accident majeur par démâtage ou si on coulait le le bateau, qu'on avait tellement d'avance que personne ne pouvait nous rattraper. La tête a le temps de se faire à l'idée. C'est vrai qu'une fois qu'on passe la ligne d'arrivée, il y a eu une petite effusion de joie, mais en fait, c'était déjà intégré, digéré. On était vraiment passé en mode, on profite et on savoure vraiment ces derniers moments de navigation, entre nous, avec ce beau bateau.
Quasiment deux ans passés tous ensemble dans neuf mètres carrés. Il y a une forme de comblage des moments tristes, il n'y a plus de solitude. Tout est en suspens quand on est ensemble sur le bateau en fait ?
Il n'y a pas de vie perso et de vie pro. On fait groupe, on fait corps et ce qui est top, c'est qu'on doit vraiment connaître son propre mode de fonctionnement pour savoir où on met les limites de son espace personnel et en même temps comprendre où sont les limites de l'autre. Sur le bateau, il n'y a pas de cabine donc on rentre, il y a deux coursives, il y a sept bannettes dans chaque coursive. Donc tout le monde dort ensemble, sauf qu'en plus, on dort à des horaires décalés parce qu’on a un système de quarts. On vit en permanence pour nous, pour le bateau, pour les autres, mais on apprend à développer la tolérance on va dire.
Vous écrivez que le métier de marin, c'est d'être absent. Vous l'avez appris très jeune avec votre père, passionné par la voile dès ses trois ans et qui vous a transmis le virus. Est-ce que c'était une évidence aussi instinctive que vous suiviez ses traces ?
Pas du tout, la passion déclarée gamine, c’étaient les chevaux et ce sera toujours les chevaux. Ils ne peuvent pas quitter ma vie, ce n'est pas possible.
"J'ai mis beaucoup de temps à comprendre que j'aimais aussi naviguer et que j'avais besoin de ça."
Marie Tabarlyà franceinfo
Ce n'est pas le même engouement, la même passion, la même façon de vivre. Ce n'est pas la même vibration non plus. Il y a des choses qui, quand on les fait tout le temps et instinctivement, on se demande si on les aime vraiment. J'ai toujours eu ce côté, c'est peut-être trop évident pour aimer ça, mais non, je suis très bien quand je suis sur l'eau.
Quand on vous a soufflé l'idée éventuelle de participer à cette course, vous avez d'abord dit non dans un premier temps ?
Prendre le commandement d'un bateau comme ça, pour une course aussi dure, ça se réfléchit. J'ai 22 personnes qui vont venir se relayer sur le bateau et que je dois ramener. À chaque fois, dès qu'on part en mer, j'ai la famille qui me dit : "Vous nous les ramenez, hein ?" C'est une pression, ça ne s'apprend pas et on peut la porter ou on n'est pas capable de la porter. Je pense que, de toute manière, je n'ai jamais connu un marin qui a perdu quelqu'un pour qui ça s'est bien passé. Ça reste un traumatisme chaque fois très important.
À l'époque, vous disiez que vous étiez en colère, que vous étiez mal à l'aise, en révolte. Où en êtes-vous aujourd'hui ?
Ça va mieux, je suis sociable, je me lève tôt le matin pour venir voir des gens. C'est sûr que je n'aurais pas parié il y a 15 ans que j'aurais pu faire ça. J'étais une petite sauvageonne et ça m'allait très bien. Pendant toute la première partie de ma vie, je n'avais rien qui me demandait de me cadrer plus que ça. Après, il est arrivé beaucoup d'agressions et la seule chose que j'ai trouvée à ce moment-là pour me protéger, c'était de renvoyer de l'agression. Il n'y a jamais de bon âge pour perdre un parent, mais 13 ans, c'est un peu pourri quand même.
"Perdre un parent quand il y a la France entière qui vous regarde et que ce parent devient une icône, ce n'est pas le même travail."
Marie Tabarlyà franceinfo
On fait du social derrière, tout le monde vient nous raconter comment il a rencontré Éric etc. C'est très bien, mais à un moment, quand on a 15 ans et que ça continue, et qu'il n'y en a pas un qui se pose la question de savoir si ça nous dérange ou pas, c'est un peu compliqué.
Ce livre est une déclaration d'amour à la vie, à la mer et c'est surtout une belle déclaration d'amour à la liberté. Si j'ai bien tout compris, la liberté c'est indissociable de Marie Tabarly ?
Je pense que personne n'est complètement libre mais choisir ses contraintes, ça, c'est une sacrée liberté.
Est-ce que ça vous a fait du bien d'écrire ce livre ?
Ça m'a fait rentré du tour du monde ! J'ai mis onze mois pour rentrer, mais voilà, c'est fait.
À regarder
-
Cancer : des patientes de plus en plus jeunes
-
"Le Bétharram breton" : 3 établissements catholiques dénoncés par d'anciens élèves
-
Cessez-le-feu à Gaza : un premier pas vers la paix
-
Quand t'as cours au milieu des arbres
-
Il gravit la tour Eiffel en VTT et en 12 min
-
Pourquoi on parle de Robert Badinter aujourd'hui ?
-
Robert Badinter : une vie de combats
-
La tombe de Robert Badinter profanée à Bagneux
-
Accord Hamas-Israël, la joie et l’espoir
-
"Qu’on rende universelle l'abolition de la peine de mort !"
-
Guerre à Gaza : Donald Trump annonce qu'Israël et le Hamas ont accepté la première phase de son plan
-
Les "MedBeds, ces lits médicalisés qui affolent les complotistes
-
Front en Ukraine : des robots au secours des blessés
-
Taylor Swift : la chanteuse de tous les records
-
Robert Badinter : le discours qui a changé leur vie
-
Nouveau Premier ministre, retraites : les temps forts de l'interview de Sébastien Lecornu
-
Lennart Monterlos, détenu en Iran depuis juin, a été libéré
-
Charlie Dalin : sa course pour la vie
-
La mère de Cédric Jubillar se dit rongée par la culpabilité
-
Le convoi du président de l'Équateur attaqué par des manifestants
-
Le discours de Robert Badinter pour l’abolition de la peine de mort en 1981
-
Pourquoi les frais bancaires sont de plus en plus chers ?
-
Oui, en trois ans, le coût de la vie a bien augmenté !
-
Pas de Pronote dans ce collège
-
Robert Badinter : une vie de combats
-
Disparition dans l'Orne : la petite fille retrouvée saine et sauve
-
"L’antisémitisme est devenu une mode", déplore Delphine Horvilleur
-
"Une pensée de l'espoir" nécessaire pour Delphine Horvilleur
-
Ils ont le droit à l’IA en classe
-
"Il y a un monde politique qui est devenu dingue. Il est temps que ça s’arrête. Ça va rendre fou tout le monde"
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter