Mathieu Simonet restaure "Le Peuple migrateur" de son père, Jacques Perrin : "Un opéra sauvage, comme celui-ci reste complètement inégalé"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 28 mai 2025 : l'acteur et réalisateur Mathieu Simonet. Le film, "Le Peuple migrateur" de son père Jacques Perrin, ressort en version restaurée, au cinéma.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
"Le Peuple migrateur" de Jacques Perrin de retour au cinéma le 28 mai 2025, en version restaurée. (TAMASA DIFFUSION)
"Le Peuple migrateur" de Jacques Perrin de retour au cinéma le 28 mai 2025, en version restaurée. (TAMASA DIFFUSION)

Mathieu Simonet est acteur, réalisateur et fils de Jacques Perrin. Il a fait ses premiers pas dans la mini-série de Nina Companeez La poursuite du vent aux côtés de Bernard Giraudeau. Il a prêté main-forte à son père en tant que photographe de plateau sur le tournage exceptionnel du documentaire Le Peuple migrateur, avant de se lancer lui-même dans la réalisation. Mercredi 28 mai, le film Le Peuple migrateur, réalisé par Jacques Cluzaud, Michel Debats, et son père Jacques Perrin, ressort en version restaurée en 4K, soit 24 ans après sa sortie initiale. Toutes les images ont été nettoyées à la palette graphique, environ 300 000 poussières ou autres éléments visuels ont été supprimés. Environ 142 stabilisations de séquences ont été effectuées, ce qui donne un résultat, en termes de définition et de détails, bluffant et époustouflant.

franceinfo : Pourquoi ce travail acharné ?

Mathieu Simonet : C'était un souhait qu'avait émis Jacques du temps de son vivant, de voir ce film sublimé grâce aux moyens technologiques innovants. Jacques Perrin et Jacques Cluzaud se sont vus et se sont dit, ce serait merveilleux de pouvoir redonner une nouvelle naissance au Peuple migrateur pour les générations qui ne l'ont pas vu, et pour les adultes qui sont passés à côté de ce film qui reste unique en son genre. Le Peuple migrateur côtoyait les airs, et un opéra sauvage comme celui-ci reste complètement inégalé par rapport à la notion de l'habitat. Voler parmi les oiseaux, être oiseau, parmi les oiseaux, c'est ce que rappelait toujours mon père.

Vous étiez photographe de plateau sur le tournage du film, les ambitions étaient très hautes, est-ce qu'il y a eu des moments de tension et des difficultés ?

Tout le temps, parce que jamais rien n'est acquis, c'est-à-dire qu'on développe les moyens pour nous permettre de nous adapter, à prendre des prises de vues qui soient du domaine de l'impossible.

"Mon père était excité quand il avait en face de lui des gens, qui lui disaient : 'Mais c'est impossible ce que t'as envie de faire !', et il disait qu'on allait justement le rendre possible."

Mathieu Simonet

à franceinfo

L'idée, c'était de travailler avec des ingénieurs, des techniciens, des imprégnateurs, qui s'occupaient justement des oisillons à leur naissance. Dès lors qu'ils éclosent, il fallait cette présence permanente de ces imprégnateurs qui jouaient le rôle de parent substitutif par rapport à ces oiseaux. C'est vrai que ce pari fou, mon père l'a eu et c'était une idée de son épouse Valentine. Ils avaient, tous les deux, une émission télévision sur Antenne 2, à l'époque, qui s'appelait La 25e Heure. Jacques avait le loisir de diffuser des documentaires qui lui plaisaient. L'idée lui est venue parce que Jacques et Valentine avaient vu un documentaire sur Bill Lishman, qui a été le premier à créer ce procédé de voler en ULM avec les oiseaux, avec des bernaches du Canada plus précisément. Il s'est dit que l'aventure était folle et qu'il fallait absolument faire un long-métrage.

Quand on regarde ces oiseaux migrateurs, ce qui nous heurte, c'est la force de ces animaux. Ils volent sans relâche et ils sont au bord de l'épuisement à chaque fois qu'ils terminent cette migration.

Quand Jacques évoque la promesse du retour, c'est avant tout l'histoire d'une survie. Des millions d'oiseaux disparaissent chaque année et c'est pour ça que Le Peuple migrateur aussi a cette vocation, une représentation de la nature, authentique, sauvage, telle qu'on doit la préserver et y prêter attention. C'est un très beau témoignage qui ne se félicite pas de l'être, mais d'être tout simplement une représentation de la nature par rapport à la beauté qu'elle a et qu'on est censé préserver.

On se rend compte qu'on est bien peu de chose face à ces animaux et à cette nature. On se rend compte aussi du nombre de points verts sur cette terre, de points d'eau et d'endroits qu'il faut savoir préserver. Si on devait retourner ces images, on imagine à quel point vous seriez déçu de voir que certaines choses sont devenues beaucoup plus petites. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait refaire ce film aujourd'hui ?

Avec la folie de mon père, oui. S'il était encore des nôtres, on pourrait le refaire, mais ce serait différent. Par rapport à ce que nous offre l'intelligence artificielle, l'idée de créer des choses de toutes pièces, ça va bien pour certains types de films. Pour un film naturaliste, ça n'a de sens que si les prises de vues sont réelles, donc je pense que lui seul avait cette folie d'être en capacité de mener ses rêves à bien.

On se rend compte à quel point ils ont réussi à faire, puisque, vu du ciel, il n'y a pas de frontière.

Ça rejoint un poème de Walt Whitman, auquel Jacques était beaucoup attaché et qui disait que là-haut, il n'y avait ni guerre, ni territoire, qu'il n'y avait que des espaces de liberté sans délimitations de frontières. On se rend compte que cet espace de liberté, la façon dont ça nous sonne, cette représentation de l'air, ce n'est pas du vide.

"L'air est un matériau propre, concret, sur lequel les oiseaux arrivent à planer, à voler. C'est un renvoi de la liberté qui est immense."

Mathieu Simonet

à franceinfo

Ce documentaire est une déclaration d'amour à la nature, est-ce que ce n'est pas une déclaration faite à votre père ?

C'est une déclaration de toute notre équipe et de ceux qui ont pu le côtoyer que le film ressort en salle aujourd'hui.

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