Mathias Malzieu fait parler ses chats pour surmonter un drame : "J'aime comprendre par la métaphore"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 26 mars 2025 : le musicien et écrivain Mathias Malzieu. Son livre "L'homme qui écoutait battre le cœur des chats" vient de sortir aux éditions Albin Michel.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le musicien et écrivain Mathias Malzieu, à Paris, en avril 2022. (LOIC VENANCE / AFP)
Le musicien et écrivain Mathias Malzieu, à Paris, en avril 2022. (LOIC VENANCE / AFP)

Mathias Malzieu est de ces artistes qui insufflent de l'énergie et de la poésie. Il assume d'être un vampire en pyjama et revendique aussi que faire le con, poétiquement, est un métier formidable, au point d'être d'ailleurs une sorte de cow-boy solitaire tiré d'un western recouvert par la neige, avec à ses côtés quelques monstres d'amour pour davantage percer les secrets de la mécanique du cœur. Le 12 mars 2025, il a publié L'homme qui écoutait battre le cœur des chats, aux éditions Albin Michel. Un ouvrage qui met en avant June et Tornado et qui raconte la résilience au travers d'une fausse couche qui impacte Mathias et Daria.

franceinfo : Il y a beaucoup de vrai dans ce roman et je crois que votre force, c'est de transformer les peines en joie ?

Mathias Malzieu : C'est la ligne de crête en tout cas. Le risque de ces outils magiques de l'imagination, ce serait d'aller dans une fuite, dans un déni. En même temps, si on ne les utilise pas, on rend un récit de drame et ça devient non comestible. Alors pour essayer de faire circuler un peu de beauté, il faut le pas de côté de la littérature. Il y a deux armes principales pour moi qui sont l'humour et la poésie, qui sont finalement des mécaniques assez similaires. Pour raconter une blague, en fait, il faut regarder le monde un peu de côté et la poésie, c'est un peu la même chose.

Souvent, les clowns sont tristes et c'est un peu ce qui se dégage de vous. Vous arborez ce sourire, cette posture d'aller chercher le positif et la lumière, là où la majorité du temps, c'est sombre. Est-ce que vous ne vous oubliez pas vous-même ?

Peut-être, mais en tout cas, c'est ce qui me permet d'avoir accès à la joie. Je dis à un moment dans le livre que l'imagination ne sert pas qu'à faire parler des chats ou chanter des fantômes, mais ça sert aussi pour l'empathie. C'est vrai que ça me rend heureux et je ne crois pas que ça me fasse m'oublier. Au contraire, je crois que ça me permet d'avoir accès à cet autre moi-même qui est plongé dans les autres et ça me rend tout simplement plus heureux.

Comment est né ce roman parce qu'on sent qu'il est né dans une forme de douleur et de tristesse ?

Il fait partie de ces livres qui s'imposent à vous. Il y a des livres qu'on choisit d'écrire et d'autres où on n'a presque pas le choix de l'écrire.

"Quand j'ai perdu ma mère, j'ai écrit mon premier roman. Quand j'étais en chambre stérile pour ma greffe de moelle osseuse, j'ai écrit Journal d'un vampire en pyjama."

Mathias Malzieu

à franceinfo

Là, ça a été pareil et j'ai mis deux ans à ne pas l'écrire, parce que j'ai écrit une première version du livre qui ne fonctionnait pas, qui manquait de recul et qui était trop collée. Et finalement, dans le réel, les chats nous ont aidés, ils nous ont consolés. Ça ressemble beaucoup à un livre qu'on peut lire de quelqu'un d'autre et du coup, je me suis dit que les chats allaient parler.

Vous parlez de paternité qui s'éloigne et on vous revoit enfant dans l'écriture. Est-ce que l'espèce de petite lumière que vous avez dans les yeux a changé un jour ?

Je crois que ça n'a pas changé et je crois que c'est vital pour moi. Si je n'ai plus l'étincelle, s'il n'y a pas la flamme de la curiosité de l'aventure, de quelque chose que je ne connais pas, quitte à me tromper, alors là, le risque dépressif serait grand. Tant que ce flux, il est là et il était même là dans les moments les plus sombres. 

"Après la maltraitance gynécologique qu'a subie ma femme, le fait de pouvoir continuer d'être créatif a été très important."

Mathias Malzieu

à franceinfo

À quel âge avez-vous découvert que vous étiez d'abord un raconteur d'histoires ?

Assez tôt, mais je ne l'ai pas conscientisé. Quand j'étais tout petit, j'avais inventé une entreprise qui s'appelait "L'entreprise de tout" et c'était avec un singe en peluche qui s'appelait Kim, et on s'était dit qu'on pouvait tout entreprendre tous les deux et c'était mon associé. Alors on faisait des courses de tortue avec mes deux tortues. On faisait des tournois de tennis avec des figurines de Schtroumpfs et des Playmobil, mais j'inventais beaucoup d'histoires et il y avait beaucoup d'histoires de dinosaures et de systèmes solaires et d'étoiles et de choses comme ça.

Le point de départ de l'écriture de cet ouvrage, c'est une porte qui se referme et pour vous, ce roman devient une porte sur autre chose. Le titre est incroyable, L'homme qui écoutait battre le cœur des chats. Un cœur qui bat, c'est un cœur qui vit, tout ce symbolisme-là est essentiel aussi pour vous.

Oui, j'aime comprendre par la métaphore. J'aime comprendre par la question. Ce que j'aime aussi, c'est que les chats ne vous répondent sur rien, mais je continue de me poser des questions en travaillant sur le livre. C'est juste qu'en trouvant plein de questions à se poser, c'est comme ça que je chemine et j'ai moins besoin des réponses. La première version du livre que j'avais fait sans les chats répondait beaucoup plus et se voulait presque engagée sur ce sujet en frontal. Là, finalement, j'ai essayé de faire un livre plus engageant qu'engagé. Je ne milite pas pour ma cause ou pour une cause, j'essaie de poser des questions pour voir qui peut les attraper ces fameuses bouteilles à la mer.

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