Le graffeur Nasty raconte sa "Poésie urbaine" à Grasse : "Dès qu'on met un peu de couleur quelque part, ça change la perception des gens"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 20 mai 2025 : le graffeur Nasty, pour la deuxième édition du festival "Poésie urbaine", à Grasse.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Le graffeur Nasty, à Paris, en octobre 2018. (FOC KAN / WIREIMAGE / VIA GETTY)
Le graffeur Nasty, à Paris, en octobre 2018. (FOC KAN / WIREIMAGE / VIA GETTY)

Alexandre Hildebrand, dit Nasty, est un graffiti-artiste ou artiste urbain, formé d'abord dans sa chambre puis dans les rues des villes, à coups de bombes d'aérosol. Le graffiti a débuté dès ses 14 ans, avec au départ plus de problèmes que de satisfactions. Le plaisir a toujours guidé ses pas et son envie d'en faire un métier dans l'espoir d'être, un jour, reconnu. C'est chose faite depuis des années avec des marques qui l'ont sollicité comme Leblon Delienne pour la revisite de l'emblématique Hello Kitty, en 2024. À partir du 6 juin 2025 et durant tout l'été, il sera au cœur de la deuxième édition de Poésie urbaine, le premier festival de street-art en France, situé à Grasse, tel un musée à ciel ouvert avec des artistes très attendus.

franceinfo : Comment est né ce festival ?

Nasty : Tout ce qui m'arrive dans ma vie arrive de manière très singulière. Je me suis retrouvé à un dîner d'entrepreneurs dans la ville de Grasse. J'avais été invité par un entrepreneur qui m'a dit, "Je t'emmène à Grasse, le maire organise des rencontres". Donc j'ai rencontré le maire de Grasse qui m'a dit : "J'aime bien ce que tu fais, j'ai envie de développer ça à Grasse. Est-ce que tu peux faire quelque chose ?" J'ai proposé l'idée d'un festival et voilà, c'était parti.

Chaque année, des artistes qui comptent ou qui sont en devenir font partie des invités avec des murs blancs en guise de cour de récréation et un besoin de plus en plus présent de s'exprimer avec des couleurs.

Je me suis rendu compte que la couleur a vraiment une force émotionnelle et un pouvoir d'attraction. Dès qu'on met un peu de couleur quelque part, ça change la perception des gens. Et c'est vrai que les retours, quand on travaille dans la rue, sont vraiment directs et la population vient à notre rencontre et vraiment, on se rend compte du pouvoir, de la couleur.

Quand vous êtes tombé là-dedans, vous aviez 14 ans et c'était une autre époque, il n'y avait pas les réseaux sociaux. Il fallait que votre signature puisse ne pas passer inaperçue et sortir du lot.

Effectivement, je viens d'une culture qui était très marginale à la base. Ça m'a apporté plus de problèmes que de joies, surtout pour mes parents.

"Il fallait se cacher, ce n'était pas reconnu et il n'y avait aucune perspective d'avenir et du coup, j'y ai cru."

Nasty

à franceinfo

Ce qui m'arrive aujourd'hui, j'ai tendance à dire que c'est un peu une récompense plus qu'un but, parce qu’effectivement, c'était une passion et je n'en attendais rien en retour. Le graffiti, à la base, ce n'est pas un plan de carrière et aujourd'hui, je me rends compte que ce n'était pas forcément le meilleur choix, mais c'était un bon choix quand même.

Quand on démarrait le graffiti, ça voulait dire des horaires de dingue, par exemple, pour taguer les trains, il fallait le faire la nuit. Le but du jeu, c'était que les trains sortent et qu'on puisse les voir, notamment sur le pont de Bir-Hakeim à Paris.

C'est la satisfaction ultime de voir passer son train sur le pont de Bir-Hakeim avec en arrière plan la Tour Eiffel, évidemment. Le graffiti, c'est avant tout une passion. Je suis tombé dedans quand j'étais petit et je n'en suis jamais ressorti. Aujourd'hui, ce qui est bien, c'est que je touche au design, à la peinture, j'organise des festivals, je travaille avec des marques. Le matin, quand je me lève, je ne sais pas ce que je vais faire, j'ai la chance d'avoir mon téléphone qui sonne et c'est ça qu'on me propose. J'essaie toujours de garder l'essence du graffiti parce que le graffiti, c'est ce que j'essaie de partager avec les gens et je le mets dans tout ce que je fais. Je travaille autour de l'écriture avant tout, je ne suis pas du tout un peintre qui fait du figuratif. J'essaie de transmettre ma passion de l'écriture.

Comment Alexandre Hildebrand est devenu Nasty ?

Quand j'étais petit, j'ai commencé à voir des graffitis dans la rue. Ma mère m'a acheté un livre qui s'appelle Subway Art et là, ça a été un choc. À l'époque, on était très centré sur les cultures américaines et du coup, il nous fallait un nom à consonance américaine. Donc j'ai ouvert, tout simplement, un dictionnaire et je suis tombé sur la lettre N et je suis tombé sur Nasty et je me suis dit, ça sonne bien, alors allons-y.

Il y a beaucoup d'improvisation dans ce que vous faites, mais en même temps, vous réfléchissez avant.

Le graffiti, c'est quelque chose que j'ai fait de manière très spontanée. Je n'ai jamais vraiment réfléchi puisque je travaillais souvent dans l'urgence, dans des lieux qui n'étaient pas forcément sereins. C'est vrai que travailler de manière un peu spontanée, je ne dirais pas que c'est ma marque de fabrique, mais c'est une habitude et je n'arrive pas à m'en sortir. Ça donne des choses parfois sympas.

Est-ce vous arriver à dormir ?

Je n'ai pas de famille, j'ai quitté mon travail de publicitaire. Donc oui, effectivement, j'ai un peu plus de temps. La vie d'artiste, on pense souvent que c'est assez tranquille, mais les gens ne voient souvent que le résultat. Tout ce qu'il y a avant, c'est beaucoup de travail, c'est beaucoup d'échecs aussi parce que tout n'est pas facile et c'est vrai qu'on doute pas mal de soi. Je suis quelqu'un qui vient de nulle part, qui n'a pas de formation artistique, c'est plus difficile d'apprendre certaines choses et c'est pour ça que je m'entoure de gens qui savent faire des choses et qui m'aident justement à réaliser des projets.

L'année dernière, vous aviez fait une fresque qui se décomposait en plein de carrés différents et chacun repartait avec un morceau de cette fresque, est-ce que c'est le cas cette année ?

C'est une idée que j'aime bien, cette idée de fresque d'œuvres fragmentées. Chacun repart avec un morceau, c'est une idée que j'ai développée justement quand j'ai commencé à travailler avec les marques où j'avais envie de partager et d'apporter quelque chose de nouveau plutôt que de faire une fresque qui sera effacée ou qui va disparaître. J'ai toujours travaillé sur des supports qui pouvaient se décomposer pour justement les offrir.

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