Jean-Christophe Grangé traque un assassin au bout du monde : "Une enquête policière, c'est toujours un chasseur dans une forêt"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 15 janvier 2025 : le journaliste et écrivain Jean-Christophe Grangé. Il vient de sortir les deux volumes de sa série "Sans Soleil" aux éditions Albin Michel.

Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'auteur Jean-Christophe Grangé, à Nancy, en 2021. (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)
L'auteur Jean-Christophe Grangé, à Nancy, en 2021. (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Jean-Christophe Grangé est l'un des auteurs de thriller français les plus lus depuis plus de 30 ans et la sortie d'une vingtaine de romans. Il occupe une place particulière dans l'univers sombre, des histoires sordides et des choix machiavéliques. La plupart de ses romans, parmi lesquels le fameux Les Rivières pourpres, a été adapté au cinéma. Aujourd'hui, il publie deux nouveaux romans : Sans soleil, tome 1 : Disco Inferno et Sans soleil, tome 2 : Le Roi des ombres, chez Albin Michel. Deux volumes pour un seul tueur avec ce qui devait ressembler à une fête, pendant laquelle on danse, se transforme en une traque effrénée, exaltante, parfois insoutenable, menée de main de maître par un assassin qui aime à dépecer ses victimes.

franceinfo : Plus vous avancez et plus vous semblez avoir envie de nous confronter à nous-mêmes, parce que cette fascination du mal, elle nous concerne. Est-ce que c'est ça que vous vouliez faire ?

Jean-Christophe Grangé : En tout cas, j'essaye toujours de raconter une sorte de remontée vers les origines du mal ou vers la source dans mon esprit. Une enquête policière, c'est toujours un chasseur dans une forêt et j'aime cette idée de remonter à la source d'un fleuve. Dans le premier tome, on est à Paris, dans le deuxième tome, on va vraiment voyager en Afrique, à Haïti et là, on a vraiment le sentiment que les enquêteurs remontent un fil et que ce fil va nous emmener aux origines du mal qui sont souvent liées à des traumas et à des histoires qui se sont déroulées avant les crimes. C'est pour ça que je dis toujours qu'un roman policier, c'est quand même une histoire à l'envers. Le crime est la fin de l'histoire et on va peu à peu remonter jusqu'au mobile et jusqu'à l'assassin et ses traumas qui l'ont rendu fou.

On a l'impression que vous êtes toujours en plongée, un peu comme quelqu'un qui a peur du fond et qui va vers le fond pour aller dompter ce qui l'habite et ses démons. Est-ce que l'écriture vous permet d'atténuer ça, de vous faire du bien ?

Moi, j'ai tendance à dire toujours que les livres, ce n'est pas la réponse, c'est la question. Vous êtes habité par une question, par une chose que vous ne supportez pas et il y a parfois un malentendu sur mes livres. Les gens pensent que je suis complaisant avec la violence ou que j'aime ça, mais c'est tout à fait le contraire. Vous écrivez toujours sur ce que vous ne supportez pas, sur ce qui vous pose un problème. Je me souviens des premières images que j'ai vues des guerres du Biafra ou de Nuit et Brouillard et ce n'est pas passé.

"Tout naturellement quand vous écrivez, ce qui ressort, ce sont les choses que vous ne supportez pas et que vous avez envie de questionner."

Jean-Christophe Grangé

à franceinfo

C'est comme quand vous grattez un peu une plaie, il faut que ça saigne.

Tous ces personnages qui sont vos héros, ils s'occupent quand même des personnes qui sont en marge, des personnes qui sont différentes et on sent que ça, c'est un vrai sujet pour vous ?

En vieillissant, vous vous rendez compte qu'en réalité, les différences s'amenuisent. Ce qui vous semblait très lointain est finalement assez proche. Moi, ça m'intéressait justement de décrire la communauté homosexuelle de cette époque que j'ai un peu connue parce que j'avais entre 17 et 18 ans à cette époque et moi-même, j'essayais de rentrer dans ces boîtes spectaculaires avec une musique extraordinaire, c'était l'essor du disco. Je cherche toujours des contextes particuliers, des communautés spécifiques dans lesquelles les lecteurs vont voyager.

Est-ce que vous n'êtes pas un peu marginal finalement ?

Complètement marginal, complètement à côté de la plaque ! Mais depuis toujours. J'ai eu cette chance de réussir dans mon écriture littéraire, mais j'y pense souvent et beaucoup d'artistes y pensent. Si je n'avais pas réussi, je me demande où j'en serais parce que je ne rentrais vraiment pas bien dans les cases qu'on m'a proposées au début en sortant de mes études. Heureusement, avec volonté et détermination, j'ai réussi à écrire mes livres. Mais je suis totalement marginal.

"Moi, je me trouve tout à fait normal, mais tout le monde me dit que je suis à moitié fou quand même."

Jean-Christophe Grangé

à franceinfo

Ces deux tomes ne sont-ils pas finalement une ode à la vie, pour montrer que la lumière peut justement venir contrecarrer l'obscurité ?

Toujours. Souvent, on a dit que mes livres étaient des livres pessimistes, très noirs. Si vous les regardez de près, ce n'est pas vrai. Le bien gagne toujours et c'est toujours le chevalier qui arrive à vaincre le dragon. C'est ça l'optimiste. Il y a deux optimistes, d'abord, le bien gagne toujours, souvent dans des conditions très noires, mais il gagne. L'autre optimisme, un peu paradoxal, c'est qu'on découvre toujours que l'assassin, le méchant, a eu des raisons personnelles de devenir méchant, c’est-à-dire des traumatismes qui l'ont brisé et qui l'ont changé. Derrière cette idée, il y a cette idée optimiste que si on ne vous brise pas, si on vous élève avec amour, eh bien, il n'y a pas de raison. La seule chose que partagent tous les tueurs en série, c'est une enfance désastreuse. Tous les enfants mal aimés ne sont pas devenus des tueurs, mais tous les tueurs sont des enfants mal aimés. Moi, j'ai cette idée assez banale qui, je crois, est universelle, c'est que c'est au moment de l'enfance où vous devez être nourri avec amour et équilibre. Ça vous empêche de glisser dans le trou noir du mal et c'est un peu ma philosophie.

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