J.R. dos Santos enquête sur les liens entre Donald Trump et la Russie : "Les Russes savent quelque chose qui est très embarrassant"

José Rodrigues dos Santos est une star dans son pays au Portugal, en tant que journaliste, reporter de guerre, et présentateur du journal du 20h, mais également en tant qu'auteur à succès. Il est toujours soucieux de nous livrer des romans gorgés de faits réels et d'éléments très précis et renseignés, comme La formule de Dieu, à la croisée du roman historique et du thriller, vendu à plus de deux millions d'exemplaires et traduits dans 17 langues. La rigueur et la justesse du contexte historique sont au cœur de ses ouvrages et de son métier de journaliste et c'est avec ces deux obligations qu'il a écrit Protocole Chaos sorti, le 7 mai 2025, aux éditions Hervé Chopin, en France. Son sous-titre en dit long sur ce qu'il contient, quels sont les liens entre Trump et la Russie ? C'est un thriller, mais nourri avec toutes les informations qu'il a récoltées au fil du temps et à travers ses enquêtes récentes, axées principalement sur la manipulation de masse via les réseaux sociaux avec les ingérences russes et la désinformation dramatiquement récurrente et efficace.

franceinfo : Ce livre est-il un cri du cœur ?

José Rodrigues dos Santos : Protocole Chaos nous explique qu'il y a un protocole en cours dans le monde pour détruire l'Occident et c'est un vrai protocole, basé sur les idées d'Aleksandr Dugin, le Raspoutine de Poutine. Il prône que la Russie est un empire qui doit élargir ses frontières et dominer l'Europe. Pour le faire, il faut encourager le nationalisme en Russie et il faut encourager des mouvements qui amènent à la chute de l'Otan. Il faut encourager des mouvements isolationnistes aux États-Unis, notamment républicains, pour que l'Otan tombe. Si l'Otan tombe, l'Europe peut tomber, la protection américaine ne sera plus là et on peut créer, il l'écrit explicitement, une Russie de Vladivostok jusqu'à Dublin. Dans d'autres versions, c'est de Vladivostok à Lisbonne ou de Vladivostok à Brest.

Ce livre a été publié en octobre 2024. Je le précise, parce qu'il a été publié avant que Donald Trump ne soit réélu. Ça nous oblige finalement à nous demander si nous ne sommes pas les dindons de la farce, à quel point nous sommes manipulés. Vous vous basez sur l'ancien directeur adjoint de la CIA, qui a toujours dit que Vladimir Poutine instrumentalisait tout le monde et que Donald Trump était lui-même un agent de la CIA.

Oui, il pense qu'il y a un Kompromat. Ça veut dire que les Russes savent quelque chose sur Donald Trump qui est très embarrassant. Donald Trump est très obséquieux avec Vladimir Poutine, on le remarque quelques fois, timidement, il dit, "je vais faire des sanctions", mais finalement ça n'aboutit à rien. Ce ne sont que des paroles. Pourquoi a-t-il ce genre de raisonnement ? Et pourquoi son projet n'est pas, en vérité "Make America great again", mais plutôt "Make Russia great again".

Est-ce aussi le rôle d'un journaliste de maintenir ce cap, d'informer ?

En tant que journaliste, mon travail est de chercher la vérité sur les choses, de les expliquer. En effet, c'est mon travail aussi de romancier, sauf que les romanciers travaillent sur la fiction. C'est une sorte de mélange, mais je trouve toujours que la grande littérature a toujours un rapport avec la vérité. On trouve ça dans toute la grande littérature des Proust, George Orwell et Hemingway.

"Tous les grands écrivains nous disent des choses vraies en utilisant la fiction."

José Rodrigues dos Santos

à franceinfo

Vous démontrez dans cet ouvrage à quel point la liberté est la clé, car elle est la mère de la tolérance. Est-ce que la liberté est en jeu ?

Quand j'écoute un politicien parler de la liberté, je comprends qu'il essaie de me manipuler, car le mot est devenu un mot creux. Quand j'ai écrit le roman sur Spinoza, où j'explique le commencement de l'Occident, l'idée de l'Occident, c'est lui qui a créé cette idée parce que dans son temps, on ne pouvait pas rechercher la nature. Il fallait toujours dire, "C'est Dieu qui a fait ça". Il a dit, "Non, Dieu, c'est la nature, alors il nous faut avoir la liberté d'étudier la nature". Dès qu'on étudie la nature, on comprend les lois de la nature et dès qu'on comprend les lois de la nature, on comprend comment manipuler ces lois et ainsi, on arrive à la technologie. La technologie, ce sont des manipulations des lois de la nature. Le portable ne marche pas par magie, c'est une manipulation des lois de la nature. Le développement technologique, qui est un fils de la liberté, a amené la croissance et la puissance à l'Occident. La liberté est au fondement de la science et aussi de la politique.

Est-ce que vous êtes inquiet ?

Je le suis en effet. 

"Les historiens disent que l'histoire ne se répète jamais, mais elle rime."

José Rodrigues dos Santos

à franceinfo

Nous sommes dans une situation très similaire aux années 30. Il faut rappeler qu'Adolf Hitler a commencé par l'Anschluss en Autriche, puis c’étaient les Sudètes, puis il a pris toute la Tchécoslovaquie, puis il a attaqué la Pologne. Et nous sommes exactement dans la même situation avec l'invasion de 2022 en Ukraine. On a compris que Vladimir Poutine n'arrêterait pas et il faut l'arrêter en Ukraine, sinon il va attaquer l'Europe. Aleksandr Dugin, a dit, il y a deux mois, dans un entretien à CNN, "Si les États-Unis sortent de l'Ukraine, ça sera la guerre entre la Russie et l'Europe". Et ça, c'est vraiment un avertissement.