Isabelle Autissier appelle à défendre les océans : "La vie est venue de l'océan et s'il n'y a plus d'océans vivants, il n'y a plus d'humains sur terre"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 25 septembre 2025, la navigatrice et dorénavant écrivaine Isabelle Autissier. Sa bande dessinée "Une bouteille à la mer" sort aujourd'hui aux éditions Futuropolis.

Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Isabelle Autissier présente lors de la 47e édition du "Livre sur la place" à Nancy le 14 septembre 2025. (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)
Isabelle Autissier présente lors de la 47e édition du "Livre sur la place" à Nancy le 14 septembre 2025. (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Le nom d'Isabelle Autissier nous transporte presque automatiquement sur un voilier au large de la mer ou a minima au bord de l'eau, le visage rivé vers le grand large. La navigatrice est la première femme à avoir fait le tour du monde en solitaire, il y a un peu plus de 30 ans. Personne n'a oublié ces moments magiques. Aujourd'hui, Isabelle Autissier défend cette zone bleue, vitale et essentielle pour notre planète, mais qui s'abîme inexorablement depuis des années parce que les hommes n'en prennent pas soin. Elle publie, le 10 septembre, avec la dessinatrice et ancienne championne d'aviron Zelba, la bande dessinée Une bouteille à la mer, aux éditions Futuropolis. Un livre qui raconte à quel point il est important de redoubler d'efforts pour sauver les océans, et à quel point rien n'est perdu si chacun s'engage à préserver ce bien précieux.

franceinfo : Cela fait 40 ans, que vous nous alertez Isabelle Autissier sur l'état des océans. Certains disent que vous faites des vagues pour attirer notre attention. Est-ce qu'après 40 ans vous gardez encore espoir ?

Isabelle Autissier : Oui, parce qu'il faut garder espoir, sinon on se tire une balle et je n'en ai pas envie. Dès le début je me suis dit ce n'est pas un combat qu'on gagne ou qu'on perd, c'est une bataille permanente et on avance. De temps en temps, malheureusement, on recule. Il faut s'accrocher parce que le jeu en vaut grandement la chandelle. La vie est venue de l'océan et s'il n'y a plus d'océans vivants, il n'y a plus de terre vivante et il n'y a plus d'humains sur la terre. Donc c'est quand même un bel enjeu.

Dans "Une bouteille à la mer", il y a une sorte de rythmique, on se demande à quel moment cette bouteille va arrêter de dériver et à quel moment elle va s'échouer une bonne fois pour toutes dans les mains de celles et ceux qui peuvent encore faire des choses. C’est-à-dire, nous tous.

C'est la bande dessinée elle-même qui est cette bouteille à la mer et tous les gens qui vont lire cette BD vont pouvoir s'en saisir. Donc saisissez-vous de la bouteille et puis allez y rentrer dans la danse, rentrer dans le combat. Les choses ne changent pas parce qu'il y a trois personnes géniales qui trouvent une bonne idée.

"Les choses changent parce qu'à un moment donné, les comportements changent, les points de vue changent et c'est comme ça que cela avance."

Isabelle Autissier

franceinfo

Dès le départ, lorsque l'on ouvre cet ouvrage, vous nous parlez de l'eau, vous nous dites qu'on n'est pas propriétaires de cette eau qui nous fournit de l'oxygène par les planctons nécessaires au maintien de la vie sur Terre. C'est important de repréciser les choses ?

D'abord, c'est important de préciser que l'on est dépendant de cette toute petite planète qui n'est qu'un grain de poussière dans l'univers et qui n'a aucune importance et aucune influence. Nous, on n’est absolument rien, sauf que l'on est vivant et de plus sur une planète vivante qui dépend de l'eau. S'il n'y a pas d'eau, il n'y a pas de vie. Effectivement, on s'est un peu vu dans les quelques derniers siècles en Europe comme les maîtres et possesseurs de la nature. C'est presque un peu le contraire, c'est la nature qui est notre maître. On a souvent aussi pensé la nature comme un ennemi qu'il faut dompter. Sauf que l'océan, vous ne pouvez pas le dompter. On a un peu oublié ce que sont les rythmes de l'océan, qui décident, en particulier pour les populations côtières, de ce qu'il se passe.

"Il faut avoir bien conscience que c'est à nous de bouger, l'océan de toute façon, lui ne bougera pas."

Isabelle Autissier

franceinfo

Si l'on essaye d'élever des murs, l'océan se fiche pas mal des murs, on l'a vu chez moi à La Rochelle quand il y a eu la tempête Xynthia, l'océan est passé dramatiquement par-dessus les murs et il y a eu 27 morts. Il faut changer de point de vue et il faut comme on le fait, nous, les marins en mer, s'adapter à notre environnement.

On apprend davantage à vous connaître aussi dans cette bande dessinée, vous démarrez très tôt la navigation seule à la barre, et puis il y a cette envie très vite d'aller encore plus loin. Cette rencontre avec l'océan, c'est un coup de foudre ?

Oui, c'est un coup de foudre et je n'ai jamais su pourquoi. Quand on a commencé à me poser les fesses sur un petit voilier, j'étais fascinée. Mes parents m'emmenaient avec mes quatre sœurs, sur le bateau, mais moi ça m'a fait un effet incroyable, tout de suite, j'ai trouvé ça génial. Quand on est petit, on ne sait pas pourquoi, mais je me suis dit, quand je serai grande, je vivrai au bord de l'eau. Et je ne sais toujours pas pourquoi si ce n'est que ça me comble. Cela me comble de bonheur, cela me comble dans les émotions, dans les sentiments, dans les ressentis, mais aussi intellectuellement.

La mer pour vous, c'est comme une personne, une relation d'amour ?

J'essaie d'éviter, la mer n'est pas un être humain. La mer, ce sont des molécules d'eau. C'est mon petit côté scientifique qui me dit ça. Mais ces molécules d'eau me procurent, à moi, être humain, des émotions, des connaissances, des bienfaits, des médicaments, de l'énergie... Et puis avant tout, c'est vrai que pour moi, la mer, c'est un fournisseur de bonheur, donc je ne suis pas dupe quand je parle à la mer parce que j'ai envie de parler à la mer, je ne m'attends pas à ce qu'elle me réponde, mais j'aime bien lui parler.

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