Bruno Rebeuh livre ses souvenirs sur la chaise de Roland-Garros : "Ça m'a fait prendre beaucoup de responsabilités et découvrir le monde"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 14 mai 2025 : Bruno Rebeuh, ancien arbitre international de tennis. Il publie "Retour pleine ligne", aux éditions Albin Michel.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Bruno Rebeuh, ancien arbitre international de tennis. (JACQUES DEMARTHON / AFP FILES)
Bruno Rebeuh, ancien arbitre international de tennis. (JACQUES DEMARTHON / AFP FILES)

Bruno Rebeuh est un ancien arbitre français du tennis international professionnel, considéré comme l'un des meilleurs au monde entre 1988 et 2001. Les joueurs sur les courts qu'il a arbitrés s'appellent John McEnroe, Jimmy Connors, Yannick Noah, André Agassi, Michael Chang ou Ivan Lendl. Il était sur la chaise haute des finales messieurs de Roland-Garros de 1989 à 1998, de quoi garder de superbes souvenirs et des moments magiques de joie ou de tension parfois. Le 7 mai 2025, avec la complicité du journaliste sportif et ancien rédacteur en chef du journal de l'Equipe, Philippe Maria, il a publié le livre Retour pleine ligne chez Albin Michel. Il nous livre les plus beaux moments qu'il a vécus aux côtés des arbitres de ligne et des ramasseurs de balles qui œuvraient à ses côtés.

franceinfo : Ce livre marque la fin des juges de ligne au profit d'écrans de contrôle automatisé. L'humain s'efface donc devant la technologie et ça, ça vous heurte profondément.

Bruno Rebeuh : Oui, parce que je suis un peu triste pour les arbitres d'aujourd'hui, qui ne connaîtront pas tout ce que j'ai vécu et tout ce que je peux raconter dans le livre. Ces confrontations entre les joueurs charismatiques de l'époque et les arbitres. Aujourd'hui, tout est automatisé et je suis un peu triste et c'est pour ça que je reviens sur cette belle époque avec ce livre. J'espère, en tout cas, que Roland-Garros va pouvoir résister, ce n'est pas encore définitif, ils ne savent pas ce qu'ils vont faire pour l'édition 2026, mais 2025, pour l'instant, c'est la dernière année avec des juges de ligne. J'espère que les joueurs vont s'en apercevoir et qu'on va garder cette partie humaine, d'autant plus que l'arbitrage au tennis avait énormément progressé et était devenu quasiment parfait. Je ne comprends pas pourquoi on est passé d'une extrémité à l'autre.

Vous êtes arrivé en France à l'âge de huit mois à Nice. Vous avez développé une passion pour le foot, pour les Verts, les Stéphanois plus que pour le tennis. Finalement, le tennis, vous l'avez découvert par le biais du foot et parce que vous alliez pouvoir avoir un survêtement gratuit.

Absolument. J'étais en classe à Nice avec les grands joueurs de l'époque, les futurs champions, Yannick Noah, entre autres. J'étais aussi en section sport études football et c'est vrai que les joueurs de tennis, ils adoraient le foot et les joueurs de foot adoraient le tennis. À 150 mètres du lycée, il y avait le fameux grand club de Nice, qui recevait chaque année au mois d'avril le tournoi de Nice, juste en amont du tournoi de Monte-Carlo.

"C'était l'occasion de me rapprocher des grands joueurs de l'époque, Victor Pecci, Guillermo Vilas, ou Björn Borg et de pouvoir gagner, dix francs le match, d'avoir un survêtement gratuit et de repartir avec une belle paire de tennis."

Bruno Rebeuh

à franceinfo

Vous avez eu des parents en or qui vous ont toujours soutenu, dans un univers quand même que personne ne connaissait.

Oui, tout à fait, parce qu'en plus de ça, quand je suis devenu arbitre professionnel fin des années 80, j'étais le seul en France. On était six dans le monde et on a été les premiers à dire non aux joueurs. Quand on allait faire un tournoi en Chine ou au Japon, les règles étaient presque un peu différentes que lorsqu'on jouait en France ou en Italie. La Fédération internationale et le tour professionnel ont voulu donc harmoniser tout ça, nous, les premiers arbitres professionnels, on a été envoyés au feu et donc ce n'était pas facile. J'ai été sous pression pendant une bonne année. Ce n'était pas facile de se retrouver à des dizaines de milliers de kilomètres de la maison, d'être chahuté par le public, par les joueurs qui étaient tous là et qui pouvaient donc me tester. Il y a eu une ou deux années assez compliquées, mais j'ai tenu le coup.

L'un de vos plus beaux souvenirs, c'est le combat entre Michael Chang et Jimmy Connors, à Roland-Garros. Ce n'était pas du tout une finale, mais le troisième tour. Jimmy Connors a vraiment lutté de toutes ses forces. Ça a été un moment très lourd et très fort pour vous.

Au tennis, il faut toujours se battre jusqu'à la fin, on n'a pas le droit d'abandonner sinon, c'est un manque de combativité. On n'a pas le droit d'arrêter un match, on peut arrêter un match quand on se blesse. Pendant ce match, je n'avais constaté aucune blessure, il n'y avait pas eu de chute, on voyait Jimmy Connors qui avait déjà pratiquement 40 ans et qui se battait comme un lion, on ne le sentait pas en pleine forme. D'un coup, après le premier point du cinquième set, c'était la première fois du match où il menait, il est venu me dire qu'il voulait abandonner parce qu'il était au bout de l'épuisement. J'ai un peu insisté lourdement parce que je n'avais rien constaté et lui aussi a insisté en me faisant comprendre qu'il avait été au bout de ses forces. Il a vraiment été au bout de ses forces parce qu'une fois évacué, il était resté sous perfusion dans les vestiaires pendant deux heures.

"C'est un match qui pour moi restera toujours dans ma mémoire parce que c'était fantastique de voir quelqu'un encore à 40 ans, faire ce genre de match."

Bruno Rebeuh

à franceinfo

La balle jaune, est-ce qu'elle vous a permis de devenir l'homme que vous êtes devenu aujourd'hui ?

Certainement. Ça m'a fait prendre beaucoup de responsabilités, ça m'a fait découvrir le monde. J'ai eu la chance, grâce à ce métier et grâce à ce sport, de faire plusieurs fois le tour de la planète, de rencontrer des gens fantastiques et merveilleux. Voilà, ça m'a un peu pénalisé pour ma vie de famille, mais j'essaye de rattraper le temps aujourd'hui avec mes enfants et mes petits enfants.

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