Brian Bouillon Baker raconte l'histoire de sa mère, dans le spectacle "Joséphine Baker - Le Musical" : "C'est un devoir que nous avons dans la famille"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 9 mai 2025 : Brian Bouillon Baker, fils de Joséphine Baker et conseiller artistique et historique du spectacle "Joséphine Baker - Le Musical".

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Joséphine Baker, son mari Joe Bouillon et une partie de leur tribu arc-en-ciel, aux Milandes en 1964. (BETTMANN / BETTMANN / VIA GETTY)
Joséphine Baker, son mari Joe Bouillon et une partie de leur tribu arc-en-ciel, aux Milandes en 1964. (BETTMANN / BETTMANN / VIA GETTY)

Brian Bouillon Baker est l'un des enfants de Joséphine Baker. C'est le septième sur les douze qui composaient cette famille nombreuse et heureuse appelée la famille arc-en-ciel. Aux côtés de sa mère, il a rencontré Dalida, Gilbert Bécaud, la Princesse Grace de Monaco ou encore Fidel Castro, car Joséphine Baker était une femme unique, adulée. Elle est devenue l'icône du Tout-Paris des années folles, résistante, elle symbolise encore aujourd'hui la grande femme universelle, devenue la première femme noire à entrer au Panthéon. Les 6 et 7 juin, puis du 9 octobre 2025 jusqu'au 25 janvier 2026, le spectacle Joséphine Baker - Le Musical se jouera sur la scène du Théâtre Bobino à Paris avant de partir en tournée.

franceinfo : Vous êtes le conseiller artistique et historique de ce spectacle. Est-ce que célébrer votre mère est une responsabilité ?

Brian Bouillon Baker : Finalement, moi, ma famille, ils m'ont un peu délégué le rôle d'ambassadeur, étant comédien et auteur, notamment lorsqu'il y a des inaugurations innombrables de groupes scolaires, de rue ou de médiathèques un peu partout en France et à l'étranger. J'y vais, j'aime bien voyager pour parler au nom de ma famille et donc de ma mère. Donc le témoignage, c'est important, c'est même une sorte de devoir que nous avons dans la famille, vis-à-vis de notre maman et de notre papa, Joe Bouillon.

Pour mieux comprendre, il faut justement comprendre cette famille qu'elle a créée, cette tribu arc-en-ciel. Vous êtes née en Algérie de parents qui sont malheureusement décédés dans un bombardement. Comment avez-vous été adopté par Joséphine Baker ?

Quand l'Algérie était française, donc un département d'outre-mer, et après les bombardements entre l'armée française et les indépendantistes algériens, je me retrouve à l'assistance publique d'Alger. Quelque temps plus tard, ma mère fait une soirée de gala et comme elle adorait voir les bébés et les enfants, elle va, après le concert, de nuit, voir la pouponnière. Évidemment, tous les bébés dorment, sauf un couche-tard que j'ai toujours été et qui ne dort pas et qu'elle remarque. "Regardez celui-là, il me sourit, il est mignon et puis il est né le 3 juin, comme moi, c'est un signe, je le prends !" Donc c'est mon mektoub si je puis dire, sinon je serais resté à Alger orphelin et je ne sais pas ce que je serais devenu. Elle me donne deux prénoms, Brahim d'abord et Brian ensuite, mais comme elle prononçait le plus souvent à l'américaine, on m'appelle plus Brian, mais certains amis maghrébins ou orientaux, eux, ils préfèrent m'appeler Brahim.

Elle a été mariée à 13 ans, elle a vécu à Saint-Louis. Elle a connu des moments extrêmement difficiles dans son enfance et en même temps, quand elle arrive à 19 ans en France, elle ne se doute pas de ce qui va lui arriver, mais elle est convaincue en tout cas qu'à un moment donné, peut-être que sa parole va pouvoir être entendue.

Lorsqu'elle est repérée à New York et qu'on lui propose de tourner en France d'abord, en Europe ensuite, elle dit à la productrice : "Mais moi, je suis très bien, je suis de mieux en mieux payée en tant que danseuse, j'ai mes repères. Bon, et puis j'adore New York". Et c'est là que la productrice lui dit, pendant qu'elle se changeait derrière son paravent, "Et si on double votre cachet new-yorkais ?" Et là, ma mère a passé la tête derrière le paravent, "Dans ce cas-là, je vais adorer Paris !"

Elle n'a jamais oublié d'où elle venait. Elle n'a jamais oublié de prendre soin des autres. La seule chose qui lui importait, c'était de traiter chaque individu dans toute son entièreté. Elle s'est beaucoup occupée des sans domicile fixe, dès son arrivée à Paris. Elle avait ce besoin d'être aussi à leurs côtés ?

Oui, et ça déjà toute jeune.

"Elle est marraine des clochards de Paris à 20 ans, marraine de la soupe populaire et ensuite marraine des Poulbots de Paris."

Brian Bouillon Baker

à franceinfo

Après, elle s'est engagée beaucoup plus précisément avec la LICRA, puis les services secrets français, puis l'armée de l'air française, la Résistance à Lyon, et avec Martin Luther King et les droits civiques.

Ce que montre ce spectacle musical, c'est que les combats qu'elle menait sont encore mis à rude épreuve. Ils ne sont pas terminés. C'est un peu un symbole d'affrontement de l'humanité contre la barbarie ?

Quand on me pose des questions, on me dit, "Mais qu'est-ce qu'elle penserait de la situation actuelle qui est difficile un peu partout ?" Je peux vous dire que ma mère dirait, en France, en Europe et dans le monde, il y a toujours des problèmes.

"Être inquiet ou avoir peur, c'est humain. Désespérer de l'humanité ? Sûrement pas."

Brian Bouillon Baker

à franceinfo

Nous sommes l'écrasante majorité à vouloir vivre en paix, en fraternité, en respect. Ce ne sont pas les ultra-minoritaires, terroristes, intégristes, communautaristes qui prendront le dessus sur nos sociétés. Tous les publics que je rencontre disent que ça leur donne du baume au cœur et de l'espoir.

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