Agnès Martin-Lugand : "Je suis immensément reconnaissante envers les lecteurs. Sans eux, je n'existerais pas "
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 19 février 2025 : la romancière Agnès Martin-Lugand. Elle vient de publier "Les Renaissances" aux éditions Michel Lafon.
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Agnès Martin-Lugand est l'une des autrices les plus axées sur ce que l'existence a de plus mystérieux, imprévisible et délicat. En 12 romans, elle a su imposer ses personnages et histoires à la psychologie fine et juste. Le public et la critique ne s'y sont pas trompés, car elle a cumulé les prix et les ventes de ses ouvrages qui s'élèvent aujourd'hui à cinq millions d'exemplaires. Le lien avec les lecteurs s'est fait avec son livre Les gens heureux lisent et boivent du café. Aujourd'hui, elle nous présente son petit dernier Les Renaissances. Alors non, il n'y a pas de phénix à l'horizon, mais tout semble être une question de regard.
franceinfo : La beauté existe-t-elle davantage dans le regard de l'autre ou dans l'œil de celui qui regarde si on cite Oscar Wilde ?
Agnès Martin-Lugand : La beauté est dans le regard, le regard qu'on porte à l'autre, le regard que l'autre nous porte, le regard aussi qu'on peut se porter à soi-même et aussi dans n'importe quelle petite chose qu'on peut découvrir. Et on peut essayer d'y aspirer à cette beauté.
"La quête de la beauté même s'il est question d'histoire de l'art dans ‘Les Renaissances’, c’est chaque détail qui peut réveiller un sentiment de beauté."
Agnès Martin-Lugandà franceinfo
On découvre deux personnages. Lino est artisan, passionné d'histoire de l'art, assez téméraire enfant. Depuis, il est vraiment rongé par son passé. Rebecca, elle, est écrivaine. Les mots lui ont permis de briser les silences, de décharger une part de ses tourments. Vous aimez dans vos histoires, insuffler la possibilité justement qu'un avenir est meilleur.
Alors c'est vrai que le personnage de Rebecca n'est pas très en forme quand le lecteur la rencontre. Voilà plus de deux ans qu'elle n'a pas réussi à écrire une ligne.
C'est lié au fait que son couple s'est délité.
Il y a ça qui ne l'aide pas, évidemment, et il y a aussi qu'elle s'est épuisée dans son écriture et qu'elle a oublié de se nourrir par elle-même d'autres choses pour nourrir son écriture et continuer à aller plus loin. Mais elle a besoin en fait de temps pour être capable de se dire : "je vais peut-être y arriver ou je dois prendre une autre décision et quitter la littérature".
Il y a énormément de vous dans tous vos ouvrages. Dans Les Renaissances, c'est aussi le cas.
Oui, je crois que c'est celui où il y en a le plus.
C'est juste assez étonnant d'ailleurs que vous lâchiez prise à ce point-là et que vous vous offriez autant. Vous étiez psychologue clinicienne en crèche, puis en pouponnière. L'écriture est entrée dans votre vie comme une sorte de nécessité presque vitale. C'était quoi ? C'était pour affronter justement la violence du quotidien, les histoires qu'on vous racontait ?
En l'occurrence, c'est vrai que j'étais auprès des tout-petits, surtout en pouponnière c’est-à-dire les enfants placés par le juge des enfants, les 0-5 ans. C'est d'une violence totale et extrême d'être face à ces petits êtres en hypersouffrance. Ce désir d'écrire était à l'intérieur de moi depuis la fin de mes études... Et je suis devenue maman et cette envie d'écrire est revenue à ce moment-là. Après, il me fallait trouver une histoire. La naissance des gens heureux lisent et boivent du café, cette femme qui perd son mari et sa fille dans un accident de voiture, a vraiment déclenché ma propre angoisse. J'ai regardé mon mari et mon fils qui jouaient, mon fils à l'époque avait 18 mois, le temps s'est arrêté et ça m'a pris à la gorge. Je me suis demandé : mais mon Dieu, qu'est-ce que je deviens si je les perds ? Je vais m'enterrer vivante quelque part. Et là je me suis dit : c'est cette histoire-là que tu dois essayer de raconter pour voir si tu peux écrire un roman.
Vous avez découvert qui vous étiez vraiment ou pas ? Parce qu'avec cet ouvrage Les Renaissances, il y a un effet miroir à l'intérieur.
"Je m'étais toujours promis de ne jamais écrire sur une romancière. J'ai créé mon double d'une certaine manière, et je sais que je ne me séparerai plus jamais de Rebecca."
Agnès Martin-Lugand, écrivaineà franceinfo
Parfois je me dis : quand Rebecca écrit, c'est Rebecca qui écrit, ce n'est pas moi. Je sais à quel point je suis schizophrénique quand j'écris. Mais elle m'a offert aussi une nouvelle forme d'écriture à travers elle, son style, ses mots à elle qui ne sont pas forcément les miens. Et je sais que maintenant, il y aura des moments où ce sera plus Rebecca qui écrira que moi. Cela va être un équilibre qu'il va falloir que je trouve entre ce personnage qui est devenu quand même mon double et moi.
Aujourd'hui, vous avez vendu plus de cinq millions d'exemplaires de vos livres, vous êtes traduite en 35 langues. Ça représente quoi ce parcours "imprévu" que vous n'imaginiez pas, il y a quelques années ?
C'est la surprise de la vie. J'ai l'impression que tout a commencé hier et en même temps, non. Cette petite histoire a commencé il y a déjà 12 ans. Je suis immensément reconnaissante envers les lecteurs. Sans eux, je n'existerais pas. C'est une chance extraordinaire de pouvoir vivre ce que je vis depuis maintenant plus de dix ans. J'ai toujours dit le jour où quelqu'un se rend compte que je suis blasée de ça, mais dites-moi d'arrêter parce qu'il faut voir la valeur quand il nous arrive quelque chose d'aussi extraordinaire qui en effet, n'était absolument pas prévu. Depuis que les éditions Michel Lafon m'ont contactée en janvier 2013, je me dis que rien n'est acquis. À moi de mettre tout en œuvre pour essayer que ça continue.
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