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Témoignages
"Pour nos parents, le psy c'est pour les fous" : la jeune génération déconstruit le tabou autour de la santé mentale
Les jeunes de 16 à 25 ans sont de plus en plus sensibles aux questions de santé mentale. Du simple besoin de se confier au véritable trouble psychiatrique, l'intérêt qu'ils portent au sujet est parfois incompris par leurs parents.
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"Pour eux, ce n'est pas important, on fait beaucoup de chichis pour rien" : Timéo, 17 ans, évoque le rapport de ses parents à la santé mentale. Un sujet abordé très librement par les jeunes de sa génération, ces dernières années, beaucoup moins par les adultes qui l'entourent. Le gouvernement a pourtant décidé d'en faire "la grande cause nationale de l'année 2025" et de lancer une vaste campagne de sensibilisation et d'information.
Timéo précise que, d'après ses parents, "c'est devenu 'à la mode' d'aller voir un psy, de parler de ses problèmes". Pourtant, il estime que son père "aurait besoin d'en voir un. Ce n'est pas quelqu'un qui parle beaucoup et je pense que ça le libérerait un peu. Mais c'est l'ancienne génération : le psy c'est pour les fous, il pense comme ça." Anissa, 16 ans, confirme : "Pour les générations de nos parents, c'est tabou. Quand on va chez un psy, c'est parce qu'on a des problèmes mentaux et qu'on est un peu fou. Du coup, ils ne veulent vraiment pas y aller".
"Se plaindre et se regarder le nombril"
Cette rupture entre générations, Lola Fourcade, pédopsychiatre, la constate quotidiennement dans son cabinet : "Très régulièrement, les jeunes me disent : 'J'ai essayé de dire à mes parents que ça n'allait pas et ils ont l'impression que je leur parle d'un caprice, qu'il faut juste me reprendre'". La pédopsychiatre souligne que la dépression concerne, en moyenne, un jeune sur quatre et qu'il s'agit d'une maladie à prendre au sérieux.
Lola Fourcade estime que l'évolution des mentalités traduit une transformation sociétale bien plus vaste : "D'une société axée sur la productivité, on passe à une société davantage tournée vers l'épanouissement personnel". Un nouveau modèle que les plus âgés ont parfois du mal à comprendre : "Ils estiment que la jeune génération est narcissique, autocentrée, qu'elle ne surmonte pas les épreuves de la vie avec force et rigueur, qu'elle se complaît à se plaindre et à se regarder le nombril. Ce qui n'est pas du tout le cas".
"Les jeunes envisagent différemment ce qu'est l'épanouissement d'une vie et la réussite sociale."
Lola Fourcade, pédopsychiatreà franceinfo
Lola Fourcade reçoit aussi des parents préoccupés que leurs enfants veuillent consulter : "Ils ont l'impression que c'est lié à la survenue d'une pathologie psychiatrique lourde, ils sont inquiets que quelque chose de grave puisse avoir lieu".
C'est précisément ce que les parents de Sarah, 16 ans, ont redouté, il y a quelques mois, quand elle leur a manifesté le besoin de se confier à une tierce personne : "Ils avaient peur des clichés parce qu'ils ne sont pas assez renseignés. Mais avec le temps et la communication, ils se sont rendu compte des bienfaits d'aller voir un psychologue, même quand on n'a pas forcément de gros problèmes". Sarah a simplement ressenti le besoin de parler de "plein de sujets de la vie quotidienne, le stress, l'anxiété qu'on peut avoir par rapport aux cours..."
De nouvelles représentations des troubles psychiques
Les adolescents et jeunes adultes peuvent compter sur des représentations de plus en plus nombreuses des questions de santé mentale, notamment dans la pop culture. Ces dernières années, Louane, Zaho de Sagazan, Billie Eilish, Stromae mais aussi Soprano ont évoqué sans tabou les périodes sombres qu'ils traversaient.
"Les artistes de notre génération en parlent de plus en plus donc on prend le sujet au sérieux. On est plus à l'aise, on peut écouter une chanson et s'identifier plus facilement."
Maëlys, 17 ansà franceinfo
Une déstigmatisation essentielle, estime Lola Fourcade : "Cela donne une autre image de la santé mentale. Le fait que les personnalités publiques osent dire qu'ils ont eu des troubles et qu'ils sont accompagnés, ça participe du fait que les jeunes ne s'identifient pas comme des loosers quand ils souffrent".
Attention aux autodiagnostics
Sur les réseaux sociaux, de nombreux comptes Instagram et TikTok participent à la libération de cette parole auprès des jeunes et partagent des conseils. Lola Fourcade tient toutefois à alerter sur de potentielles dérives : "ChatGPT est vraiment un mauvais psy. Il y a beaucoup de jeunes qui arrivent avec un autodiagnostic de troubles hyperactifs, de troubles autistiques ou de hauts potentiels intellectuels. Bien évidemment, il ne faut pas prendre ces diagnostics en ligne au sérieux. C'est une bonne chose de s'interroger, de se renseigner, notamment sur les réseaux sociaux. Ça peut être un premier pas pour essayer de comprendre ce qui vous arrive, mais un diagnostic doit se faire en prenant en compte le sujet dans sa globalité."
"Entre 20 et 30 ans, on change énormément et on peut traverser des périodes très douloureuses sans que ce soit définitif."
Lola Fourcade, pédopsychiatreà franceinfo
Lola Fourcade souligne que de nombreux dispositifs existent pour prendre en charge gratuitement les jeunes en détresse psychologique. Trop peut-être : "La superposition en mille-feuilles du nombre de dispositifs existants fait que les usagers s'y perdent. Il y a le Fil Santé Jeunes, le dispositif Mon soutien psy, la cellule d'écoute du 3114. Ça disperse les forces au lieu de les rassembler. Il est absolument nécessaire de proposer une offre organisée et lisible". La pédopsychiatre précise que ces dispositifs sont très sollicités, parfois même saturés, témoignant de l'intérêt croissant de la population d'avoir recours à un soutien psychologique.
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