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Témoignages
Journée des enfants disparus : le combat des parents d'enfants enlevés et emmenés à l'étranger
Alors que dans un tiers des signalements d'enfant disparu, il s’agit d’un enlèvement parental, franceinfo a recueilli le témoignage de deux parents qui n'ont pas revu leur enfant depuis des années malgré leur combat quotidien et leurs démarches juridiques.
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Le 25 mai est la journée internationale des enfants disparus. En 2024, l'association 116 000, du nom du numéro d'appel d'urgence dédié aux disparitions de mineurs, en a comptabilisé 38 477, un chiffre en baisse par rapport aux années précédentes mais qui demeure élevé. Il s'agit de fugues pour la plupart, mais les disparitions inquiétantes et les enlèvements parentaux concernent un tiers des dossiers, et parmi eux on décompte 227 enlèvements internationaux.
Franceinfo a recueilli le témoignage de deux parents concernés par cette épreuve et qui, malgré leurs démarches et la médiatisation de leur histoire, n'ont pas revu leurs enfants depuis des années.
Eileen Devouassoux ne sait plus à quoi ressemble le visage de sa fille, Alia. Le père de la fillette l'a enlevée et emmenée en Algérie en décembre 2016, elle n'avait pas encore deux ans. "J'ai eu trois appels, dont un en visio dans les six premiers mois. Et tout ça s'est arrêté en août 2017. Depuis, je n'ai plus eu de nouvelles", retrace la mère d'Alia. À l'origine de cet enlèvement, il y a la question de la garde de l'enfant après la séparation du couple, comme c'est souvent le cas.
Eileen se bat sans relâche devant les tribunaux depuis huit ans pour revoir son unique enfant qui a fêté ses 10 ans en avril dernier, quelque part de l'autre côté de la Méditerranée. Elle se rend plusieurs fois par an en Algérie pour la chercher. "Bien sûr, moi, j'ai fait beaucoup de démarches, y compris en Algérie. C'est très lourd parce que les démarches sont longues, sont difficiles. Ma fille a été enlevée à sa mère alors qu'elle n'avait jamais vécu ailleurs, qu'elle était encore allaitée. Et je sais que c'est encore plus dur pour elle que pour moi. Donc mon quotidien, c'est de me battre pour qu'elle récupère un semblant de stabilité", avance Eileen.
"Il a fallu que je vende tout ce que j'avais."
Pierre-Vincent Cloos, père d'Amélie, enlevée par sa mèreà franceinfo
Amélie, la fille de Pierre-Vincent Cloos, elle, a 15 ans aujourd'hui. Il raconte l'avoir vue une fois, pendant 12 minutes, en dix ans. Elle est retenue par sa mère depuis septembre 2015 en Pologne. "Et pendant ces 12 minutes, ma fille est dans une pièce, physiquement, je dirais, entravée par sa famille. Moi, je suis entouré par une quinzaine de personnes au moins, une chaise au milieu de la pièce et on me dit 'vous avez 12 minutes pour la convaincre de venir avec vous', explique-t-il. Le tout filmé par la police et diffusé en live sur Facebook."
Sa fille le rejette, Pierre-Vincent Cloos estime qu'elle est "instrumentalisée" par sa mère, selon ses termes. Il ne baisse pas les bras et, dix ans après l'enlèvement d'Amélie, ce chef d'entreprise de 62 ans poursuit, lui aussi, un long combat judiciaire. Il raconte s'être rendu 41 fois en Pologne pour la retrouver, "ce qui est épuisant psychologiquement, mais aussi physiquement. En plus, vous êtes obligés de vous investir totalement, y compris financièrement. Si on prend tout en compte aujourd'hui, ça doit se situer entre 200 000 et 250 000 euros, détaille le père de famille. Son plus grand souhait, c'est qu'Amélie puisse, dit-il, "entendre la vérité", afin de pouvoir reconstruire pas à pas une relation avec elle.
Impunité du parent kidnappeur
Ces deux dossiers ont un point commun : la justice leur a donné raison mais c'est toujours l'impunité pour le parent kidnappeur. Dans le cas d'Eileen, la justice française lui a accordé la garde exclusive d'Alia. Le père a été condamné deux fois en France, il a fait quatre ans de prison en 2019 pour non-présentation d'enfant et soustraction de mineurs, mais ça ne change rien. "On est dans une impasse. L'extradition, ça ne marche pas sur des enfants kidnappés. Pour l'Algérie, elle n'est même pas française, mais la France voit une Française qui est en Algérie et, apparemment, ça ne pose de problème à personne", se désole sa mère.
"Je n'ai pas de moyens de forcer le retour d'Alia, juridiquement."
Eileen Devouassoux, mère d'Alia, enlevée par son pèreà franceinfo
La justice a également donné raison à Pierre-Vincent "mais il n'y a pas de mesure de rétorsion par rapport à ça", ajoute-t-il. "Donc ma fille est retenue en otage dans un pays européen sans pour autant que la diplomatie française tape du poing sur la table. On est devant une situation juridiquement insensée. Les deux pays, la France et la Pologne, qui ont jugé séparément les faits, ont ordonné le retour de ma fille et m'ont donné l'autorité parentale exclusive. Ces décisions n'ont jamais été appliquées et je suis même incapable de voir ma fille." Dans chaque cas, sollicités par ces familles en détresse en France, le ministère de la Justice et celui des Affaires étrangères disent suivre chaque dossier de près. En attendant, les parents, eux, passent à côté de la vie de leurs enfants, impuissants.
Accords de coopération difficilement applicables
Il existe pourtant des accords internationaux qui obligent les pays signataires, qui sont plus d'une centaine, à coopérer pour permettre le retour de l'enfant. Mais cela coince pour plusieurs raisons, notamment trouver la localisation précise de l'enfant qui est souvent caché, des moyens d'investigations qui varient d'un pays à l'autre, le coût financier qui peut rendre la justice inaccessible à certains parents ou encore, pour préserver l'enfant, le dilemme de certains juges à recourir à la force pour son retour.
Et il y a aussi, selon Rahima Nato Kalfane, avocate spécialisée en droit international de la famille, "la situation géopolitique dans certains États, comme l'Algérie mais il y en a plein d'autres. Le système de coopération judiciaire fait appel aussi beaucoup aux liens diplomatiques entre les pays", souligne-t-elle.
"Depuis la guerre entre la Russie et l'Ukraine, on a des difficultés. Depuis le conflit israélo-palestinien, c'est compliqué aussi."
Rahima Nato Kalfane, avocate spécialiséeà franceinfo
En plus de 20 ans de pratique, l'avocate estime que les choses évoluent lentement mais dans le bon sens. Il y a davantage de vigilance aux polices des frontières, les professionnels de justice, notamment des magistrats, sont mieux formés pour identifier les signaux d'alerte et prévenir un enlèvement dans le cas de familles binationales et ou en conflit.
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