Reportage
"Une évolution incroyable" : comment expliquer l'appétit des Français pour le poulet, la viande désormais la plus consommée

La consommation de poulet, viande consensuelle, a augmenté de 10% entre 2023 et 2024. Elle détrône désormais le porc dans nos assiettes. Mais les agriculteurs français sont loin d'arriver à répondre à la demande.

Article rédigé par Edouard Marguier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le pavillon de la volaille, à Rungis, au sud de Paris. (EDOUARD MARGUIER / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)
Le pavillon de la volaille, à Rungis, au sud de Paris. (EDOUARD MARGUIER / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

Au pays du jambon-beurre, le poulet est roi. C'est la viande la plus consommée en France, détrônant ainsi le porc. En 2024, chaque Français a mangé 32 kg de volaille dont 25 kg de poulet, selon le service de statistique du ministère de l'Agriculture, un chiffre en augmentation de 10% sur un an. Franceinfo s'est penché sur ce phénomène. 

Pour comprendre cet engouement, rendez-vous tout d'abord dans un restaurant, où quatre poulets sur dix sont consommés. Le dernier fast-food à la mode, le Chik'Chill, est situé dans le centre commercial Créteil Soleil, dans le Val-de-Marne, au sud de Paris, incarne parfaitement cette tendance.

Le succès des restaurants spécialisés

Les recettes de ce KFC à la sauce française sont signées Mohamed Cheikh, vainqueur de l'émission Top Chef il y a quatre ans. Il mise tout sur cette viande, qui s'adresse à toutes les générations et à toutes les religions. "Contrairement à une viande de porc ou de bœuf, tout le monde mange de la volaille, c'est sain", assure le chef. 

Le chef Mohamed Cheikh dans son fast food Chik'Chill, au centre commercial Créteil Soleil (Val-de-Marne). (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Le chef Mohamed Cheikh dans son fast food Chik'Chill, au centre commercial Créteil Soleil (Val-de-Marne). (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Et ça marche : en deux mois, 100 000 clients sont venus tester ses burgers de poulet, comme Jennifer, qui est "très poulet", tout comme son compagnon et ses enfants. Cette mère de famille "mange beaucoup de poulet", car "ce n'est pas cher par rapport aux autres viandes" et que "ça peut être préparé sous forme d'escalope, des aiguillettes, des nuggets".

Un autre client du restaurant, Richard, ne consomme que du poulet de manière générale, pour des raisons médicales. Un nutritionniste qu'il a consulté après une crise de goutte lui a en effet expliqué qu'il "vaut mieux manger du poulet que de la viande rouge".

La France importe la moitié des poulets qu'elle consomme 

À Chik'Chill, le poulet est d’origine française, ce qui est loin d'être le cas ailleurs. La production tricolore est largement insuffisante pour couvrir la demande. La France importe près d'un poulet sur deux alors que dans les années 2000, elle était exportatrice. Pour comprendre ce qu’il s’est passé, direction le célèbre marché de Rungis, dans le Val-de-Marne, où 90 000 tonnes de volailles transitent chaque année.

"On n'a pas suffisamment de volailles produites en France", explique Gino Catena, le président du syndicat de la volaille et du gibier du plus grand marché de produits frais au monde. "Comme il faut que tout le monde mange", la France exporte de "Belgique, de Pologne, ces coins-là", avance-t-il, assurant qu'"à Rungis, on n'a pas" de poulet ukrainien.

Avec 200 000 tonnes chaque année, l’Ukraine est pourtant le deuxième pays fournisseur de poulet de l’Union européenne, derrière le Brésil. Les volaillers français dénoncent la concurrence déloyale de cette viande produite selon des normes sanitaires moins exigeantes. Ce poulet arrive par bateau aux Pays-Bas, où il devient hollandais et donc européen après sa découpe ou sa transformation.

Pas assez de poulets d'entrée de gamme

La tendance est au poulet vendu en morceaux, selon Gino Catena, qui explique qu'"en volaille entière, on vend environ 15-20% de nos volumes, et pour le reste, c'est vendu en découpe et en produit transformé". "Les cordons-bleus et les nuggets" connaissent "une évolution incroyable" car ils séduisent "tous types de clientèle, notamment les enfants".

Gino Catena est le président du syndicat de la volaille et du gibier du marché de Rungis. (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Gino Catena est le président du syndicat de la volaille et du gibier du marché de Rungis. (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Et c’est pourquoi la France se fait dépasser. La production haut de gamme, c’est-à-dire les poulets "Label rouge", ou d'appellations d'origine protégée, comme le poulet de Bresse, ne permet pas de répondre à cette demande pour les produits transformés. Les industriels de l'agroalimentaire ont en effet besoin de poulet standard, d’entrée de gamme.

La France aurait besoin de 400 poulaillers de plus d'ici à cinq ans, d'après l'estimation de l'Association nationale de la volaille de chair. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard dit en avoir conscience et promet que le sujet sera sur la table des conférences de la souveraineté alimentaire, qui doivent se tenir d'ici à deux mois.

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