Reportage
"Tu ne touches pas à mes cheveux" : dans une maternelle du Val-d'Oise, des marionnettistes sensibilisent les enfants à l'égalité des sexes et au consentement

Les programmes d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle sont présentés mercredi aux syndicats d'enseignants. Dans une classe de maternelle du Val-d'Oise, ces sujets sont abordés via des spectacles de marionnettes puis des échanges avec les élèves.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Les élèves d'une classe de maternelle, dans un établissement scolaire du Val-d'Oise. (NOEMIE BONNIN / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Les élèves d'une classe de maternelle, dans un établissement scolaire du Val-d'Oise. (NOEMIE BONNIN / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Comment parler d'égalité filles-garçons, de stéréotypes de genre, ou encore de consentement et de respect du corps aux plus jeunes enfants ? Alors que les fameux programmes d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle sont présentés mercredi 29 janvier aux syndicats d'enseignants, direction une classe de maternelle dans une école du Val-d'Oise.

Et du haut de leurs 5 ans, ils sont sensibilisés à ces sujets par l'intermédiaire d'un spectacle de marionnettes. Décor noir en carton, personnages amusants en tissus, cela ressemble en tous points à une représentation de marionnettes classique, sauf que les thèmes ne sont pas courants : au cours de quatre petites histoires, on parle d'occupation de la cour de récréation entre les filles et les garçons, des représentations de genre dans les sports (le foot, la danse classique) ou encore de la répartition des tâches ménagères à la maison et du consentement.

"Natacha, est-ce que je pourrais faire des tresses avec tes cheveux ?", demande une marionnette. "Non non non, David, tu ne touches pas à mes cheveux !, répond l'autre. Tes mains ne puent pas le camembert qui coule et qui pue, c'est juste que, là, tout de suite, maintenant, je n'ai pas envie que tu touches mes cheveux. On ne t'a jamais expliqué ? C'est moi qui décide si je veux qu'on me touche les cheveux, qu'on me fasse un câlin ou un bisou par exemple."

Faire émerger des témoignages

Chaque mot utilisé est réfléchi, pensé pour être compris par les plus jeunes, l'aspect ludique permet de faire passer des messages. Après une grosse demi-heure de spectacle vivant, drôle, très concret, les deux marionnettistes, qui font partie de l'association Dans le Genre Égales, posent leur personnage et viennent devant les enfants pour échanger sur les sujets abordés. 

"Elle lui explique quoi, Natacha ?", demande une marionnettiste. "Elle rappelle que si elle ne veut pas, elle ne veut pas. C'est mon corps !", répond une élève. "Il appartient à qui, votre corps ?", lance la première. "À nous !", répondent en chœur les enfants. "Ça, c'est un super pouvoir magique que vous avez pour toute votre vie", poursuit la marionnettiste. 

"On n'a pas le droit de vous forcer, et vous, vous n'avez pas le droit de forcer les autres avec leur corps."

La marionnettiste

aux élèves de la classe de maternelle

Ces discussions permettent parfois de faire émerger des témoignages qui interrogent. "Mon père, à chaque fois, quand il me dit 'est-ce que je peux faire un câlin à moi', je lui dis non et il me force", décrit une fillette. "Les enfants, si un jour une personne vous force, il faut venir en parler à un adulte en qui vous avez confiance", répond la marionnettiste. Dans ce cas précis, la parole de cet enfant sera prise en compte, les marionnettistes échangeront après coup avec l'équipe éducative, pour évaluer la gravité de la situation.

Ces interventions ne sont pas faites par les enseignants eux-mêmes. Certains parlent de ces sujets en classe, mais une partie des enseignants ne se sent pas forcément bien formée pour évoquer des thématiques qui touchent à l'intimité des élèves. "Dans les classes, cela peut être un peu plus compliqué, notamment quels biais prendre. On les aborde, mais il faut avoir les bons mots", explique Christelle Cheminade, la directrice de cette école en éducation prioritaire renforcée, au public très populaire. Il existe en fait très peu d'animations pour les plus jeunes, la plupart des intervenants extérieurs s'adressent plutôt aux adolescents.

Un moyen de lutter contre les violences intrafamiliales

Mais à quoi cela sert de parler d'égalité filles-garçons et de respect du corps dans le cadre scolaire, ne serait-ce pas aux familles de le faire ? Certains parents sont clairement réticents à ce que ce soit abordé à l'école. Pour une partie conservatrice de la société, ces sujets doivent rester dans le giron familial. C'est pour cela qu'ils dénoncent ces nouveaux programmes d'éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle, qui sont sur le point d'être publiés par le ministère de l'Éducation nationale.

Mais ces sujets sont essentiels et doivent faire partie des apprentissages des élèves, au même titre que les mathématiques et le français, défendent les différents ministres qui se sont succédé ces dernières années. Elisabeth Borne rappelle que cela permet de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, de lutter contre les violences sexistes et sexuelles, y compris au sein de la famille. C'est crucial, quand on sait que trois enfants par classe sont en moyenne victimes d'inceste chaque année en France et qu'un enfant subit une agression sexuelle toutes les trois minutes.

Il faut donc mettre l'accent sur la prévention, affirme Berivan Vialle, l'une des marionnettistes. "Le consentement, il faut qu'il soit abordé dès le plus jeune âge, estime-t-elle, et on le voit très bien avec les réactions des enfants. L'histoire qu'ils et elles retiennent le mieux, ce n'est pas parler de sexualité mais de consentement. Même dans l'interaction entre enfants, il y a des limites à connaître, c'est très important."

"On peut avoir des résistances des familles"

Aujourd'hui, chaque élève est censé recevoir trois séances d'éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle chaque année de sa scolarité, mais dans les faits, c'est très peu appliqué (environ 15% seulement des jeunes). L'objectif avec la publication de ces programmes est qu'elles soient plus souvent réalisées.

Une bonne chose aussi vis-à-vis des parents, assure l'enseignante Christelle Cheminade. "Au niveau de la maternelle, quand on parle d'éducation à la sexualité, on peut se demander : 'Comment vont-ils faire ? Qu'est-ce qui va être abordé ?', et puis cela peut faire peur aux parents. On peut avoir des résistances des familles. À partir du moment où on essaie de bien préciser ce sur quoi on peut travailler, c'est plus clair. Il peut y avoir des mauvaises interprétations. Le programme appuie la démarche de l'enseignant."

"Votre enfant est à l'école, donc cela fait partie des choses qu'il doit apprendre, cela fait partie du programme. Ce n'est pas négociable."

Christelle Cheminade, enseignante

à franceinfo

Ces programmes ont d'ailleurs fait l'objet d'une intense campagne d'opposition de la part d'associations de parents d'élèves proches de l'extrême droite.

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