Reportage
Première Slow Fashion Week de Marseille : à partir de tissus recyclés des maisons de luxe, des créateurs défendent une mode plus responsable

Du 7 au 14 juin, la première Slow Fashion Week réunit créateurs, artisans et passionnés de mode durable à Marseille. Un événement engagé qui mêle défilés, ateliers et conférences.

Article rédigé par Clémentine Sabrié
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La créatrice marseillaise Jade Tekhil a réalisé une robe à partir d'une dizaine de shorts de sport. (CLÉMENTINE SABRIÉ / RADIO FRANCE)
La créatrice marseillaise Jade Tekhil a réalisé une robe à partir d'une dizaine de shorts de sport. (CLÉMENTINE SABRIÉ / RADIO FRANCE)

Le tissu glisse sous l'aiguille de la machine à coudre guidé par les doigts de Valentine, sous l'œil expert de Charlotte Labigne, fondatrice de la marque MARJ. "Cette pièce va être l'un des pantalons de la nouvelle collection que je vais présenter le vendredi 13 juin", explique-t-elle. Valentine, qui est en stage chez moi en couture, est en train de le terminer en faisant l'ourlet."

Ce sont les derniers préparatifs avant le début de la première Slow Fashion Week de Marseille qui s'ouvre samedi 7 juin. "Slow" (lent), parce que les dizaines de créateurs qui y participent s'inscrivent dans une démarche de création locale et responsable, avec des tissus recyclés ou produits de manière éthique. Pendant cette semaine, il y aura - comme dans toute Fashion Week - des défilés, mais aussi des ateliers et des conférences pour en savoir plus sur la mode qui n'abîme pas la planète.

"La collection va provenir de surstocks de maisons de luxe"

La créatrice Charlotte Labigne est également coprésidente du collectif BAGA qui organise la Slow Fashion Week. Le pantalon est fait avec un tissu gris composé de petits carreaux fins blancs. "En fait, ça vient d'un grand groupe de maisons de luxe qui s'appellent LVMH, explique la créatrice. Depuis que la loi Agec est passée, qui empêche de détruire les stocks, notamment de tissus, il y a beaucoup de grandes maisons qui jouent le jeu et qui revendent leur surstock de tissus à des créateurs ou créatrices comme nous. Tous les rouleaux tissus proviennent de chez LVMH. Donc toute la collection va provenir de surstocks de maisons de luxe."

Chloé Roques (à gauche), responsable de la communication de BAGA et fondatrice de la boutique vintage Digger Club, et Charlotte Labigne, coprésidente de BAGA et fondatrice de MARJ. (CLÉMENTINE SABRIÉ / RADIO FRANCE)
Chloé Roques (à gauche), responsable de la communication de BAGA et fondatrice de la boutique vintage Digger Club, et Charlotte Labigne, coprésidente de BAGA et fondatrice de MARJ. (CLÉMENTINE SABRIÉ / RADIO FRANCE)

Il y a beaucoup de tissus verts très flashy, en majorité synthétiques, qui bien souvent ne se recyclent pas. "Je préfère utiliser des matières synthétiques disponibles plutôt que d'en créer de neuves qui soient bio, explique Charlotte Labigne. En fait, l'impact le plus faible, c'est d'utiliser l'existant, donc je préfère prolonger la vie de ces tissus synthétiques jusqu'à ce qu'on trouve, peut-être, une solution pour les recycler. Je pense que c'est mieux ça plutôt que ce soit enfoui dans des poubelles".

Cet avis est partagé par Jade Tekhil qui a créé sa marque il y a trois ans, à Marseille. À côté d'elle, sur un portant, des tenues beige kaki, beaucoup de plissés, pour sa collection Corps de mémoire. "Ce sont des fins de stock de maisons de luxe, développe Jade Tekhil. On a, par exemple, cette robe qui a été créée avec des anciens shorts de sport. Je viens plisser pour donner une nouvelle vie à cette matière-là, et créer quelque chose de complètement différent". Sur la robe, il y a  tout un travail de drapé très resserré. "Ça s'appelle des bouillonnés et je réalise cette technique à la main. Donc c'est vraiment des semaines de travail", décrit la créatrice qui a travaillé avec une dizaine de shorts pour obtenir résultat final.

Sur ce haut, Jade Tekhil a décidé d'accrocher des boucles d'oreilles chinées dans des brocantes. (CLÉMENTINE SABRIÉ / RADIO FRANCE)
Sur ce haut, Jade Tekhil a décidé d'accrocher des boucles d'oreilles chinées dans des brocantes. (CLÉMENTINE SABRIÉ / RADIO FRANCE)

Placer Marseille sur la carte de la mode éco-responsable

Après avoir récupéré, chiné, recyclé, les créateurs de la Slow Fashion Week produisent localement pour éviter la pollution du transport de marchandise. "Je fais produire toutes mes pièces, explique Charlotte Labigne, soit dans mon atelier directement à Marseille ou par mon atelier partenaire, qui est un atelier d'insertion, basé aux Arcs, dans le Var, pas très loin."

Alexandre Valverde, lui, fait appel à des couturières marseillaises pour ses maillots de bain. Il lance sa marque PURRR. "Je profite de la Slow Fashion Week pour faire une soirée de lancement avec une première collection assez réduite de maillots de bain, principalement des bikinis, explique-t-il. C'est avec des tissus que j'ai récupérés, dont une partie vient de stock de natation synchronisée ou patinage artistique. Avec cette soirée, on est en partenariat avec une école de pole dance à Marseille. Toutes les danseuses et les danseurs vont performer pendant la soirée avec les maillots de bain parce que ce sont des maillots de bain aussi adaptés pour la danse et la pratique de la pole dance."

Tous les maillots de bain de la marque Purrr d'Alexandre Valverde sont réalisés en tissus de récupération. (CLÉMENTINE SABRIÉ / RADIO FRANCE)
Tous les maillots de bain de la marque Purrr d'Alexandre Valverde sont réalisés en tissus de récupération. (CLÉMENTINE SABRIÉ / RADIO FRANCE)

Comme Alexandre, les créateurs ont fait appel à de nombreux artistes locaux pour leur défilé. Mais il n'y aura pas que ça pendant cette Slow Fashion Week, explique sa responsable de communication Chloé Roques, fondatrice de la boutique vintage Digger Club. "À la fois, on va venir voir des défilés, rencontrer des créateurs lors de pop-up, s'intéresser à des conférences pour comprendre les mécanismes qui font la mode aujourd'hui, et puis également prendre part à la mode soi-même en participant à des ateliers, souvent gratuits, pour apprendre à coudre, à créer des bijoux, à faire de la maroquinerie, etc."

À travers tous ces événements, l'idée c'est bien de placer Marseille sur la carte de la mode éco-responsable. La Slow Fashion Week de Marseille se déroule jusqu'à samedi 14 juin. Elle sera clôturée par une conférence et un défilé des élèves du Studio Lausié, première école de mode éco-responsable en France et basée à Marseille.

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