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Reportage
Ordures ménagères : pourquoi le système de la "redevance incitative" est très loin de faire l'unanimité
Pour inciter les Français à mieux trier leurs déchets, certaines collectivités ont déjà mis en place la redevance incitative : plus on jette d'ordures ménagères, plus on paie. Mais ce système ne convainc pas dans certaines collectivités.
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La guerre des poubelles aura-t-elle lieu, dans de nombreux départements français ? Du Finistère à la Haute-Garonne en passant par l'Essonne, certaines collectivités tentent de mettre en place la redevance incitative pour la collecte des ordures ménagères. Autrement dit, on va mesurer le nombre de poubelles "noires" que vous jetez pour ajuster la taxe des ordures. L'objectif de ce système est d'inciter les Français à mieux trier leurs déchets mais cela provoque des tensions, comme en Dordogne.
Avec ce dispositif, plus vous jetez d'ordures ménagères, plus vous payez. Pour comptabiliser les sacs noirs, les collectivités locales installent des points d'apport volontaire. Florence ne voit donc plus passer les camions poubelles dans sa rue : "J'étais en vrai porte à porte. Les ordures ménagères étaient collectées une fois par semaine et le recyclable une fois tous les 15 jours".
Cette habitante de zone rurale doit désormais prendre sa voiture et faire 1,2 km pour aller jeter ses déchets. "C'est une contrainte. Moi, je peux bouger, j'ai une voiture. Ceux qui n'ont pas de véhicule le font à pied, avec des charrettes. L'autre contrainte, c'est quand il fait chaud. Cinq minutes dans la voiture, les odeurs, c'est infernal. C'est une horreur", décrit-elle.
Des riverains appellent à revenir à l'ancien système de collecte
Sur place, une autre voiture est déjà garée près des bennes. "Je suis venue jeter des plastiques mais là, je ne vais pas pouvoir puisque c'est plein. Je veux bien en mettre un ou deux mais c'est dégueulasse. Avant, je triais mais maintenant, je ne trie plus", explique une riveraine. Les détritus s'envolent et s'éparpillent aux alentours. Pour jeter le sac noir, il faut sortir son badge. "Vous mettez la carte là, il faut appuyer sur la pédale, indique Florence. Le problème, c'est que la pédale est hyper dure. Les personnes âgées ne peuvent pas y arriver. Là, c'est cassé de toute façon, ça a été forcé".
Il est hors de question pour Florence de cautionner ce système. Elle a donc renvoyé son badge. Son sac rempli des couches des personnes âgées dont elle s'occupe, elle le dépose au pied de la benne.
"On nous traite comme des débiles mentaux qui n'ont pas compris que c'était pour le bien de la planète".
Florence, qui habite en Dordogneà franceinfo
"Quand vous voyez ça, est-ce que ça vous incite au tri ? Non, pas du tout", assure-t-elle. Elle a donc lancé une association pour réclamer un retour à la collecte en porte à porte. Cette demande a été rejetée il y a dix jours par le tribunal administratif de Bordeaux mais elle compte bien faire appel.
Les dépôts sauvages d'ordures multipliés par trois
Malgré tout, ce n'est pas partout comme ça. Cela se passe un peu mieux pour d'autres points d'apport volontaire. Certaines communes investissent pour enterrer les bacs et c'est ainsi plus propre et plus facile d'accès. Même si l'ancien système était plus simple reconnaît Marlène à Périgueux : "Franchement, c'était quand même plus pratique. Parce que là, on doit tout le temps se trimballer nos déchets. Après, je comprends le principe mais il faut que cela fonctionne avec tous les citoyens et ce n'est pas le cas".
Avec la redevance incitative, les dépôts sauvages d'ordures sont effectivement multipliés par trois à quatre d'après l'ADEME, l'Agence de la transition écologique. Certains les brûlent même directement dans leur jardin. Pour le SMD3, le syndicat des déchets en Dordogne, l'heure est donc à la répression.
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"Pour les personnes qui déposent des sacs à côté, on a un service de verbalisation qui essaie de retrouver les propriétaires, précise son président Pascal Protano. Ils ouvrent les sacs et ils essaient de trouver des traces, des enveloppes avec des adresses. Et on verbalise systématiquement lorsqu'on trouve un sac au pied d'une borne, à condition que la borne ne soit pas pleine. Mais petit à petit, je sais que ça va rentrer dans l'ordre, ça prendra un petit peu de temps".
En deux ans, 3 900 rapports d'infraction ont ainsi été dressés. Mais pour certains habitants, la redevance incitative signifie payer plus cher pour moins de service public. "Ils ne paient pas plus cher, assure Pascal Protano, parce que souvent, ils comparent la redevance incitative d'aujourd'hui avec la taxe d'enlèvement des ordures ménagères de 2022. Mais si on n'était pas passé à la redevance incitative, il y aurait eu une augmentation de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères en 2023, en 2024 et en 2025 et là, aujourd'hui, ils paieraient beaucoup plus cher".
L'objectif de la loi de transition énergétique n'est pas atteint
Est-ce que cela incite vraiment les Français à mieux trier ? Selon l'ADEME, il y a en moyenne 30% de sacs noirs, d'ordures ménagères résiduelles en moins. Dans la plupart des cas, le système privilégié, contrairement à la Dordogne, ce n'est pas le point d'apport volontaire mais la poubelle à puce distribuée à chaque foyer.
En Bretagne, Christophe Bèle, vice-président de la communauté de communes de Lesneven près de Brest, a fait les comptes : en 10 ans, ils sont passés de 8 000 tonnes d'ordures incinérées à seulement 3 500 tonnes. "On a eu beaucoup de problèmes techniques au départ et on a eu beaucoup de dépôts sauvages autour des points d'apport volontaire ou même dans la campagne. Ça a donc été dur à mettre en place mais depuis 2017, ça fonctionne très bien", souligne-t-il.
La loi de transition énergétique de 2015 avait fixé un objectif. En 2025, 25 millions de Français devaient être concernés par cette redevance incitative pour la collecte des ordures ménagères. Aujourd'hui, nous en sommes à un peu moins de neuf millions.
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