Reportage
"On compte sur vous" : du RN à la gauche en passant par Renaissance, les partis comptent leurs forces avant un dimanche très politique

Près d'une semaine après la condamnation de Marine Le Pen menaçant sa candidature pour l'élection présidentielle de 2027, le RN appelle les militants à manifester dimanche à Paris. La gauche a organisé son propre rassemblement pour marquer la confrontation, et les macronistes relancent la mobilisation autour de leur meeting prévu de longue date.

Article rédigé par Sonia Ghobri, Audrey Tison
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Marine Le Pen et Jordan Bardella lors d'un meeting du Rassemblement national, à Nice en octobre 2024. (SEBASTIEN NOGIER / MAXPPP)
Marine Le Pen et Jordan Bardella lors d'un meeting du Rassemblement national, à Nice en octobre 2024. (SEBASTIEN NOGIER / MAXPPP)

Meetings contre meetings. La France insoumise et les Écologistes appellent à leur tour à un rassemblement dimanche 6 avril à Paris : "Ne laissons pas l'extrême droite faire sa loi". Renaissance tiendra aussi son propre meeting "pour défendre la démocratie et la République", alors que le Rassemblement national réunit ses troupes à Paris pour protester contre la condamnation de Marine Le Pen.

Les militants du parti d'extrême droite ont pour objectif une démonstration de force. Toutes les petites mains sont mises à contribution pour recruter des participants, notamment dans l'Yonne, où le RN a fait carton plein aux dernières législatives. À Auxerre, ils sont 10 militants à se lancer dans le centre-ville, derrière leur députée Sophie-Laurence Roy. "On va aller se promener et puis on va essayer de parler aux gens et de les convaincre de venir avec nous à Paris", explique l'élue.

Dimanche, le Rassemblement national veut prouver que le peuple est derrière Marine Le Pen. Une opération tractage est improvisée. "On n'a pas nos tracts, ce n’est pas pareil", dit Colette, militante active du RN depuis 10 ans. Les tracts n'arrivent que plus tard dans la journée, en revanche les arguments, eux, sont rodés : "Empêcher Marine Le Pen de se présenter, c'est un candidat qui disparaît pour tout l'électorat. C'est une honte !"

Pour le RN, convaincre les convaincus

Reste à convaincre. "Je viens vous voir pour vous demander ce que vous pensez du jugement correctionnel contre Marine Le Pen", expose Sophie-Laurence Roy. "Je trouve que les juges ont joué effectivement très bien leur rôle", rétorque le passant accosté, et ne demandez pas à ce quinquagénaire s'il compte aller à Paris dimanche. "Vous plaisantez ?", balaye-t-il.

Les militants n'ont quand même pas fait chou blanc, mais ils n'ont réussi à convaincre que les convaincus, comme Éric. Il ne s'est toujours pas remis du jugement de lundi. "J'en ai pleuré, oui, ça m'a fait mal au cœur parce que c'est une femme sincère. Puis c'est comme si c'était ma deuxième famille", explique-t-il. Alors dimanche, il sera à Paris et a prévu de prendre le train.

"C'est pour Marine que je le fais."

Eric, militant du Rassemblement national

franceinfo

Il n'y aura pas de convoi en bus, même si la députée RN Sophie Laurence Roy a essayé de l'organiser. "Les sociétés de cars que mon collaborateur a contactées depuis mercredi, jour où le meeting a été définitivement décidé, n'ont pas réussi à trouver de chauffeurs qui acceptent de sacrifier leur dimanche pour conduire des militants", précise-t-elle.

Ceux qui ne pourront pas y aller parce qu'ils n'ont pas le temps de s'organiser ou pas les moyens se disent frustrés : "Je pense qu'il y aura beaucoup de monde. La France sera bleue, blanc, rouge, les gens sont là pour soutenir Marine."

Les insoumis et les Verts ont annoncé jeudi une contre-manifestation, qui se tiendra loin, presque de l'autre côté de la capitale. Ces militants avouent être tout de même un peu inquiets : "Il ne faut pas trop y penser, mais je pense qu'ils vont être là pas pour nous agresser, mais pour nous provoquer", disent les unes. "Ce sont les autres qui viendraient nous heurter, qui viendraient sur nous", abonde un autre. "C'est ça qui me fait peur." Eux promettent en tout cas de ne se livrer à aucune provocation. Ils considèrent que "le Rassemblement national est un parti d'ordre et de sécurité".

Un meeting pour "les libertés et les démocraties" chez Renaissance

Cette mobilisation du RN galvanise un autre camp : celui de Gabriel Attal. Renaissance organise un meeting le même jour. Le parti macroniste va devoir tenir la comparaison avec le Rassemblement national et s'est lancé le défi de remplir l'immense salle de la Cité du Cinéma à Saint-Denis.

Ils sont 8 000 à s'être inscrits pour l'évènement, initié il y a deux mois. Mais pour être certains que les sympathisants seront bien au rendez-vous, des dizaines de militants et d'élus multiplient les coups de fil, depuis le siège du parti. "C'était pour savoir si vous aviez bien noté la date de dimanche pour le grand meeting", questionne Prisca Thevenot au téléphone.

Ces derniers jours, ils utilisent de nouveaux arguments : "On compte sur vous dans les temps qui courent, avec ce qui s'est passé avec Marine Le Pen, leur rassemblement dimanche prochain. Donc, on compte sur vous." Utiliser la condamnation de Marine le Pen et les propos du RN pour remobiliser la base militante, c'est une stratégie assumée par la députée Prisca Thevenot. "J'ai envie de vous dire que ce meeting tombe à pic parce que nous avons effectivement Jordan Bardella qui appelle les sympathisants, les militants du Rassemblement national à aller se mobiliser dans la rue contre la justice et donc contre notre État de droit. Quand nous, en parallèle, nous nous mobilisons pour les libertés et les démocraties", souligne l'élue.

"Duel à distance"

Les cadres de Renaissance refusent pour autant de parler de match entre Gabriel Attal et Marine Le Pen, même si ces personnalités, toutes deux présidentiables, vont prendre la parole en même temps ce dimanche. Ce n'est pas un "duel à distance", d'après Aurore Bergé, ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes. "Ce n'est pas un duel, ce n’est pas une confrontation", assure-t-elle tout en sachant bien que les médias vont "faire la comparaison sur les discours, sur la mobilisation, sur plein de choses".

Mais ce match, les jeunes militants ont bien l'intention de le jouer, Ambroise Mejean et les Jeunes avec Macron s'apprêtent à coller 25 000 affiches de Marine Le Pen sortant du tribunal : "Sur son dos, on a écrit sa déclaration d'avril 2013 : 'Ce qu'il faudrait, c'est rendre inéligibles à vie ceux qui ont été condamnés.' Notre objectif, c'est de lui coller sur le dos ce qu'elle a dit, de rappeler que Marine Le Pen a un discours qui est double, qui est hypocrite."

Sur les affiches du RN portant le slogan "Sauvons la démocratie", les militants Renaissance comptent coller des bandeaux "Pour vraiment soutenir la démocratie, rendez-vous à la Cité du Cinéma", c'est-à-dire le lieu du meeting de Renaissance. Comme un air de campagne électorale avant l'heure.

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