Reportage
"La bataille ne sera pas forcément gagnée, mais on ralentit le phénomène" : les habitants des zones côtières confrontés à l'"inévitable" montée des eaux

La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, présente lundi la feuille de route de la France pour s’adapter au changement climatique. Parmi les défis à relever : l'érosion côtière, qui s'accélère à cause de la montée des eaux et des tempêtes plus violentes, comme ici, à la dune du Pilat, en Gironde.

Article rédigé par Guillaume Farriol
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
L'extrémité nord de la dune du Pilat grignotée par l'érosion. (GUILLAUME FARRIOL / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
L'extrémité nord de la dune du Pilat grignotée par l'érosion. (GUILLAUME FARRIOL / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

La menace touche 20% du littoral français, grignoté par les vagues. Un exemple emblématique de l’érosion côtière est la dune du Pilat, en Gironde. Depuis son sommet, les vagues semblent bien inoffensives et pourtant, les habitués ne s’y trompent pas : l’eau, en quelques décennies, a gagné beaucoup de terrain.

"Plus de 100 mètres", d'après Gilles qui observe, inquiet, l’océan progresser. "Ça change trop vite. Quand mes gamins avaient 10-12 ans, (ils en ont quarante maintenant), on venait en vacances ici. Les blockhaus que vous avez en bas, étaient tout en haut de la dune. Au fur et à mesure de l’érosion, ils ont glissé et maintenant, ils sont dans l’eau, raconte-t-il. Ça fait mal mais on n’y peut rien". L’extrémité nord de la dune est particulièrement touchée, ce qui menace la forêt de pin à son sommet, et derrière elle, des maisons et un hôtel de luxe.

"Tant qu’on n’aura pas tout essayer, on ne pourra pas dire qu’on a perdu la bataille"

"On a mis des gros blocs, c’est le socle de notre ouvrage", nous explique Julie Cazemajou, croisée en contrebas, près d’une nouvelle digue de pierres, tout juste terminée. Elle travaille pour le syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon chargé des travaux pour freiner l’érosion.

"Après, on a recouvert de plus petits cailloux et enfin des gros blocs qui eux, vont permettre de faire un rempart contre la houle, poursuit-elle. La deuxième étape, c’est qu’on va venir réensabler pour maintenir cette pente de dune comme elle est aujourd’hui. La bataille ne sera pas forcément gagnée mais on ralentit le phénomène. Tant qu’on n’aura pas tout essayer, on ne pourra pas dire qu’on a l'a perdue". La dune du Pilat, à ce niveau, recule de quatre mètres par an en moyenne.

La Maison de la Glisse, appelée aussi Lacanau Surf Club, située en surplomb de la plage centrale, va être déplacée en raison de l'érosion côtière. (GUILLAUME FARRIOL / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
La Maison de la Glisse, appelée aussi Lacanau Surf Club, située en surplomb de la plage centrale, va être déplacée en raison de l'érosion côtière. (GUILLAUME FARRIOL / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Et la lutte pour freiner l’océan se mène tout le long du littoral girondin. En prenant la route vers le Nord, on aperçoit partout des digues, des rochers pour arrêter l’eau ou des opérations pour réensabler les plages. À Lacanau, à marée haute, les vagues se fracassent sur les hauts empilements de roches sur le front de mer. Là aussi le paysage est métamorphosé, raconte Guillaume, un surfeur. "Il y a 30 ans, on avait une bande sable qui permettait aux vacanciers de s’installer, de mettre un parasol, voire d’être obligé de marcher pour aller dans l’eau. Ce n’est plus le cas. À marée haute, les gens se réfugient maintenant sur la terrasse".

La ville commence même à reculer. Des parkings, les postes de secours et l’emblématique école de surf seront déplacés dans les prochaines années, un moindre mal, explique le maire de Lacanau, Laurent Peyrondet : "C’était inévitable", affirme-t-il, en donnant un "exemple tout bête".

"Si on n’avait pas protégé le front de mer urbain avec tous les bâtiments, les commerces, les appartements,  l’eau serait au pied des immeubles aujourd’hui."

Laurent Peyrondet, maire de Lacanau

à franceinfo

Mais selon les études, 1 400 appartements et 100 commerces restent menacés. Il va donc falloir rehausser encore les barrières rocheuses le long de l’océan. "On ne sait pas ce que nous réserve le dérèglement climatique, poursuit Laurent Peyrondet. Ça peut s’accélérer, on peut avoir des phénomènes tempétueux encore plus importants que par le passé qui vont nous amener à construire une protection beaucoup plus importante à la fin de cette décennie parce qu’on sait que, d’après les calculs des Bureaux d’études, la protection que nous avons aujourd’hui sera obsolète d’ici 10 ans”. Un chantier colossal et très coûteux et l’un des enjeux du plan national d'adaptation et de la future stratégie de gestion du trait de côte.

Une facture astronomique ?

Les élus des littoraux attendent de l'aide, et un cap de l'État. Parmi les pistes à l’étude : une taxation des plateformes de location touristique. Car le défi est immense à relever. Selon le Centre d’étude et d’expertise sur les risques (Cerema) d’ici 2050, plus de 5 000 logements en France risquent d’être rattrapés par les eaux. Et tous ne pourront pas être protégés, la facture serait astronomique. Il faudra donc exproprier et déplacer des habitants du littoral, explique Alain Hénaff, maître de conférence à l'université de Brest et spécialiste de l'érosion côtière.

"On se retrouvera dans les décennies qui viennent avec un niveau de la mer qui sera plus haut que ce que l’on connaît actuellement. Ce sont des ordres de grandeur de 3 à 4 mm d’élévation annuelle de ce niveau marin. Et c’est inévitable, assène-t-il à son tour. Là, on a déjà des maisons qui sont impactées par l’érosion. Nécessairement, ça va se poursuivre. L’idée de déplacer les gens plus en arrière des traits de côtes est évidemment une solution". Une menace déjà bien réelle. Le célèbre Signal, immeuble de Soulac-sur-mer en Gironde, a été détruit en 2023. Et dans quelques semaines, ce sera au tour d'une poignée de maisons menacées de submersion dans une petite commune du Finistère.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.