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Reportage
"Je ne sais pas si un bébé va arriver aujourd’hui, ce soir ou demain" : les bébés placés, symboles d’un système à bout de souffle
De plus en plus de bébés sont retirés à leurs familles par la justice pour être mis à l'abri dans des pouponnières de l’Aide sociale à l’enfance. Mais faute de familles d’accueil, certains nourrissons restent de longs mois dans ces structures souvent surchargées.
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L'Aide sociale à l'enfance va mal, il faut la refonder. Voilà ce que dit un rapport parlementaire, qui pointe les dysfonctionnements de l'ASE, que l'on appelait "assistance publique" jusque dans les années 1950. Des dysfonctionnements majeurs, et souvent, une saturation des lieux d'accueil : les foyers débordent, jusqu'aux pouponnières, où vivent jour et nuit des enfants de 0 à 3 ans, des bébés confiés à l'aide sociale, et qui sont de plus en plus nombreux à devoir être pris en charge.
A Strasbourg, sur un site de quatre hectares, c'est l'heure du repas dans le bâtiment consacré aux tout-petits : "C'est leur maison ! C'est chez eux", lance Maryse, l'une des auxiliaires de puériculture. "Ce sont des enfants qui vivent là en permanence, on s'en occupe toute la journée", ajoute Clément Metz, le directeur du foyer. Ils sont en ce moment 41 enfants de moins de 3 ans accueillis dans la pouponnière pour 35 places seulement. "Moi je ne sais pas si un bébé va arriver aujourd'hui, ce soir ou demain. Et le 42e, je vais avoir beaucoup de mal à pouvoir l'accueillir, déplore Clément. Donc si on est sollicité, je vais devoir dire non car il faudrait que je puisse l'accueillir dans des conditions décentes."
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Malgré ce sureffectif, Maryse prend le temps de donner individuellement le déjeuner à chacun des petits qu'elle gère aujourd'hui à trois. "On est censés avoir sept enfants et on en a plutôt huit, donc c'est certes qu'un enfant en plus, mais ça change toute l'organisation parce que c'est un enfant qui a besoin de temps, d'individualité, explique-t-elle. Quand on fait un bain, on prend du temps pour les entendre jouer dans le bain. C'est vraiment un temps qui n'est qu'à eux."
"Le petit est arrivé quand il n'avait même pas deux mois"
Ces agents de la fonction publique hospitalière se relaient jour et nuit pour veiller sur eux, les stimuler, leur offrir un peu de vie normale. "On a une flexibilité aussi au niveau planning, poursuit l'auxiliaire de puériculture. Toute l'équipe sait que c'est toujours l'enfant qui doit être prioritaire et que si on nous demande de venir plus tôt, c'est qu'il y a un besoin pour un enfant et qu'on va se démener. On peut avoir des tout-petits, qui ont trois jours, et qui ont déjà un gros passé pour leur âge. Le petit qu'on a ici est arrivé quand il n'avait même pas deux mois."
"Ce n'est pas un travail facile, on a les histoires des enfants dans nos têtes."
Maryse, auxiliaire de puériculture à la pouponnière du foyer de Strasbourgà franceinfo
Et ils sont de plus en plus nombreux dans ce cas. La veille, raconte le directeur adjoint Benoît Ambiehl, le foyer a été contacté six fois pour prendre en charge des enfants (de 6 mois à 7 ans) : "Ça m'arrive souvent d'avoir un appel de l'Aide sociale à l'enfance, de la cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip), qui a un signalement d'un enfant qui est par exemple secoué, qui attend à l'hôpital, avec lequel on va négocier pour qu'il puisse le garder le temps qu'on puisse avoir une place vacante pour l'accueillir. On temporise entre deux et cinq jours."
Des parents "dépassés, épuisés"
La pouponnière est donc saturée et les demandes de placement augmentent. Pour le directeur, Clément Metz, c'est le symptôme d'une société qui va sans doute de plus en plus mal. "Il arrive très régulièrement que des parents soient dépassés, fatigués, épuisés par des prises en charge de bébés à situation complexe : double vulnérabilité, trouble du comportement massif, trouble du spectre autistique. Les parents n'en peuvent plus et demandent de l'aide. On a de plus en plus des profils très variés, plus seulement des enfants type Ddass, avec des difficultés sociales ou économiques des familles, mais on est sur un panel très large, avec une forte poussée des enfants qui rencontrent des difficultés neuronales ou de développement."
Ici, les petits restent en moyenne sept mois et demi, parfois beaucoup plus. Dans l'une des chambres partagées, trois petits lits, des doudous, quelques peluches. Et sur le mur, juste au-dessus du lit, des photos de famille, pour chacun d'entre eux. Adam vit ici depuis un an, la moitié de sa vie. "Il vient d'avoir deux ans, raconte Sabine Deblay, cheffe de service à la pouponnière. Donc on a fait une photo avec ses grands-parents, une autre avec sa référente au moment d'une fête de carnaval, une avec son frère, puisqu'il y a des rencontres fratrie qui sont mises en place. Même si le grand frère n'est pas dans l'établissement, on se donne les moyens que les fratries se rencontrent régulièrement. En revanche, pour cet enfant en particulier, il n'y a pas de photo des parents, parce que ces derniers ne sont plus présents dans sa vie aujourd'hui, ça peut arriver aussi." Ce petit garçon-là attend toujours une place, dans une famille d'accueil.
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La pénurie de familles d'accueil, c'est l'autre raison de l'embouteillage, d'autant que ce sont les seules à avoir l'agrément pour accueillir les 0-3 ans, ces familles d'accueil qu'on appelle aussi "assistants familiaux". L'Alsace, par exemple, en a perdu 90 en quatre ans, qui ont pris leur retraite.
D'où l'appel lancé par le président de la Collectivité européenne d'Alsace, Frédéric Bierry, en novembre dernier, pour tenter de désengorger l'ensemble du secteur. "On a besoin de toute la société. C'est pour cette raison qu'on a lancé un appel à des gens qui sont prêts à parrainer et à accompagner des jeunes. Je sais qu'il y a des gens qui ont beaucoup d'amour à donner à ces jeunes pour éviter le placement institutionnel." Des "tiers bénévoles administratifs", une démarche citoyenne où des non-professionnels accueillent des enfants à domicile. En quatre mois, déjà 20 personnes se sont portées candidates.
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