Reportage
"Dès qu'il y a du mistral, on devient parano" : à Martigues, habitants et élus s'adaptent au risque d'incendies de plus en plus fréquents

Les Bouches-du-Rhône sont confrontées à un "risque très élevé" de feux de forêt depuis dimanche, et 16 des 25 massifs forestiers du département sont fermés par mesure de précaution. En juillet, 750 hectares ont brûlé aux portes de Marseille, et 250 hectares à Martigues.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Dans le quartier de Saint-Julien les Martigues, août 2025 (MATHILDE VINCENEUX / RADIO FRANCE)
Dans le quartier de Saint-Julien les Martigues, août 2025 (MATHILDE VINCENEUX / RADIO FRANCE)

Dans le quartier de Saint-Julien les Martigues, le dernier feu a laissé d'immenses taches noires dans les collines. Depuis son jardin, Philippe Haffner profite encore d'une vue sur les pins parasols, mais ce paysage de carte postale devient menaçant à chaque rafale de vent… "Dès qu'il y a un brin de mistral, on devient parano, reconnaît-il. On n'est pas habitués à avoir des feux aussi tôt dans l'année, aussi fréquents. En 15 jours, on a eu deux fois le feu à Saint-Julien, ce n'était jamais arrivé."
 
À chaque fois, le couple a dû faire des bagages en vitesse, pour être prêts à évacuer : "Cela fait déjà deux fois qu'on charge la voiture avec le chien, les ordinateurs, la cage du chat..., raconte Laurence. Ça met un gros stress. On ne part plus en congés l'été." 

"Laisser la maison toute seule alors qu'il y a du vent et que c'est tout sec autour, ce n'est pas possible. Donc on reste ici et on veille."

Laurence, habitante de Saint-Julien les Martigues

à franceinfo

Surveiller les départs de feu et faire des travaux pour se protéger : voilà le programme des vacances. Le couple vient de faire installer un système pour arroser la maison : "Il y a sept perches autour de la maison, pour l'asperger avec l'eau de la piscine grâce à une pompe dès que le feu arrive, décrit Philippe. J'ai aussi démonté toutes mes terrasses en bois, autour de la maison."

Philippe Haffner a fait installer un système d'arrosage anti-incendie autour de sa maison de Saint-Julien les Martigues (MATHILDE VINCENEUX / RADIO FRANCE)
Philippe Haffner a fait installer un système d'arrosage anti-incendie autour de sa maison de Saint-Julien les Martigues (MATHILDE VINCENEUX / RADIO FRANCE)

Il faudra aussi remplacer certaines fenêtres, liste-t-il, et continuer le débroussaillage. Au fil des années, il a déjà coupé les haies, les cyprès… Il reste de grands pins parasols, à l’abandon sur le terrain voisin. "Ce sont des pins qui ont poussé sauvagement. Il faut peut-être les élaguer, mais ce n'est pas mon terrain et cela coûte une fortune. Si le feu prend là-dedans, ce sont des bombes : la maison fond !"

Si un jour la maison brûle, il n'est pas sûr qu'elle puisse être reconstruite : elle vient de passer en zone rouge dans le plan de prévention des risques d'incendie de forêt de la préfecture (PPRIF), comme des centaines d'habitations à Martigues. 

"Il y a 900 maisons en rouge sur Martigues. Il y a toute une liste de prescriptions, avec des dizaines de milliers d'euros de travaux pour se mettre aux normes pour les assurances."

Philippe, habitant de Saint-Julien les Martigues

à franceinfo

"On a l'impression que tout repose sur nous, on ne se sent pas protégés", souffle Laurence. Avec d'autres riverains, Philippe Haffner a monté une association, "essentiellement pour obliger les collectivités locales, la mairie, la métropole, la préfecture, à rendre défendables ces maisons. Il faut mettre aux normes le réseau incendie et les chemins d'accès pour les pompiers". "Il ne faut pas condamner ces maisons à disparaître, disent ces habitants.

La mairie assure avoir déjà prévu de rajouter des bornes à incendie dans ce quartier. Et a pris l'habitude d'ouvrir des gymnases pour accueillir les évacués.

Les collines autour de Martigues (Bouches-du-Rhône), août 2025 (MATHILDE VINCENEUX / RADIO FRANCE)
Les collines autour de Martigues (Bouches-du-Rhône), août 2025 (MATHILDE VINCENEUX / RADIO FRANCE)

Le budget de la commune pour restaurer les terrains brûlés a augmenté, et les méthodes ont changé : "Il fut un temps où, après les incendies, on décidait de replanter des pins, parce que le pin d'Alep est très adapté à la région, il pousse vite... Sauf que planter du pin d'Alep en pleine colline dans des endroits arides, ce n'est plus forcément la meilleure idée du monde", explique Henri Cambessedès, premier adjoint du maire de Martigues. 

"Le pin d'Alep est un combustible qui ne demande qu'à s'enflammer dans les périodes de grosse chaleur avec des vents violents. On s'est dit qu'il fallait revoir notre copie."

Henri Cambassedès, premier adjoint au maire de Martigues

à franceinfo

Si le bois brûlé est retiré, on laisse désormais la nature faire le reste. En 2020, un feu a dévoré un millier d'hectares à Martigues. Cinq ans après, les pins n'ont pas repoussé, seulement l'herbe.. En bord de mer dans cette calanque, les campings détruits ont rouvert, mais il a fallu tout repenser. "On a supprimé une quarantaine d'emplacements pour 'dé-densifier' le camping, on a ajouté des lances à incendie et des extincteurs partout, indique Anthony Gadaix, codirecteur du camping Les Tamaris. Et on a des essences d'arbres non résineuses : pas de pins, pas de lauriers..." Dans les allées du camping ressuscité, il y a maintenant des chênes et des palmiers.

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