Entre recyclage et business, comment lutter contre la pollution liée aux mégots de cigarettes

Chaque année, entre 20 000 et 25 000 tonnes de mégots de cigarettes sont jetées en France et se retrouvent dans la nature. Pour lutter contre ce phénomène, les volontaires du "Mégothon" appellent les Français à nettoyer les rues et plages.

Article rédigé par Boris Hallier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Sur les côtes méditerranéennes, le mégot de cigarette représente 65% des déchets ramassés : c’est le pourcentage le plus élevé de déchets sur les façades maritimes (illustration). (AURÉLIE LAGAIN / RADIO FRANCE)
Sur les côtes méditerranéennes, le mégot de cigarette représente 65% des déchets ramassés : c’est le pourcentage le plus élevé de déchets sur les façades maritimes (illustration). (AURÉLIE LAGAIN / RADIO FRANCE)

Plusieurs événements de sensibilisation sont organisés, samedi 24 mai, pour ramasser un maximum de mégots et ainsi battre le record du "Mégothon" de 2024, avec plus de 900 000 mégots collectés. Le message est clair : jetez vos mégots dans un cendrier plutôt que dans la rue. D'autant plus que certaines entreprises se lancent dans le recyclage de mégots.

Des mégots pour isoler les maisons

Des mégots transformés en plaques d'isolant pour le bâtiment, ou en doudounes pour affronter l'hiver : c'est le concept de TchaoMégot, une jeune entreprise installée depuis trois ans dans l'Oise, près de Beauvais. Lorsqu'on pénètre à l'intérieur de cette usine de recyclage, ce qui marque, c'est d'abord l'odeur de tabac froid. "L'odeur vient des substances toxiques contenues à l'intérieur du filtre, explique Amélie Velter, ingénieure en recherche et développement chez TchaoMégot. Un mégot, c'est composé d'un filtre, qui est composé d'acétate de cellulose, et cette matière, dans la partie filtre, est isolante."

Ces mégots ont été récoltés grâce à des cendriers installés dans des entreprises, des collectivités, des communes, et même à l'Élysée. Il faut maintenant les trier, à travers un tamis. "Il faut d'abord enlever la cendre et le tabac, enlever aussi les déchets, les touillettes, les paquets de cigarettes et les papiers". Ils sont maintenant prêts à être dépollués, et c'est là que réside l'innovation de TchaoMégot : une machine pour les purifier, sans eau ni solvant toxique, mais avec du dioxyde de carbone, du CO2, qui est utilisé pour les nettoyer. "On le reçoit sous forme liquide, mais cette machine va modifier son état pour capturer les substances toxiques qui vont se condenser et retomber dans les béchers. Ça ressemble à un goudron, qui forme un liquide ignoble, un concentré de ressources polluantes, très solubles aussi", détaille l'ingénieure Amélie Velter. À la sortie de cette machine, un bloc de mégots débarrassé de leurs substances. "Là on a 150 000 mégots qui se tiennent en bloc, compactés en cylindres, ils sont propres et prêts pour intégrer de nouvelles filières de recyclages". Cette année, l'entreprise est en mesure de traiter 300 tonnes de mégots au total.

23 milliards de mégots jetés chaque année

TchaoMégot  envoie les mégots en bloc à des sous-traitants, pour fabriquer des panneaux isolants ou pour de l'isolation thermique ou phonique. Ces mégots peuvent également servir de rembourrage pour des doudounes ou des pochettes d'ordinateurs. Ces produits sont ensuite redistribués aux quelque 3 000 entreprises partenaires de TchaoMégot. Son fondateur, Julien Paque, déplore en revanche un manque de sensibilisation autour de cette nouvelle filière de recyclage : "Aujourd’hui il y a une vraie problématique, il y a beaucoup de communication sur le recyclage du déchet, mais qui mélange des problèmes entre valorisation énergétique et valorisation de la matière. Ce ne sont pas du tout les mêmes modes de traitement."

"Notre but, c'est d'expliquer la différence des modes de traitement entre l'incinération et le recyclage, pour être sûr que les gens envoient bien leurs mégots dans des filières de recyclage pour donner une seconde vie à la matière et pas l'incinérer en créant du CO2 de l'autre côté."

Julien Paque, fondateur de TchaoMégot

à franceinfo

Le fondateur de TchaoMégot appelle également à ce que cette nouvelle filière de dépollution de mégots soit soutenue par l'Alcome, l'éco-organisme qui agit pour la réduction des mégots dans l'espace public, mais qui ne finance pas ces activités de recyclage.

Certaines associations demandent l'interdiction des filtres à cigarettes, comme l'ONG de défense des océans, Surfrider. Selon elle, les filtres n'ont aucun bénéfice pour la santé des fumeurs et surtout polluent en masse. D'après le ministère de la Transition écologique, plus de 23 milliards de mégots recouvrent chaque année l'espace public français. Ces déchets classés dangereux se retrouvent sur les plages, dans les rivières, ou les fonds marins. Or, ils contiennent plusieurs milliers de substances chimiques, comme du naphtalène, de l'ammoniac, de l'arsenic, du mercure et il leur faut plusieurs années, voire plusieurs décennies, pour se dégrader. L'impact écologique est donc indéniable, d'où ces les opérations de sensibilisation comme le Mégothon. Mais pour se passer des mégots, la meilleure des solution est encore d'arrêter de fumer. 

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