"Où sont les gens comme De Gaulle, Clemenceau, qui croyaient en la République ?" : à Melun, des habitants critiquent la crise politique actuelle

À l’approche du vote de confiance voulu par le Premier ministre François Bayrou, lundi 8 septembre, à l’Assemblée nationale, la défiance des citoyens envers le monde politique semble s'accentuer.

Article rédigé par Agathe Mahuet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
François Bayrou à l'hôtel de Matignon, à Paris, le 2 septembre 2025, à l'occasion des consultations avec les dirigeants des partis politiques une semaine avant le vote de confiance de l'Assemblée nationale. (THOMAS SAMSON / AFP)
François Bayrou à l'hôtel de Matignon, à Paris, le 2 septembre 2025, à l'occasion des consultations avec les dirigeants des partis politiques une semaine avant le vote de confiance de l'Assemblée nationale. (THOMAS SAMSON / AFP)

Lundi 8 septembre 2025, le Premier ministre François Bayrou sollicitera le vote de confiance des députés à l'Assemblée nationale autour de la question budgétaire. En attendant, ce dernier a entamé une série de consultations des partis politiques. Mais comment les Français vivent-ils cette nouvelle période d’instabilité politique ?

À Melun, dans la banlieue de Paris, en Seine-et-Marne, la conjoncture politique mouvante semble renforcer la défiance envers le paysage politique. C'est même une forme de dégoût, pour certains, comme Gilles, qui travaille avec des personnes en situation de handicap : "Ce que je vois, c'est la montée de l'extrême droite au pouvoir dans ce pays, mais qui devient de plus en plus virulente. On est en train de lui baliser le terrain depuis 25 ans, et personne ne fait rien".

“Aujourd'hui, le comportement de la France insoumise et de l'extrême droite me fait gerber. Je déteste ce gouvernement macroniste.”

Gilles, habitant de Melun

à franceinfo

L’éducateur spécialisé se considère comme un enfant de la gauche, mais se dit aussi de plus en plus écœuré par ce qu’il voit, même les socialistes refusent aujourd'hui de voter la confiance la semaine prochaine. "Il n’y en a pas un pour représenter le pays, estime-t-il. Ils sont où les gens comme De Gaulle, Clemenceau qui croyaient en la République ?" Si certains citoyens sont informés et politisés, d'autres répondent que la situation politique les dépasse totalement, voire qu’ils ne sentent pas concernés, comme cette dame, qui descend du train de banlieue avec son garçon : "Ça me gonfle. J’ai complètement arrêté les informations. Je ne sais rien, même pas la guerre en Ukraine. Je sais juste que mon fils va bien, et c’est l’essentiel."

De la colère pour certains, du fatalisme pour d'autres

Une forme de repli accompagne également la colère de certains. À la terrasse d’un café du centre de Melun, Benoît, professeur d’arts plastiques à la retraite et électeur de François Asselineau, estime que la clé du déficit se trouve chez les ultrariches. "En France, nous avons un système oligarchique. Des gens ont vu leur fortune flamber depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir. C'est là que se trouve l'argent. Ces gens paient très peu d'impôts. L'évasion fiscale en France représente plus de 100 milliards d'euros. C'est dans les poches des gueux qu'on va chercher l’argent", s’indigne le professeur.

À Melun, il y a 7 ans, le mouvement des "gilets jaunes" avait trouvé un large écho. Si Benoît les avait soutenus, Pascale, elle, en a même fait partie : "On s'est gelé les fesses pendant un hiver, et qu'est-ce que ça a donné ? On s'est vendu du rêve." Résultat, l’appel à tout bloquer le 10 septembre ne la convainc pas réellement : "Ils sont tellement haut perchés que ça ne les dérange pas. On va surtout s'embêter les uns les autres. De toute façon, ils vont encore envoyer la police." Selon Pascale, les citoyens français manquent de solidarité entre eux, une réalité que la classe politique exploite pour mieux les diviser.

Des arguments convaincants

Malgré le désarroi de nombreux Français, certains sont tout de même sensibles aux arguments de François Bayrou ou du moins le comprennent en partie. C’est le cas d'Andromaque, une femme de 44 ans qui voit d’un mauvais œil la chute annoncée du gouvernement : "On ne peut pas passer son temps à changer de Premier ministre. Quand je vois Bayrou à la télévision, je me dis que je n'aimerais pas être à sa place, car je trouve cela difficile. Concernant les deux jours  fériés, je suis d'accord. Il faut faire un effort."

“C'est comme pour une mère de famille : quand on a des problèmes financiers chez soi, il faut trouver des solutions et réduire certaines dépenses pour y arriver.”

Andromaque, habitante de Melun

à franceinfo

De son côté, Ali estime que certaines mesures ont du bon, comme lorsque le Premier ministre cible les "boomers" : "D'une certaine manière, il a raison. Cette partie de la population a récolté les fruits des Trente Glorieuses. Ils ont acheté des biens immobiliers à des prix intéressants, ont bénéficié de retraites et de salaires plutôt confortables, tandis que les enfants, les jeunes enfants, avec une catégorie socioprofessionnelle équivalente, touchent moins. Un économiste expliquait que pour des jeunes surdiplômés, il fallait 10 ou 15 ans de plus pour acquérir un bien équivalent."

Ali travaille au tribunal de Melun. Il ne digère pas la dissolution de l'Assemblée nationale en 2024 et la composition du gouvernement qui a suivi les élections : "Ce qui a rendu le climat à la fois délétère et insécurisant, c'est que le locataire de l'Élysée n'a pas respecté les résultats des dernières législatives."

Ce sentiment de gâchis démocratique est partagé par de nombreux citoyens français et se mêle à une inquiétude pour l’avenir, dans cette séquence d’instabilité politique.

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