: Reportage

McDonald's se lance à l'assaut des campagnes

La France est le 2e marché mondial de McDonald's après les États-Unis. L'enseigne, qui possède déjà 1 560 restaurants en France, en a ouvert 30 cette année et compte en inaugurer 20 avant fin 2025. Et pour échapper à la concurrence de Burger King et autre KFC, l'entreprise s'installe dans des zones rurales qui l'accueillent à bras ouverts. Comme à Saint-Geniès-de-Malgoirès, dans le Gard, par exemple : 3 000 habitants entre Alès et Nîmes, une église, une mairie, et depuis quelques mois... un McDo.

Le fast-food flambant neuf est la première chose qu'on aperçoit entre les vignes et la nationale, à l'entrée du village. Marjorie sort de sa voiture avec ses deux filles. Elle se sent presque flattée d'avoir un McDo chez elle. "On est pour, désolée pour les personnes qui sont contre, commente-t-elle. Les enfants adorent Mc Do". "Je trouve ça délicieux", confirme l'une de ses filles.

"Bien sûr que c'est de la malbouffe. Mais c'est rapide, il n'y a pas de vaisselle, il n'y a rien à faire."

Marjorie, une mère de famille de Saint-Geniès-de-Malgoirès

à franceinfo

Le collège est à 500 mètres. C'est devenu le nouveau QG d'Alia et de ses copines de la 5e D. "C'est bizarre parce que Saint-Gé, c'est un peu perdu quand même, s'amuse-t-elle. C'est un peu un village paumé, du coup ça fait plaisir. On va sortir entre copines, c'est bien !" Manon, 19 ans se souvient des deux heures de queue le jour de l'ouverture. C'était l'événement. "Chez les jeunes, ça a fait énormément parler. Ça a fait venir les villages d'à côté puisqu'il apparaît sur les maps. Mon copain, qui est de Sommières, vient manger ici. Il y a la phrase qu'on connaît tous : 'Venez comme vous êtes' donc on y va dès qu'on peut, dès qu'on a de l'argent".

Seul lieu ouvert le soir

À Saint-Geniès, pas grand monde se plaint du McDo. Il n'y a rien d'ouvert le soir si ce n'est le distributeur automatique de pizza et le snack de Mamed. Pourtant ce dernier ne "comprend pas ce qu'il fait là". Mamed cuisine des hamburgers au village depuis 13 ans. "McDo, c'est le plus grand restaurant au monde. Il a des menus à 5 euros avec deux hamburgers, une frite, une boisson. Ce n'est même pas notre prix d'achat, se désole-t-il. On ne peut rien faire contre eux. Ils ont le drive, ils sont trop rapides. Et aujourd'hui, la première question des clients c'est le temps d'attente".

"J'ai des amis proches qui m'ont dit : 'Tu m'excuseras mais pour 10 balles, le petit, il va jouer une heure !'"

Mamed, propriétaire du snack de Saint-Geniès-de-Malgoirès

à franceinfo

"Nous, on n'a pas d'aire de jeu", conclut Mamed qui a dû se séparer d'un employé.

Mais ça pèse peu face aux 30 CDI du McDonald's, reconnaît Karine Jouve, l'adjointe au maire en charge de la jeunesse. "Notre difficulté c'est qu'on a une commune qui est relativement pauvre. Malheureusement, on n'a pas la finance pour des parcs de jeu dignes de ce nom. Ça fait un endroit pour les mamans avec les petits donc on ne peut qu'en dire du bien de ce côté-là", commente-t-elle. La mère de famille aurait préféré un restaurant plus sain mais qui d'autre pourrait s'installer ici, interroge-t-elle. Même son fils a lâché son travail à vider des poulets dans l'usine d'à côté pour aller travailler chez McDo.

"Pas de ça chez nous !"

Il y a pourtant encore des communes qui résistent. À 300 km de là, dans les Alpes-Maritimes, c'est une véritable fronde qui s'organise contre un projet de McDo. Au Rouret, un village de l'arrière-pays de Cannes, la stratégie de McDonald's est exactement la même : installer son fast-food sur une route passante, à côté du collège, sauf qu'une pétition dépasse déjà 3 000 signataires pour s'y opposer. "On l'a tous signé", confient Liliane et ses collègues du marché bio. Ils montrent leurs cagettes de figues fraîches. "Le Rouret est un village écologique. Il y a des écoles où ils mangent bio, il y a un biocop".

"On n'a pas besoin au Rouret de Malbouffe. On a des valeurs du terroir. On ne veut pas d'enfants obèses dans une dizaine d'années."

Liliane, vendeuse au marché bio des Collines

à franceinfo

"On sait ce que ça donne, renchérit une autre femme. Je ne comprends même pas que ça puisse exister. C'est inadmissible."

Ici, les habitants ont fui la côte urbanisée pour s'installer dans de belles demeures aux jardins sculptés. Depuis que la demande de permis de construire a été déposée, les réseaux sociaux s'emballent.  Christelle, 56 ans, a lu sur Facebook que le fast-food allait attirer les dealers. "Ça va nous ramener des personnes nocturnes, les voyous, ceux qui traînent le soir, ils vont aller au McDo. C'est un village et le McDo, ça va nous casser le village", craint-elle.

Le maire Les Républicains du Rouret, Gérald Lombardo, jure qu'il ne sait pas qui a lancé cette pétition. Mais à 73 ans, lui qui se présente pour un cinquième mandat, s'est tout de suite mis du côté des frondeurs. "Il y a un petit côté 'pas de ça chez nous', convient l'élu. Restons ce que nous sommes et ce que ma population demande, à savoir être protégée du reste du vaste monde". Deux cents personnes ont assisté au vote d'une motion contre le McDo en conseil municipal.

Le permis de construire doit être accepté ou refusé fin novembre, mais selon son respect de la règlementation : le maire ne peut pas s'y opposer pour la seule raison que c'est un McDo. L'enseigne pointe d'ailleurs qu'elle a choisi de s'"implanter en dehors du centre du village, dans la zone commerciale". Elle fait valoir qu'elle a "développé un concept architectural respectueux du patrimoine local, conformément aux recommandations de la mairie. Comme tous les nouveaux restaurants de l’enseigne, il créera une cinquantaine d’emplois directs et indirects sans exigences de diplômes, avec des emplois flexibles notamment adaptés aux emplois du temps étudiants."