"J'ai découvert une ouverture vers un monde qui était complètement inconnu pour moi" : comment deux jeunes réfugiés, russe et ukrainien, se sont rencontrés à Paris
Sacha a 19 ans, Yury 17 ans : l'un est russe, l'autre ukrainien, tous deux sont réfugiés en France et fréquentent le même lycée. À moins d’une semaine du troisième anniversaire de la guerre en Ukraine, ils se confient sur leurs vécus d'exilés à Paris.
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Alexandre, surnommé Sacha, a 19 ans et est un jeune militant russe opposé au régime de Vladimir Poutine. Réfugié politique en France depuis bientôt trois ans, il côtoie dans le même lycée, à Paris, Yury, 17 ans. Celui-ci est ukrainien et est arrivé en 2022, bénéficiant de la protection temporaire.
Pour eux, tout va plutôt bien. Sacha a très vite maîtrisé le français, notamment en regardant les questions au gouvernement à l'Assemblée. Les deux élèves de terminale sont brillants, leurs moyennes générales sont respectivement de 18/20 et 15/20. "On n'est pas en compétition", plaisantent-ils. Ils se disent plutôt qu'un Russe et un Ukrainien côte à côte, "c'est possible".
"Les Ukrainiens n'aiment pas les Russes"
Pourtant, au début, l'Ukrainien Yury s'est méfié de Sacha : "Je dois dire franchement que pendant les premières semaines, j'étais très prudent et vigilant sur ce que je lui disais, avoue-t-il. Pour une raison très simple, c'est que les Ukrainiens n'aiment pas les Russes, je vais vous expliquer pourquoi. Je dois vous dire ce que j'ai vécu en Ukraine : en 2014, c'est l'annexion de la Crimée, puis c'est l'invasion de 2022. Ce sont les massacres qui se sont déroulés à Marioupol, à Boutcha, à Bakhmout etc. Mais finalement, j'ai eu quelques discussions avec lui. J'ai connu sa position politique et j'ai compris tout à fait que ce n'était pas une personne qui soutiendrait Poutine."
Le jeune Russe, Sacha, raconte lui aussi : "C'est quelque part grâce à notre professeur qui, au concours d'éloquence du lycée, a proposé qu'on fasse un projet ensemble et que moi, je fasse un discours sur la Russie. Mon sujet, c'était "Pourquoi les Russes sont-ils silencieux ?" Quel que soit notre passé, quelle que soit notre identité, on peut et on doit essayer de s'entendre. Et je pense qu’on a réussi."
"Moscovite enfermé en Russie, en arrivant en France, tout d'un coup, je me suis dit que le monde entier existe et que je dois être une partie de ce monde."
Sacha, réfugié russe, 19 ansà franceinfo
Les deux réfugiés sont en France depuis trois ans. Pour les deux jeunes, sortir de leur pays leur a permis de rencontrer une altérité positive et de se sentir citoyens du monde. "Je commence à aimer vraiment la France, dit Sacha. J'ai découvert une ouverture vers un monde qui était complètement inconnu pour moi." "Ici, renchérit Yury, Paris a vraiment formé mon esprit cosmopolite, avec les manifestations où je vois tout le monde, cet esprit révolutionnaire etc."
Sacha et Yury ont donc plutôt réussi leur intégration mais le mal du pays et l’inquiétude, face à cette guerre qui s’enlise, persistent.
La crainte d'une "normalisation du régime de Poutine"
Sacha est notamment inquiet par le rapprochement entre Vladimir Poutine et Donald Trump : "Moi, je suis venu ici en France, non seulement pour me réfugier, mais pour porter une voix d'opposition au régime de Vladimir Poutine, déclare-t-il. Et ce que je crains, c'est que cette volonté de Donald Trump de ramener les deux pays à la table de négociation va nous conduire à une normalisation du régime Vladimir Poutine, à l'oubli de la criminalité de ce régime."
La fin de la guerre à n'importe quel prix est aussi quelque chose qui préoccupe Yury : "Ce n'est absolument pas une paix durable, dit-il, mais ça va être juste l'arrêt de la guerre pour quelques années. Il y a une chose qui me perturbe, qui me fait le plus peur, c'est le fait que l'Ukraine doit rétrécir la quantité du nombre de soldats au sein de l'armée."
"Si l'Ukraine arrête d'avoir une grande armée, elle sera occupée dans quelques années. Et c'est ça, je pense, qui préoccupe le plus les Ukrainiens."
Yury, réfugié ukrainien, 17 ansà franceinfo
"Je rêve toutes les nuits de ma vie en Ukraine, raconte Yury qui nourrit un sentiment de tristesse, mais aussi de culpabilité. Donc, je pense que Freud dirait que j'ai un désir refoulé, c'est-à-dire de rentrer en Ukraine. Vraiment, je peux dire que ma vie a été coupée en deux, un sentiment de tristesse... Je me sens franchement parfois illégitime, parce que moi, là, je suis en France alors qu'il y a les autres Ukrainiens qui sont en Ukraine et qui souffrent."
Yury et Sacha, ces lycéens pas comme les autres, ont malgré tout leur bac à préparer. Alors, ils retournent à leur quotidien du moment, avec un objectif : la mention.
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