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Justice : au cœur de la section P12 du parquet de Paris, qui intervient en amont des comparutions immédiates
Mardi, 41 personnes ont été placées en garde à vue lors de la manifestation parisienne contre les retraites. Comment les procureurs décident-ils des suites judiciaires ? De remettre en liberté ou de juger ? Évènement très rare, le parquet de Paris nous a ouvert les portes de sa permanence.
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C'est un monde un peu à part, celui de l'urgence. La section "P12" du parquet de Paris se trouve au 4e étage du tribunal des Batignolles. C’est le bureau des greffiers, surnommé "le bureau de la mort". Ça donne une idée des journées de travail des 14 magistrats et 38 greffiers qui y sont affectés.
La cheffe de section, la vice-procureure Sophie Lacote qui chapeaute ces 14 magistrats, nous fait la visite. "On est ici sur le plateau de permanence, qui accueille tous les appels des commissariats de l'ensemble des gardes à vue du ressort parisien en flagrance pour des majeurs, explique-t-elle. Vous avez actuellement trois magistrats qui sont en charge du traitement de ces gardes à vue".
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Casque téléphonique sur les oreilles, Marin Houette écoute le policier à l'autre bout du fil : visiblement, la procédure est encore un peu légère. "Je vois qu’il y a un délai entre l’heure d’interpellation et l’heure de présentation à l’OPJ. Est-ce qu’il y a des circonstances exceptionnelles ou insurmontables qui expliquent ce délai ? demande-t-il à son interlocuteur. Sur la qualification de 'participation à un groupement en vue de commettre violences ou dégradations', vous avez quoi comme élément là-dessus ? Vous avez un PV de contexte ? Et il n'y avait pas de sommation de se disperser ? Pas à ce stade-là ? J'ai besoin d'avoir ces éléments parce que sinon l'infraction n'est pas caractérisée."
Dans l'open space de la permanence du parquet de Paris, le téléphone sonne en moyenne 200 fois par jour. Les procureurs arrivent en troisième rideau, après le policier qui a interpellé, puis celui qui s'occupe de la garde à vue. Les magistrats s’appuient au départ sur ce qu'ils appellent la "MAD", la fiche de "mise à disposition". C'est comme un PV, mais simplifié, qui a été créé pour faciliter la tâche des policiers qui interpellent en nombre lors des manifestations. Les procureurs ont aussi sous leurs yeux, une feuille A4, baptisée "check-list" pour ne rien oublier et s'assurer notamment que la garde à vue est dans les clous.
Parfois tout se passe sans accroc, comme dans le bureau de Marion Py, de permanence criminelle mercredi. Dans un box réservé pour les "affaires sensibles", elle travaille sur le dossier de l'incendie d'une cabane de chantier, avec un garçon de 23 ans en garde à vue. "On a une fiche de mise à disposition qui est assez précise, on a les vidéos de la ville de Paris, on a un jeune homme qui répond aux questions, qui correspond totalement vu les faits qui sont reprochés, au plaider coupable", résume-t-elle. Dans la foulée de l’appel pour l’incendie, un commissariat la contacte pour des ossements retrouvés chez un particulier. Reste à savoir s’il s’agissait d’ossements humains...
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Mais parfois, l'unique preuve, c'est la parole du policier. Hüseyin Uludag s’occupe du cas d’une jeune femme en garde à vue pour avoir crié à un policier de se suicider. "On va retenir les outrages et on va lui faire 500 euros d'amende, conclut-il. Ce qui permet de l'établir c'est qu'il y a la fiche de MAD et par-dessus, une audition et une plainte du fonctionnaire qui a été outragé ce qui me permet de caractériser l'infraction. Là, c'est la parole du fonctionnaire qui vaut preuve. Elle a fait le choix de ne pas s'exprimer en garde à vue. J'estime qu'il y a assez d'éléments pour entrer en voie de condamnation derrière". Dans ce cas, ce sera au tribunal de décider s'il y a amende ou pas pour outrage.
Pas de "rébellion", mais l'application de la loi
Dans le débat sur les gardes à vues dites "abusives", le parquet est souvent décrit comme du côté des policiers. À la section P12 on répond que chacun est dans son couloir. Les policiers font leur métier; les magistrats font le leur : appliquer la loi. On ne rechigne pas à classer les affaires sans suite, affirme la vice-procureure Sophie Lacote. "Je ne suis pas sûre, en réalité, qu’on attende des magistrats qu’ils soient rebelles, ce n’est pas notre rôle", analyse-t-elle.
"On a eu une grosse vague d’interpellations, près de 250. On a été amené à classer sans suite presque 200 dossiers. Notre rébellion, si on peut l’exprimer ainsi, on la manifeste via le traitement qu’on fait des procédures."
Sophie Lacote, cheffe de sectionà franceinfo
D'ailleurs, les magistrats du parquet de Paris disent avoir vu, lors des dernières manifestations, des procédures policières plus carrées. Sur les 41 gardes à vue prises mardi 6 juin, huit (soit 20%) ont été classées sans suite faute de preuves ou même d'infractions. Les autres ont été, soit prolongées, soit ont fait l'objet de poursuites ou d'alternatives aux poursuites.
Mais les suites des manifestations, ce ne sont que des appels parmi de nombreux autres pour les procureurs de la permanence parisienne. Belkacem Ait-Azzouzène doit intervenir sur cette affaire : "C’est Monsieur qui jette un ananas sur Madame dans le cadre d’une dispute, Madame pour se défendre lance une conserve, elle prend sa chaussure et le frappe au crâne avec", l’entend-on prendre note et demander si une expertise psychiatrique est nécessaire pour l’un ou l’autre. "Sur la demi-heure, j’ai eu un trafiquant de produits stupéfiants, les violences conjugales dont je parlais, un dossier de manifestants et un peu avant, j’avais eu un refus d’obtempérer", énumère-t-il. Le quotidien de cette section "P12" a un petit côté "lessiveuse", mais qui soude ses magistrats. Leur maxime : "P12 un jour, P12 toujours."
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