Abstinence, prières et vidéos : le carême chrétien en vogue chez les jeunes et sur les réseaux sociaux

Dans la religion chrétienne, le carême représente une période de 40 jours, d'aumône, de prières et de restrictions alimentaires, qui s'achève à Pâques.

Article rédigé par Boris Loumagne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Un cierge pascal allumé et le Christ sur la croix pour la cérémonie d'un prêtre de Nancy, qui célèbre la Vigile pascale dans son presbytère et en direct sur Facebook via un smartphone, en avril 2020. (ALEXANDRE MARCHI / PHOTOPQR / L'EST REPUBLICAIN / MAXPPP)
Un cierge pascal allumé et le Christ sur la croix pour la cérémonie d'un prêtre de Nancy, qui célèbre la Vigile pascale dans son presbytère et en direct sur Facebook via un smartphone, en avril 2020. (ALEXANDRE MARCHI / PHOTOPQR / L'EST REPUBLICAIN / MAXPPP)

Le dimanche 13 avril correspond, dans le calendrier chrétien, au dimanche des Rameaux. Une semaine avant Pâques et la fin du carême, qui séduit de plus en plus de jeunes Français. Cette période chrétienne d'aumône, de prières et de restrictions alimentaires était un peu tombée en désuétude ces dernières décennies mais elle retrouve actuellement un second souffle, en devenant notamment tendance, cette année, sur les réseaux sociaux. Sur Tiktok ou Instagram, les vidéos expliquant comme réaliser son carême se multiplient et rencontrent un succès grandissant.

L'Église catholique confirme qu'il y a de plus en plus d'adolescents qui pratiquent le carême aujourd'hui en France, comme franceinfo a pu le vérifier à la sortie d'un lycée public parisien : "C'est vrai qu'à un moment, le carême, on en parlait beaucoup moins et en ce moment, on en parle beaucoup plus. Il y a peut-être une nouvelle mode des chrétiens qui veulent faire le carême." Preuve de cette tendance, beaucoup de lycéens suivent le carême pour la première fois.

Et chacun y va de ses restrictions : "Cela passe par des petites choses que j'aime bien, comme le lait. J'adore le lait et, du coup, je me suis privé de lait pendant 40 jours, le temps du carême", explique un jeune homme. "Pour moi, ça passe aussi par l'abstinence sexuelle, moins de choses qui me font plaisir pour me concentrer et essayer de devenir une meilleure personne au quotidien", expose un autre. Pour un troisième, c'est "par exemple, utiliser moins son téléphone ou, le truc de tous les jeunes, pas de masturbation, etc. C'est simple, le téléphone", insiste-t-il, contrairement à d'autres choses, assurent les lycéens dans un éclat de rire.

La tendance est claire, le carême séduit les jeunes et la pratique est même encouragée sur les réseaux sociaux. Certaines vidéos d'influenceurs chrétiens cumulent 500 000, 1 million et jusqu'à 3 millions de vues, comme celles du compte "Jésus superfan". Derrière le compte aux 17 000 abonnés sur TikTok, se trouve Valentina, 19 ans, qui habite en Meurthe-et-Moselle. Elle note un engouement croissant pour ses vidéos ces derniers jours : "J'ai trouvé qu'il y avait vraiment une croissance folle et surtout ces derniers temps, avec le carême, j'ai l'impression que ça a triplé de volume. Juste un peu avant le carême, je recevais plus de 30 messages privés par jour : comment prier ? Comment ça se passe le mercredi des Cendres ? Comment il faut jeûner, etc." Pour étancher la soif de spiritualité de ses abonnés, Valentina peut compter sur son prêtre, qui lui donne parfois des conseils pour écrire le texte de ses vidéos.

"Avant, on avait beaucoup de gens qui se disaient chrétiens mais qui n'y connaissait rien. Et maintenant on a des jeunes qui veulent apprendre, qui ont une soif d'apprendre pour de vrai."

Valentina (compte "Jésus superfan" sur TikTok)

à franceinfo

Du virtuel au réel

L'Église catholique voit plutôt d'un bon œil cet engouement pour le carême sur les réseaux sociaux. Et l'institution compte bien capitaliser sur cette tendance, grâce notamment à des prêtres très actifs sur les réseaux sociaux, comme le père Benoît Pouzin, qui officie dans le diocèse de Valence (Drôme) mais aussi sur TikTok. Pour lui, parler du carême sur les réseaux sociaux, c'est l'occasion d'attirer de nouvelles ouailles. "Tout l'enjeu, c'est d'essayer au maximum d'aider les gens, de passer du virtuel au réel, c’est-à-dire comment j'arrive à les sortir aussi de derrière leur écran pour vivre vraiment leur foi. Et pour nous, c'est très important. Typiquement, l'Église, c'est un lieu de partage, de communion, de rassemblement, de fraternité. Et ça, on ne peut pas le vivre derrière les écrans."

Et le succès est au rendez-vous pour le père Pouzin, comme en témoigne sa première messe du carême il y a un mois. "Le jour du mercredi des Cendres, habituellement, j'ai 80 à 100 personnes et là, cette année, j'avais plus de 500 personnes. J'ai ensuite célébré le soir à la cathédrale avec l'évêque et la cathédrale était archi-pleine et avec des centaines de jeunes. Donc effectivement, on a parlé de raz-de-marée, qui s'est vraiment passé partout en France, que ce soit en ville, d'ailleurs, ou même plus dans les campagnes."

Une forme d'influence du ramadan

Un raz-de-marée qui s'explique peut-être aussi par la concomitance du carême cette année avec une autre période religieuse très populaire chez d'autres jeunes : le ramadan. "Je pense qu'il y a une forme d'influence du ramadan, explique Isabelle Jonveaux, sociologue des religions, dans le sens où le ramadan a été très présent dans les médias, très présent dans l'espace public, qui a refait poser en fait aux chrétiens la question de savoir ce qu'eux-mêmes vivaient pendant le carême, sachant que l'Église aussi a réduit ses obligations de jeûne pendant le carême. Donc un peu cette impression qu'on ne vivait plus vraiment le carême, mais que le ramadan est en moyenne plus vécu par les musulmans. Et donc ça a eu une influence de se redire peut-être qu'on pourrait redonner un sens au carême chrétien."

Le carême revêt également une dimension identitaire, comme l'ont affirmé plusieurs adolescents rencontrés, qui souhaitent revendiquer par cette pratique leur appartenance au christianisme.

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